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RÈL In memoriam Sébastien Jean Retire moun, foure moun Fè moun, touye moun. M’gade adwat, m’gade agòch peyi pa-n Wa di on tab ki kanpe Sou Twa Pye Nan kalfou dwategòch. (Georges Castera, Kadans, in RÈL) Créer. Créer du beau, de ce lieu même qu’on dit en déshérence. De ce lieu qui aujourd’hui peine encore à faire advenir l’humanité dont il se réclame, celle qui enfouie sous les décombres du passé continue pourtant de nourrir inlassablement, de manière paradoxale, l’imaginaire de nos artistes. Créer à partir de rien… ou de si peu. Se saisir de cette matière inerte qui connut souvent d’autres usages, la récupérer, la modeler, la transformer, lui insuffler une présence qui ne s’explique pas, qui se vit avec insolence, avec défiance, hors toute convenance, car l’œuvre d’art qui en naît, admirable, étonne autant qu’elle séduit. Bergson ne disait-il pas que le beau c’est la victoire de l’esprit sur la matière ? Ici pas de platitude, encore moins de banalité ou d’ennui. L’esprit qui souffle est celui de la colère, de l’inacceptable, du refus. Le cri. Rèl ! L’œuvre elle-même en est l’expression quel que soit le langage esthétique privilégié. Le Centre d’art ouvre l’année 2021 par une remarquable exposition de ces artistes plasticiens, ceux qui ont su l’espace d’une création, transcender leurs conditions matérielles pour nous offrir des œuvres d’une étonnante vitalité. Invoquer la précarité de l’existence mais en même temps convoquer l’inspiration et provoquer la matière pour en faire du neuf. Traverser le feu et les flammes des « assassins d’aube » dénoncés par Aimé Césaire, tenter la mise à distance dictée par la pandémie, et s’inscrire dans un procès pour conjurer le malheur, les œuvres qui en résultent ne peuvent être que bouleversantes. Huit artistes se déploient et se dévoilent en une cinquantaine de créations. Sans exhibitionnisme ou hubris, avec pudeur même, chez Max Grégoire Benjamin et Jhonny Cinéus, et humour chez Lhérisson Dubréus. L’art contemporain n’offre pas de lisibilité immédiate, il utilise un métalangage qui méthaphorise et subvertit ce qui tient lieu de réel. Voir, sentir et donner à penser le rapport à l’autre, à l’espace et au temps, c’est l’initiation à laquelle nous convient l’impétuosité monumentale de Guyodo, les personnages indociles de Killy, les innovations conceptuelles de David Boyer, le bleu lapis-lazuli de Paskö empreint de désir et de sensualité, et l’élégance, la grâce et le sens que Celeur infuse à de banals objets de récupération. Comment ne pas saluer la scénographie de l’exposition conduite par Pascale Théard qui a su mettre en partage le travail de création souvent minutieux (Dubréus, Benjamin, Boyer, Cinéus) mais incontestable chez eux tous, et en lumière, dans la pluralité et la diversité des modes d’expression, l’acte de résistance de l’artiste qui refuse de sombrer, et en créant, crie haut et fort sa manière d’habiter le monde. Un grand merci au Centre d’art, à tous ceux et celles qui ont contribué à cette belle exposition, la 274ème depuis sa création. Un seul regret, pas une seule femme artiste. Elles aussi auraient, à leur manière, porté loin le cri. Michèle Duvivier Pierre-Louis Décembre 2020 Rèl Cri des cœurs. Cri de l’art. Cri des êtres, violemment silencieux, qui part du quartier du Bel-Air pour empoigner nos âmes. C’est le cri hargneux de nos artistes qui regardent, impuissant.e.s leurs proches être assassin.é.e.s sous leurs yeux. C’est le hurlement de ces artistes qui n’ont pas eu le temps de sortir leurs œuvres avant que le feu ne consume cette expression si versatile du pain quotidien. L’art ne nourrit plus. L’art ne sourit plus. Et pourtant… De la créature pansue, qui s’habille des paillettes sorties des poubelles, en passant par ce cerf porteur de mitrailleuses ; l’art continue de vivre. Il cherche son chemin jusqu’aux galeries. Il se fraie une brèche jusqu’à nos vies desséchées par la précarité, pour nous rappeler qu’il mérite sa place au cœur de nos politiques. Un.e artiste à la fois, il transmue notre peur d’être en un REL grossissant qui charrie aux passages des peines, des vagues de joies et d’espoir. Un REL à la fois, nous retrouvons du temps pour les expos, nos pas nous (re)conduisent sur le pas de la porte des ateliers et des shoppes de ces haïtien.ne.s guerrier.