Les portraits selon Balzac Créer Représenter Illustrer Maison de Balzac 47 rue

Les portraits selon Balzac Créer Représenter Illustrer Maison de Balzac 47 rue Raynouard - Paris XVIe 01 55 74 41 80 balzac.paris.fr Dossier enseignant – collège Balzac s’est donné pour objectif, dans La Comédie Humaine, d’analyser les rapports sociaux. Mais comment comprendre les relations de deux personnes, si l’on ne sait pas qui elles sont, où elles habitent, quelles sont leurs habitudes, de quels milieux elles sont issues, comment elles se sont rencontrées, quel est leur métier, leur rapport à l’argent, comment elles s’habillent, d’où elles sont originaires géographiquement ? Là est tout l’intérêt de la description : analyser pour comprendre. Balzac fait un portrait, au sens large du terme, de chacun de ses personnages : portrait physique, portrait moral. Même les descriptions de leur environnement (costumes, décor, mobilier) font partie de leur portrait. Il s’agit pour Balzac de définir socialement ses personnages. Deux questions se posent ici, auxquelles ce dossier apporte quelques éléments de réponse :  Comment Balzac crée-t-il ses portraits ? L’écrivain utilise les théories de savants des XVIIIe et XIXe siècles : la physiognomonie de Lavater, la phrénologie (ou crânioscopie) de Gall, la théorie des fluides de Mesmer. Mais Balzac n’applique pas à la lettre ces thèses, pour la plupart dépassées lorsqu’il rédige, et les tourne bien souvent en dérision dans ses romans.  Qu’en est-il de la mise en image de ces portraits ? Balzac avait réalisé un projet d’édition illustrée de La Peau de chagrin en 1838 ; la première édition illustrée de La Comédie Humaine fut l’édition Furne, en 1842. Les illustrations de l’œuvre de Balzac évoluèrent beaucoup selon les époques. Deux solutions s’offrent aux dessinateurs : représenter les personnages avec exactitude, en faisant des recherches pour retrouver quelles étaient les modes du temps de Balzac ; ou proposer une interprétation contemporaine, sans doute plus parlante pour le lecteur, des portraits balzaciens. 2 Introduction 3 I- La méthode Balzacienne : comment Balzac écrit-il ses portraits ? En 1842, Balzac publie sous le titre de La Comédie Humaine la grande majorité de ses œuvres : cet ensemble comprend quatre-vingt-onze romans organisés en trois groupes, études de mœurs, études philosophiques, études analytiques. La Comédie Humaine n’est pas seulement une œuvre littéraire : elle est clairement empreinte d’une ambition scientifique. Balzac revendique une filiation avec les travaux de plusieurs savants, notamment Cuvier, selon qui « l’organisation de l’animal est en harmonie nécessaire avec sa manière de vivre »*, et Buffon, auteur de la monumentale Histoire Naturelle. Balzac explique, dans l’Avant-propos de La Comédie Humaine, la conception de son œuvre : « Cette idée vint d'une comparaison entre l'Humanité et l'Animalité. » On peut, logiquement, analyser le phénomène humain en classant des espèces sociales, comme Buffon a analysé le phénomène animal en classant les espèces animales. Par ailleurs, l’œuvre de Balzac témoigne de l’impact de certaines sciences, alors démodées, sur les esprits: celles de Lavater, Gall et Mesmer. 1- Quelques figures tutélaires de Balzac A- Lavater et sa physiognomonie A- Lavater et sa physiognomonie Johann Caspar Lavater (1741-1801), pasteur suisse, avait une théorie selon laquelle chaque élément du visage, du front au menton, correspondait à un élément psychologique. A partir de l’observation d’une personne, il était donc théoriquement possible de déterminer son caractère, ses habitudes, ses goûts, ses origines familiales et géographiques, son histoire. Cette théorie reçut le nom de physiognomonie, discipline que Lavater développe, après des années de travaux d’observation, dans un ouvrage de dix volumes intitulé L’Art de connaître les hommes par la physiognomonie. Voici la définition qu’en donne Lavater dans ses écrits : « J’appelle physiognomonie le talent de connaître l’intérieur de l’homme par son extérieur, d’apercevoir par certains indices naturels ce qui ne frappe pas immédiatement les sens […] . »** La physiognomonie relève donc d’une analyse minutieuse, et semble défendre une vision de l’homme comme étant soumis à la prédestination. Il n’y a qu’à en croire la description de Balzac dans Le curé de village : « Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées ». La théorie de la physiognomonie eut une grande influence sur Balzac. Les références au pasteur suisse sont d’ailleurs nombreuses dans le vaste ensemble de la comédie Humaine. On y trouve treize occurrences du nom de Lavater. « Le monsieur à l'habit marron devait être celui des habitués qui fermait la procession quotidienne, car la vieille mère remit ses lunettes, reprit son ouvrage en poussant un soupir et jeta sur sa fille un si singulier regard, qu'il eût été difficile à Lavater lui- même de l'analyser. » (Une Double Famille) *cité par Patrick Tacussel, Mythologie des Formes Sociales, Méridiens Klincksieck, 1995, p.107. ** cité par Régine Borderie, Balzac, peintre de corps. La Comédie Humaine ou le sens du détail, Sedes, 2002, p. 39. 