Ohadata D-02-14 LA PORTEE ABROGATOIRE DES ACTES UNIFORMES DE L’OHADA SUR LE DRO

Ohadata D-02-14 LA PORTEE ABROGATOIRE DES ACTES UNIFORMES DE L’OHADA SUR LE DROIT INTERNE DES ETATS-PARTIES 1 par Joseph ISSA-SAYEGH Professeur agrégé Article paru dans la Revue burkinabé de droit, n° spécial, n° 39-40, p. 51. Plus de trois ans après le début de l’application des Actes uniformes de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires), de très nombreux praticiens et les Etats parties eux-mêmes s’interrogent encore sur la portée abrogatoire, en droit interne, des Actes uniformes élaborés par cette organisation et adoptés par son Conseil des ministres. Cette interrogation porte sur l’abrogation du droit interne aussi bien dans le temps que ratione materiae. Le doute qui s’est installé dans les esprits vient de ce que les textes susceptibles d’être considérés comme réglant la question de l’application des Actes uniformes dans le temps et sur le plan matériel ne sont pas rédigés avec toute la clarté souhaitable en ce domaine. Il s’agit des articles 9 et 10 du Traité de l’OHADA, d’une part, et des dispositions abrogatoires des Actes uniformes eux-mêmes, d’autre part. Seul un examen attentif de ces textes permettra, peut- être, de préciser la portée abrogatoire des Actes uniformes. C’est le but de ces réflexions 2. I. L’APPLICATION, DANS LE TEMPS, DES ACTES UNIFORMES AU REGARD DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 9 ET 10 DU TRAITE, D’UNE PART , ET DES DISPOSITIONS ABROGATOIRES ET TRANSITOIRES DE CHAQUE ACTE UNIFORME, D’AUTRE PART. 1 Cet article est inspiré, d’une part, d’un de nos articles basé sur des réflexions théoriques (voir note 2) et, d’autre part, sur un travail fait pour l’Etat ivoirien, de mise en conformité du droit ivoirien avec les Actes uniformes. Ce travail a consisté, notamment, à recenser tous les textes ivoiriens antérieurs ou postérieurs à l’indépendance et aux Actes uniformes, à les comparer, article par article, à ceux des Actes uniformes et à conclure à leur abrogation ou à leur maintien selon qu’ils leur étaient contraires ou non. 2 La difficulté de déterminer la portée abrogatoire des Actes uniformes sur le droit interne n’est pas la seule rencontrée dans l’œuvre d’uniformisation du droit. Voir Joseph ISSA-SAYEGH : Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, Revue de droit uniforme, 1999-1, p.5 s. 1 ARTICLE 9 DU TRAITE : « Les Actes uniformes entrent en vigueur quatre- vingt dix jours après leur adoption sauf modalités particulières d’entrée en vigueur prévues par l’Acte uniforme lui-même. Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au journal officiel de l’OHADA. Ils sont également publiés au journal officiel des Etats parties ou par tout moyen approprié ». A vrai dire, l’article 9 est le seul texte du Traité relatif à l’application, dans le temps, des Actes uniformes. Il signifie qu’en principe, les Actes uniformes entrent en vigueur 90 jours après leur adoption par le Conseil des Ministres de l’OHADA sauf modalités particulières prévues par les Actes uniformes eux-mêmes (c’est à dire soit plus tôt avant, soit plus tard après le 90ème jour) 3. Examinons donc le principe porté par l’article 9 du Traité (A) et les exceptions apportées par les mesures transitoires (B). A. Les principes de l’article 9 du Traité. Par application des principes contenus dans l’article 9, on peut dire que l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d’exécution ainsi que celui sur l’arbitrage adoptés respectivement le 10 avril 1998 et le 11 mars 1999 sont entrés en vigueur conformément aux dispositions de l’article 9 du traité, soit trois mois après leur adoption et 30 jours après leur publication au JO de l’OHADA (article 338 AUVE, JO n° 6 du 1er juillet 1998 ; article 36 AUA ; JO n° 8 du15 mai 1999). Par application des mêmes principes, les Actes uniformes relatifs : au droit commercial général ; aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ; aux sûretés, bien qu’adoptés le 17 avril 1997 par le conseil des Ministres, sont entrés en vigueur le 1er janvier 1998, soit plus de trois mois après leur adoption et après leur publication au JO de l’OHADA (respectivement n° 1, n° 2 et n° 3 du 1er octobre 1997) par la volonté du Conseil des Ministres de leur accorder un effet différé par rapport aux principes de l’article 9 ; de même, l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif, adopté le 10 avril 1998 est entré en vigueur le 1er janvier 1999 (effet différé par rapport au principe posé par l’article 9) ; 3 Sur ce point, voir Joseph