1 Ανάρτηση στο http://www.harmattan.fr/auteurs/article_pop.asp?no=20177&no_arti
1 Ανάρτηση στο http://www.harmattan.fr/auteurs/article_pop.asp?no=20177&no_artiste=18796 Poïétiques1 du métissage, art(iste)s pluri/inter/multi/poly/disciplinaires. « Un honnête homme, c’est un homme mêlé. » Michel de Montaigne 2 Lorsqu’il m’a été proposé d’écrire un article sur les « arts hybrides » je me suis demandé, étant artiste moi-même, si je pouvais écrire quelques lignes sur le sujet en évacuant de mon champ d’investigation l’élément fondamental de la question, à savoir l’artiste, celui qui est à l’origine de l’œuvre hybride et par conséquent le rapport essentiel qui existe en amont, bien avant que l’œuvre soit finie, entre l’artiste et sa production « en train de se faire ». Aussi me suis-je rendu compte combien il est difficile de se mettre à la place de celui qui met en œuvre des œuvres hybrides, de comprendre la cause interne (nécessité intérieure ?) qui le pousse à combiner, assembler, mélanger différents médiums tels que la photographie, la peinture, la vidéo, l’écriture pour aboutir à un résultat souvent contesté et plus ou moins improbable car il est, me semble-t- il, plus difficile de pouvoir maîtriser plusieurs médiums qu’un seul. La question principale qui me préoccupera davantage ici est de savoir si l’on peut faire des œuvres hybrides sans que l’on soit soi même un homme profondément divisé par des désirs labyrinthiques de pratiquer différents arts et pas un seul comme cela se fait habituellement. Ainsi nous posons comme condition sine qua non de l’hybridation la nécessité pour l’artiste d’avoir la maîtrise technique des médiums qu’il mélange ; il est claire, me semble-t-il, que l’on ne peut pas dessiner ou peindre par exemple sur une photographie sans avoir déjà pratiquer le dessin ou la peinture. Malgré la difficulté je me mettrai donc à la place de l’artiste, à la place de celui que Barthes appelle Operator3, et en tant que tel je m’intéresserai, d’une part à 1 Le terme « poïétique » est emprunté à René Passeron qui, lui-même, l’a emprunté à Paul Valéry. « Valéry, on le sait, écrit Passeron, a déjà employé ce mot. Partant de la poétique, au sens d’Aristote et de Boileau, pour en garder presque le mot, mais très peu la chose, il se propose d’étudier la genèse du poème. » René Passeron, Pour une philosophie de la création, Paris, éd. Klincksieck, 1989, p. 13. 2 Michel de Montaigne, Essais, III, IX, Paris, éd. Pierre Michel, Le Livre de Poche, 1965, p. 222. 3 Barthes opère une nette distinction entre le spectateur (sujet regardant) et l’opérateur. Il écrit : « Il me semblait que la Photographie du Spectator descendait essentiellement, si l’on peut dire, de la révélation chimique de l’objet […], et que la Photographie de l’Operator était liée au contraire à la vision découpée par le trou de serrure3 de la camera obscura. Mais de 2 ce que les critiques disent sur le sujet et, d’autre part à ce que disent les artistes ; dans un troisième temps je montrerai mes propres images photographiques en essayant de démontrer comment les productions hybrides (photographies hybrides en l’occurrence) se heurtent souvent à l’incompréhension du simple spectateur qui me questionne le plus souvent : « Mais vos photographies sont déjà très bonnes ! Pourquoi les découpez-vous, pourquoi les mélangez-vous, pourquoi ne vous les laissez pas telles que telles ? ». En présentant mes propres travaux pratiques je suis aussi conscient que je m’expose moi-même au risque d’un texte hybride traversé à la fois par une pensée pure de théoricien et par une pensée praticienne qui produit à la fois de la théorie et des images ; ce qui veut dire que déjà le seul fait d’être un théoricien et un praticien, est en soi une forme d’hybridation qui plus est impossible à rendre visible ; c’est probablement ce genre d’hybridations qu’il faudrait questionner, les hybridations qui demeurent imperceptibles, impossibles à décoder par un œil non averti. Ce texte travaille dans cette direction. Il se veut comme un objet hybride et comme un témoignage direct sur les problèmes que rencontre l’artiste tant du point de vue de la poïétique que de la réception de l’œuvre hybride. En tant qu’Operator moi-même que j’aborderai la question de l’hybridation en m’intéressant davantage aux questions suivantes : Pourquoi certains artistes pratiquent-ils les hybridations entres les arts en défiant ainsi les règles (d’or) de l’art classique de la pureté du médium, du beau et de l’harmonie ? Que cherchent-ils à atteindre ? S’agit-il d’un simple désir de décloisonnement des catégories artistiques ou bien d’un geste beaucoup plus essentiel? Que peut-il se cacher derrière cette volonté de décloisonnement ? Est- il nécessaire de maîtriser différents arts pour pouvoir les mélanger dans