4 I- La méthode Balzacienne : comment Balzac écrit-il ses portraits ? B- Gall et sa crâniologie ou phrénologie B- Gall et sa crâniologie ou phrénologie Franz Joseph Gall (1758-1828) était un médecin allemand partisan de l’hypothèse selon laquelle les prédispositions mentales de chaque individu sont situées dans des zones précises du cerveau, à la surface du crâne. Le développement de telle ou telle prédisposition donnait donc lieu à une proéminence osseuse, une bosse (d’où la fameuse « bosse des maths » !), tandis que l’inhibition de telle autre prédisposition entraînait un creux, décelables l’un comme l’autre par palpation du crâne. Le crâne n’avait donc jamais exactement la même forme selon les individus et leur caractère, et il était théoriquement possible de déterminer le caractère d’une personne en palpant son crâne. Gall affirmait qu’il y avait à la surface du crâne 26 zones de prédisposition, parmi lesquelles l’amour conjugal, le meurtre, l’espoir, l’appétit, la méchanceté, les langues, la musique, la mémoire… La réception de cette science par la population intéressa vivement Balzac. L’écrivain fait dans son œuvre maintes références empreintes d’ironie envers une discipline nettement en recul au moment où il écrit. Ainsi écrit-il à propos du maître de poste de Nemours : « Sa casquette en drap bleu, à petite visière et à côtes de melon, moulait une tête dont les fortes dimensions prouvaient que la science de Gall n'a pas encore abordé le chapitre des exceptions. » (Ursule Mirouët) I- La méthode Balzacienne : comment Balzac écrit-il ses portraits ? 5 C- Mesmer et le magnétisme animal C- Mesmer et le magnétisme animal Franz-Anton Mesmer (1734-1815), médecin viennois, fut l’initiateur d’une doctrine physiologique et thérapeutique basée sur la cosmologie. Cette doctrine repose sur les principes suivants : un fluide, dit magnétique, est l’instrument d’une influence mutuelle entre les corps célestes et les corps animés, influence appelée la natura medicatrix. Les corps vivants ressentent cette influence grâce au magnétisme animal, dont les nerfs sont le principal vecteur : « Il existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps animés. La propriété du corps animal qui le rend susceptible de l’influence des corps célestes et de l’action réciproque de ceux qui l’environnent, manifestée par son analogie avec l’aimant, m’a déterminé à la nommer magnétisme animal. »* Mesmer pensait également que certains individus sont en mesure de capter le fluide magnétique pour le concentrer sur les organes malades des patients. * Cité par Agnès Spiquel, Mesmer et l’influence. In Romantisme, Revue du dix-neuvième siècle, Sedes, 1997, n°98, pp33-40. Balzac se familiarisa très tôt avec le magnétisme, sous l’influence de sa mère Laure Sallambier. La théorie des fluides est très présente dans La Comédie Humaine, notamment dans Ursule Mirouët, le roman de plus mesmérien de l’écrivain. Balzac y présente ainsi les idées de Mesmer : « [Il] reconnaissait en l’homme l’existence d’une influence pénétrante, dominatrice d’homme à homme, mise en œuvre par la volonté, curative par l’abondance du fluide, et dont le jeu consiste en un duel entre deux volontés, entre un mal à guérir et le vouloir de guérir. » Cette théorie des fluides transparait le plus souvent, dans l’œuvre de Balzac, dans le regard des personnages, dans l’énergie qui ressort de leurs yeux. Vautrin en est un parfait exemple : « -Ah, ma foi! dit Bianchon, mademoiselle Michonneau parlait avant-hier d'un monsieur surnommé Trompe-la-Mort; ce nom-là vous irait bien. Ce mot produisit sur Vautrin l'effet de la foudre: il pâlit et chancela, son regard magnétique tomba comme un rayon de soleil sur mademoiselle Michonneau, à laquelle ce jet de volonté cassa les jarrets. La vieille fille se laissa couler sur une chaise. » (Le Père Goriot) I- La méthode Balzacienne : comment Balzac écrit-il ses portraits ? 6 2- Quelques pistes sur la création balzacienne Le projet de Balzac se précisa au fil de l’écriture de La Comédie Humaine : recenser et analyser les espèces sociales – comme Buffon l’avait fait pour les espèces animales – et, plus largement, comprendre le rapport social. L’œuvre de Balzac repose ainsi sur trois degrés d’étude : les études de mœurs, les études philosophiques, les études analytiques. « Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de uploads/s3/ portraits-chez-balzac 1 .pdf

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