ISSA-SAYEGH, op. cit., n. 42 et s. 2 Bien entendu, tous les actes juridiques (contrats, actes de procédure, arbitrages…) conclus ou accomplis avant l’entrée en vigueur de ces textes sont restés régis par le droit interne applicable avant cette date. Ces principes étant admis, deux questions méritent d’être posées que seule la CCJA pourrait résoudre à travers un avis. Première question : L’article 9 in fine prévoit que l’Acte uniforme est également publié au JO des Etats parties. Faut-il en conclure qu’un Acte uniforme doit être publié, à la fois, au J0 de l’OHADA et dans celui d’un Etat partie pour qu’il soit applicable dans le territoire de ce dernier ? Nous sommes tentés de répondre par la négative ; la seule publication au JO de l’OHADA suffit, faute de quoi il suffirait à un Etat de ne pas publier un Acte uniforme dans son JO pour en paralyser l’application ce qui est contradiction flagrante avec la disposition de l’article 9 et celle de l’article 10. Inversement, la seule publication au JO national d’un Acte uniforme suffit à le rendre applicable dans cet Etat partie même si l’OHADA ne l’a pas publié. Deuxième question : que faut-il entendre par la disposition selon laquelle les Actes uniformes entrent en vigueur 90 jours après leur adoption alors qu’elle se poursuit en disant qu’ils sont opposables 30 jours après leur publication au JO de l’OHADA. Elle signifie sans doute que, dans le silence de l’Acte uniforme sur la date de son entrée en vigueur, celle-ci doit être fixée au 90ème jour suivant son adoption (exemples : article 35 AU Arbitrage ; article 338 AU voies d’exécution). Quant à l’opposabilité, elle signifie que l’Acte uniforme est apte à produire effet à l’égard des Etats parties et des justiciables et peut être utilement invoqué par toutes parties à un contrat ou par les tiers 30 jours après sa publication au JO de l'OHADA 4. Si on combine ces deux dispositions, elles doivent aboutir, pour obtenir qu’un Acte uniforme entre en vigueur le 90ème jour suivant son adoption, à la publication d’un Acte uniforme au JO de l’OHADA, au plus tard dans les soixante jours suivant son adoption. Si la publication intervient avant le 60ème jour suivant l’adoption, l’Acte uniforme entrera en vigueur 30 jours après cette publication (donc avant le 90ème jour suivant l’adoption) ; si la publication intervient après le 60ème jour suivant l’adoption, l’Acte uniforme n’entrera en 4 En serait-il de même en cas de publication au seul JO national ? 3 vigueur que 30 jours après cette formalité, soit nécessairement plus de 90 jours après son adoption. Autrement dit, l’Acte uniforme n’est pas applicable tant qu’il n’est pas publié au JO de l’OHADA, même si plus de 90 jours se sont écoulés depuis son adoption. B. Les dispositions abrogatoires et transitoires des Actes uniformes. Tous les Actes uniformes ne comportent pas de dispositions transitoires. Il convient néanmoins de les passer tous en revue afin de déterminer leur application dans le temps. 1) Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG). Nous avons déjà indiqué que cet AU est entré en vigueur le 1er janvier 1998 (article 289 alinéa 2 in fine AUDCG). Toutefois, précise l’article 1er alinéa 3, « les personnes physiques ou morales et les groupements d’intérêt économique, constitués ou en cours de formation à la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, doivent mettre les conditions d’exercice de leur activité en harmonie avec la nouvelle législation dans un délai de deux ans à compter de la publication du présent Acte uniforme au journal officiel » de l’OHADA 5. Il résulte de ces deux textes que ce n’est qu’à partir du 1er janvier 1998 que l’AUDCG a été rendu applicable aux commerçants et aux actes qu’ils accomplissaient ; tous les actes accomplis antérieurement à cette date (achats, ventes, commissions, baux, locations-gérances…) continuent à être régis par les anciens textes de droit interne au-delà du 1er janvier 1998, jusqu’à épuisement de leurs effets. Quant aux règles concernant les conditions d’exercice de leur activité, ils ont un délai de deux ans (jusqu’au 31 décembre 2000) pour se conformer aux dispositions de cet Acte uniforme. La question reste de savoir ce qu’on entend par « conditions d’exercice de leur activité » ; il semble que ce soit, outre les obligations comptables (voir AU sur le droit comptable), les formalités à accomplir auprès du Registre du commerce et du crédit mobilier (articles 19 à 68). 5 C’est nous qui précisons. 4 uploads/s3/ portee-abrogatoire-au-ohada.pdf

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