la suite? Faut-il distinguer métissage des arts et multidisciplinarité ? Quelles sont les difficultés que posent au Spectator les poïétiques du mélange et le mélange des poïétiques ? Peut-on enfin supposer que, les œuvres hybrides, lorsqu’elles sont sincères et non pas des produits d’une mode, reflètent, comme la citation mise en exergue, l’honnêteté et le désir de vérité, souvent chaotique, de leurs créateurs ? La plupart des commentateurs et des critiques font des inventaires des pratiques inter/trans/pluri/multi disciplinaires 4 avec toutes les nuances possibles que l’on peut déceler entre les diverses dénominations et catégories mais ils évitent, me semble t-il de répondre à la question essentielle : Quelles significations peut-on cette émotion-là (ou de cette essence) je ne pouvais parler, ne l’ayant jamais connue. » Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, éd. de l’Étoile, Gallimard, Le Seuil, 1980, pp. 23-24. 4 « L’interdisciplinarité, écrit Claire Fagnart, est une notion sémantiquement floue, utilisée tantôt dans un sens générique, tantôt dans un sens spécifique et parfois confondue avec les termes de pluridisciplinarité ou de transdisciplinarité » dans la revue de l’Université Paris 8 Marges n° 4, octobre 2005, p. 8. 3 tirer pour les sciences humaines de ces pratiques ? Qu’apportent-elles de nouveau à la question de l’Homme ? Comment nous aident-ils à comprendre les mutations qui surviennent à l’homme en ces débuts du XXIème siècle ? Avant d’entrer dans le fond de la question du point de vue de l’artiste « hybridateur » nous allons, afin de mieux cerner les enjeux principaux de notre objet d’étude, nous intéresser à ce que signifient les termes hybride, hybridation faisant abstraction de ce qui n’est pas en rapport direct avec les arts de l’image ; car on ne peut ignorer que l’hybridation renvoie à d’autres registres tels que la chimie, la physique, l’anthropologie, la génétique etc. Par ailleurs le survol rapide de ces différents épistèmès permet de nous rendre compte que l’hybridation fait partie intégrante des processus et comportements naturels, qu’elle relève de l’authentiquement vivant et que la vie est en soi générée par la dynamique du métissage et de l’enfantement par hybridation. Le Robert nous informe que l’hybridation en biologie est le « croisement naturel ou artificiel entre deux variétés, deux races d’une même espèce (métissage) ou entre deux espèces et que l’hybride serait « ce qui provient du croisement de variétés, de races, d’espèces différentes. En linguistique un mot hybride « est formé d’éléments empruntés à des langues étrangères ». En langage courant l’hybride est « un composé de deux éléments de nature différente anormalement5 réunis » ce qui veut dire qu’en termes populaires hybride veut dire bâtard, ce qui provient du mélange impur entre des choses qui d’habitude ne se mélangent pas. On perçoit alors, surtout dans la dernière acception du terme, un sens péjoratif s’attribuer au terme hybride et lorsqu’on cherche sa cause réelle nous apprenons qu’il tire son origine du mot grec hubris qui signifie l’excès, ce qui dépasse la mesure, le mouvement fautif de ce qui dépasse la limite de ce qui est convenable. Or, il est bon de constater que les artistes majeurs du XXe siècle n’ont fait que multiplier les hubris envers l’art officiel de leur temps en pratiquant toutes formes de transgression. Si le métissage, la fusion et l’accouplement sont des processus naturels il est bon de constater qu’en esthétique cela a posé et pose encore jusqu’à aujourd’hui de problèmes. Aussi se rend-on compte que ce n’est pas le mélange en soi qui est proscrit en esthétique, mais certaines formes du mélange. A priori il y aurait des bons mélanges et des mauvais. Le mélanges des pigments colorés dans la palette du peintre par exemple n’a jamais posé de problème ; bien au contraire c’est ce qui fait la spécificité et la richesse de la peinture. Cependant lorsque les artistes, cherchant à avancer dans leur art, ont voulu sortir du système clos de la peinture, et lorsqu’ils ont commencé à chercher de nouveaux modes représentationnels combinant peinture, objets réels, matériaux de rebus, sculpture, vidéo, représentation mimétique et présentation, cela a été plutôt mal accueilli par les critiques. 5 Nous soulignons 4 Alors que l’hybridation est en soi un processus naturel, dans l’esthétique lorsque la « culture », avec ses règles et ses conventions, intervient des barrières s’élèvent pour dire ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire. Mais pourquoi avons-nous tant de mal à accepter uploads/s3/ poietiques-du-metissage-artistes-pluridisciplinaires.pdf
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- Publié le Jan 03, 2022
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