ère.s qui ne se lassent pas de créer. Un humain à la fois, nous finissons par pousser, ensemble, ce REL rassembleur qui traduit la furieuse envie de vivre qui anime celles et ceux qui se laissent toucher par Haïti et son art. Pour que vivent nos REL de joie, de paix et de prospérité ! LES ARTISTES Scénographie de Pascale THÉARD Fille d’un industriel haïtien amateur d’art, et d’une mère française, héritière d’une tannerie familiale vieille de 200 ans, Pascale Théard a grandi à Port-au-Prince, au rythme des tambours, du cuir que l’on découpe, du rire des artisans qui résonne dans l’air jusqu’à fusionner avec lui. Odeurs, couleurs, sons et matières, ont alimenté toute son enfance, dessinant avec précision comme la chaux des Vèvès sur le sol, une identité puissante, entre tradition et création. Elle entame en France des études supérieures en finance qu’elle conclut avec succès. Mais très vite sa passion pour les métiers d’art la conduira à faire un troisième cycle à l’Institut Supérieur de Marketing du Luxe fondé par Cartier. Ses recherches de thèse l’amènent à côtoyer les grands noms du noble cuir - Hermès, Massaro, Berluti - et les ateliers les plus prestigieux lui ouvrent leurs portes. Elle soutient son mémoire sur “la symbolique du soulier à l’aube du XXIème siècle” et finit major de sa promotion en 1999, à tout juste 24 ans. Elle complètera sa formation par des sessions intensives en maroquinerie au sein de la prestigieuse Ars Sutoria, à Milan. Forte de cette carrière toute tracée entre les grandes capitales de la mode et du marketing, la jeune Pascale Théard choisit pourtant Haïti, en imaginant une idée improbable : “oser” un Artisanat du Luxe en Haïti, mêlant savoir-faire ancestral fait main et tradition des artisans bottiers et maroquiniers des grands ateliers européens. En 2003, elle lance sa propre marque d’accessoires en cuir, “Pascale Théard Créations”. Elle décide de pousser plus loin cette philosophie du 100% Haïti luxe en l’appliquant à tout un art de vivre, et, en 2011, met en place “1804 Design”. Actrice consciente de son destin, enracinée dans le pays, Pascale Théard a confiance en Haïti, en sa vitalité, ses coutumes et sa capacité d’innovation. Plus qu’une designer inspirée ou une militante engagée, elle veut prouver à travers son travail que c’est l’union de tous les talents qui fera la force d’Haïti, à l’image de ses mots, mis en action : “Le processus de création me fascine toujours : partir d’une idée, d’une inspiration… et aboutir à sa réalisation concrète. Et tout cela dans un esprit de “kombit” où chacun met ses compétences, ses talents, son imagination, sa créativité vers un objectif... Le résultat est toujours étonnant mais c’est le chemin pour y arriver qui me construit : les échanges avec les autres qui m’enrichissent, la mise en commun de talents qui permet de se surpasser, cette effervescence créative qui me donne de l’énergie. Haïti est un pays envoûtant, qui vous fait vivre des situations extrêmes, des émotions extrêmes… qui vous ramène donc toujours à l’essentiel, à ce qui est important dans une vie. Tout est source d’inspiration, et souvent la beauté se retrouve là où l’on s’y attend le moins…”. Jhonny CINÉUS « Mon imagination est pareille à l’imaginaire vaudou car j’ai grandi auprès de parents vodouisants. Ainsi, ma production est constituée de drapeaux pailletés, de sculptures, de pièces bizango, de tableaux ornés de colliers que je retravaille pour les rendre plus mystiques ». Entretien avec Jhonny CINEUS Archives du Centre d’Art, 10 janvier 2019. Jhonny CINEUS est né le 10 août 1976, à Port-au-Prince dans le quartier de Bel-Air. Il grandit dans un temple vaudou tenu par ses parents : le lakou de la ‘‘Mambo Chwazilia’’. Tout jeune, il imitait déjà, avec de la boue, les images qu’il voyait dans le houmfort (temple vaudou) de ses parents. Remarquant son talent, un cousin proche de la famille, Fritzner DEVARECHE, prêtre vaudou, lui donne du ciment pour remplacer la boue. Il lui fournit tous les matériaux nécessaires, sables, ciments, graviers pour que les œuvres deviennent plus solides. A l’âge de 16 ans, Jhonny CINEUS réalise ainsi sa première pièce, un Saint-Jacques majeur. Cette œuvre est achetée par la collectionneuse Suisse d’objets vaudous, Marianne LEHMANN. A sa majorité, Fritzner DEVARECHE organise une rencontre entre l’artiste et Marianne LEHMANN. À partir de cette rencontre, la collectionneuse achète presque toutes les pièces de l’artiste. Jhonny CINEUS est connu pour ses sculptures. Ses œuvres sont souvent faites de bois, miroirs, ganses métalliques et de tissus. S’émancipant de la tradition vaudou, il développe un univers plus personnel. Malgré la reconnaissance que lui accordent les collectionneurs haïtiens, il participe à peu d’expositions. En octobre 2017 toutefois, il est retenu pour l’exposition-vente aux enchères organisée entre le Centre d’Art et la maison de vente PIASA uploads/s3/ re-l-dossier-de-presse-compressed.pdf

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