Musées d’Orsay et de l’Orangerie Rapport d’activité 2010 Établissement public d
Musées d’Orsay et de l’Orangerie Rapport d’activité 2010 Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie Philippe de Montebello est, depuis 2009, professeur d’histoire et de culture des musées à l’Université de New York, après avoir été pendant 31 ans Directeur du Metropolitan Museum of Art. Américain d’origine française, sa connaissance excep- tionnelle de l’histoire de l’art et son expérience muséographique l’ont conduit au Conseil d’administration de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, dont il est membre depuis 2008. Guy Cogeval est le Président de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie depuis 2008. PhM : Vous allez inaugurer, en octobre prochain, ce que certains commencent à appeler un « nouvel Orsay ». Depuis votre arrivée, en mars 2008, les grandes lignes de ce projet ont commencé de se révéler, par touches successives, tant dans la présentation des œuvres que dans la programma- tion culturelle. Que sera-t-il et quelles seront ses différences avec ce musée d’Orsay qui a ouvert ses portes il y a maintenant bientôt 25 ans ? GC : Nous allons tenter d’imprimer un rythme différent à la présenta- tion, tout en respectant les « écoles » et les grandes personnalités artistiques. Faire émerger plus de sens et introduire des probléma- tiques plus stimulantes. Je préfère présenter moins d’œuvres, mais les présenter mieux. Pendant longtemps, une densité trop abondante, dans la galerie des hauteurs en particulier, a brouillé les regards. Il faut surprendre. Amener à réfléchir. Mettre les œuvres en perspective avec d’autres disciplines. La philosophie, la psychanalyse, l’histoire des idées, l’histoire tout court, la littérature, la musique, bien sûr, tous ces savoirs doivent trouver leur place comme autant de contre- points. Notre approche sera plus transversale. Elle suscitera des équivalences, des croisements (par exemple, entre musique et peinture), des chiasmes, voire des coalescences entre différents courants au sein d’une même salle. PhM : Vous allez imbriquer les œuvres, revenir à une atmosphère d’époque, façon period rooms ? GC : Non, pas à ce point, mais il est parfois nécessaire d’opérer des ruptures brutales entre des contraires apparents dans la présentation. Regrouper tous les Cézanne ensemble, Achille Emperaire (1868) avec Les Rochers près du Château Noir (v. 1904) comme cela a été le cas pendant 25 ans, ça n’est pas mal. Mais confronter dans une même salle les chefs-d’œuvre de la période « couillarde » de Cézanne à ceux de la période espagnole de Manet, comme nous le faisons depuis l’année dernière (Achille Emperaire s’opposant au Fifre), c’est mieux. Faire plus d’histoire de l’art est impératif. L’exposition de certains de nos chefs-d’œuvre en ce moment en Italie, au MART (après San Francisco et Tokyo), met en scène de très bonnes idées. J’aimerais en reprendre certaines, comme ce choix de placer notre sulfureuse Origine du monde (1866) Conversation entre Philippe de Montebello et Guy Cogeval (25 mars 2011) Titre du chapitre 4 / 5 Les bancs en verre « Waterblocks » de Tokujin Yoshioka L’hommage à Gallé des frères Campana dans l’espace de restauration (café de l’Horloge) Nouvelle circulation verticale (escalier et ascenseur) dans le pavillon Amont (croquis Atelier de l’Île) Une nouvelle salle du médian Lille, après travaux, accueillant l’exposition « Les préraphaélites » (8 mars – 29 mai 2011) La galerie des impressionnistes redessinnée par Jean-Michel Wilmotte. État projeté avec le banc de Tokujin Yoshioka 6 / 7 du péché. Nous avons également amorcé le mouvement en choisissant d’ouvrir la composition du Conseil scientifique du musée. L’arrivée de Richard Thomson, spécialiste anglais de l’impressionnisme, de Laurence Bertrand Dorléac, historienne de l’art et professeur à Sciences-po, de Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts, permet aux conservateurs intra-muros de bénéficier de personnalités repré- sentant des sensibilités, des courants de pensée nouveaux, d’élargir les discussions du Conseil scientifique, en évitant de tomber dans de seules revendications corporatistes. Au sein de la Commission des acquisitions, nous avons fait entrer l’écrivain et essayiste Adrien Goetz, Sam Keller, le célébrissime directeur de la fondation Beyeler, l’historien de l’architecture François Loyer, et Alain Corbin, professeur de l’histoire des idées, de réputation internationale. Au Conseil d’administration, sont venus nous rejoindre Jacques Attali, politologue de renom, Antoine Gosset-Grainville, directeur adjoint de la Caisse des dépôts et consignations, François Pérol, Président du directoire de BPCE et Président de la Fédération Bancaire Française (FBF), Maryvonne de Saint Pulgent, Conseiller d’État et musicienne, et Jérôme Clément, ancien président d’Arte. Dans ces différentes instances, les niveaux d’intervention et la teneur des discussions ont changé, et c’est sensible. PhM : Comment allez-vous concrétiser cette nouvelle approche scientifique ? GC : Prenons l’exemple de la galerie Lille. En cette période où 6 500 m² sur nos 16 000 m² sont inaccessibles pour cause de travaux, elle accueille une partie de la collection de Courbet en confrontation avec L’âge d’airain (1877-1880) de Rodin (première sculpture de l’artiste à être entrée au musée du Luxembourg en 1880), et pourquoi pas avec La coquille (1912) de Redon ? Dans le même ordre d’idée, Au lit (1912) de Vuillard entretient beaucoup de connivences inattendues avec le Pauvre Pêcheur (1881) de Puvis de Chavannes, comme on l’avait déjà constaté lors d’une précédente exposition à Tokyo. Les œuvres, parfois, « chatoient » les unes par rapport aux autres. PhM : Cette approche rejoint celle que le programme d’ouverture du musée d’Orsay définissait en 1986. GC : Par cette dérive pluridisci- plinaire, en effet, nous revenons à l’essence du projet d’origine. Je crois profondément à l’aspect « musée des idées », « transcourant », si je peux dire, qui a eu tendance à disparaître, au fil du temps, au profit d’un musée des Beaux-arts, en plus grand. Ainsi avaient été sacrifiées les salles de la naissance du cinéma et la galerie des dates, certes trop didactiques mais parfois utiles. PhM : J’imagine que cela passe aussi par des compétences scien- tifiques plus larges ? GC : Oui, cela se traduit par le concours d’expertises, de compé- tences nouvelles. Ainsi, en 2010, j’ai fait appel à Jean Clair, un de nos plus grands historiens de l’art qui, jusque là, n’avait jamais été impliqué dans un projet d’Orsay. Pour nous, il a conçu, avec Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, l’exposition « Crime et châtiment », vaste et audacieuse réflexion transversale sur l’individu perçu comme criminel dans un monde où le regard clinique l’emporte sur la hantise de la faute et la peur PhM : C’est un chantier considé- rable que vous avez réussi à mener sans fermer le musée, à la différence de musées comme le Cleveland Museum of Art ou encore le Musée Picasso à Paris. Comment êtes-vous arrivé à lui donner une telle ampleur ? GC : L’idée des travaux provient de l’objectif, à l’origine plus modeste, d’exploiter le pavillon Amont du musée, en transformant son centre en double escalier. La conversion de cette aile impliquait de clore par une cloison l’une des deux extrémités de la grande galerie des impressionnistes, la rendant, pour ainsi dire, inexploitable. Nous avons alors eu l’idée d’un projet plus vaste, qu’on a nommé par commodité : Nouvel Orsay. Il s’est raccroché au souhait qui me tient à cœur depuis toujours de retra- vailler l’éclairage et la présentation des œuvres dans les salles. PhM : Le choix de systématiser l’usage de cimaises de couleur tout au long du parcours s’est imposé à vous. GC : Oui. Le blanc tue toute peinture, en dehors de l’art du xxe siècle et de l’art contemporain. Lorsque vous placez une peinture académique ou impressionniste sur un fond blanc, le rayonnement du blanc, son halo d’indétermina- tion autour de l’œuvre empêchent la révélation des contrastes de valeurs, parfois si subtils. Le blanc est l’ennemi de la peinture, à mon avis… PhM : Le blanc est l’invention du modernisme, venu vers 1929 avec le « White cube », théorisé par Alfred Barr, l’emblématique directeur du Museum of Modern Art de New York. Tout devait être blanc. On n’opère aucun tri. impressionniste présentée sur des fonds qui vont du gris pâle au gris anthracite. Cette collection retournera au 5e étage en septembre- octobre prochain, une fois le réaménagement achevé. Par le passé, la galerie Lille était assez peu fréquentée. Sa destination va changer. Elle sera consacrée à la présentation du symbolisme des origines, Gustave Moreau, Pierre Puvis de Chavanne (1860- 1880), jusqu’au symbolisme le plus tardif (1900-1910), Frantisek Kupka, Ferdinand Hodler, James Ensor, George Minne, Émile Gallé. Mêlé à ce parcours, nous installerons donc des sculptures, des objets d’art, des dessins d’architecture, nous introduirons le cinéma et l’histoire. PhM : C’est un changement important d’approche muséogra- phique et d’aménagement des salles elles-mêmes. GC : En dehors de la nef centrale du musée, superbe réalisation de Gae Aulenti et d’Anne Pingeot, tout va changer. Jean-Michel Wilmotte redessine la galerie des impressionnistes. Il crée un espace d’exposition temporaire dans l’ancienne salle des colonnes. Dominique Brard et l’Atelier de l’Île construisent cinq niveaux au sein du pavillon Amont, un bâtiment qui n’avait uploads/s3/ ramo-2010-web.pdf
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- Publié le Mai 24, 2022
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