Lodovico Grossi da Viadana Cento Concerti Ecclesiastici Contexte stylistique Be

Lodovico Grossi da Viadana Cento Concerti Ecclesiastici Contexte stylistique Bernhard Lang traduction fran¸ caise Isaline Dupraz La pr´ eface des Cento Concerti Ecclesiastici de Ludovico Viadana est la premi` ere ins- truction d´ etaill´ ee de la mani` ere de jouer la nouvelle basse continue pour la musique du d´ ebut baroque en Italie et constitue de ce fait la premi` ere borne de l’´ epoque appel´ ee Generalbass-Zeitalter, i.e. ´ epoque de la basse continue par Hugo Riemann. Pour rester dans cette comparaison, la premi` ere borne n’est pas ` a trouver au tout d´ ebut de la route, mais juste apr` es. On le trouve plutˆ ot ` a la fin du premier kilom` etre. Il est vrai que la basse conti- nue a sa pr´ ehistoire, cependant on ne lui connait pas de point de d´ epart pr´ ecis. Les d´ ebuts de cette mani` ere de jouer ou de chanter sont ` a chercher ` a la fin de la Renaissance et se perdent dans la nuit de l’histoire de la musique. Dans la musique qui a ´ et´ e conserv´ ee depuis 1600, on ne rencontre que rarement des instructions sur la mani` ere de jouer. En particu- lier, on ne trouve que peu de d´ etails sur l’instrumentation. Il existe quelques descriptions du XVIe si` ecle de la mani` ere d’arranger la musique compos´ ee (en opposition avec la mu- sique improvis´ ee) pour les instruments ` a clavier et ceux de la famille du luth, ainsi que sur l’ornementation de parties ´ ecrites pour des instruments m´ elodiques. D’autre part, un grand nombre de tablatures et d’oeuvres orn´ ees sont conserv´ ees dans des documents imprim´ es ou manuscrits. Les repr´ esentations picturales de choeurs d’anges donnent une indication pr´ ecise, bien qu’indirecte, sur l’usage d’instruments dans la musique sacr´ ee; choeurs d’anges qui, ` a partir du XIVe si` ecle sont renforc´ es, voire remplac´ es par des orchestres d’anges. ` A Venise, en particulier, des dessins repr´ esentent d´ ej` a 200 ans plus tˆ ot la situation d´ ecrivant la p´ eriode de G.Gabrieli [11, p.88f]. Bien que ces repr´ esentations aient un caract` ere sym- bolique, il est difficile d’imaginer que pendant une si longue p´ eriode, il n’y ait eu aucune tentative de concr´ etiser sur terre ces id´ ees symboliques (ces symboles ´ etant peints par des artistes bien terrestres). Comme on poss` ede de seulement de rares indications sur la mani` ere dont les instruments ´ etaient utilis´ es –outre le fait qu’ils ´ etaient effectivement uti- lis´ es– ce qui est amen´ e ` a la lumi` ere du jour permet de pr´ etendre que leur utilisation n’´ etait pas tr` es diff´ erente de la musique vocale. Que cette musique ait ´ et´ e chant´ ee paraˆ ıt ´ evident, sinon pourquoi y aurait-il un texte? Ces derniers sont d’ailleurs impr´ ecis et incomplets, et l` a o` u ils sont plac´ es clairement, il n’y a le plus souvent aucun lien entre la prosodie, 1 2 Lodovico Grossi da Viadana, Li Cento Concerti Ecclesiastici la prononciation du texte et la musique. 1 Une ex´ ecution purement vocale en tant que forme id´ eale de la musique de la Renaissance ne peut ˆ etre d´ eduite par le mat´ eriel conserv´ e. Une telle compr´ ehension de la musique de la Renaissance provient pour une grande part d’une motivation id´ eologique datant du XIXe si` ecle recherchant la musique pure, d’autre part, ` a cause du malentendu autour des ”parties instrumentales manquantes”. On peut consid´ erer comme une ironie de l’histoire que le terme ”musique a cappella” cr´ e´ e ` a cette ´ epoque est en fait bas´ e sur une indication de mˆ eme signification que in genere da cappella, en opposition ` a in stil concertato ou a voce sola etc., qui pr´ ecise que l` a, la cappella dans son int´ egralit´ e doit chanter et jouer; il s’agit donc d’un tutti incluant tous les instruments. Le terme est le plus souvent utilis´ e pour les plus grands ensembles de la musique polyphonique et est associ´ e ` a des sons vari´ es et m´ elang´ es. Pour une meilleure compr´ ehension de la mu- sique de la Renaissance, il faut tenir compte que cette musique, compos´ ee selon les r` egles contrapuntiques avec ses proportions de rythmes et d’intervalles, essayait de constituer un reflet de la structure de l’univers donn´ e par Dieu. De la mˆ eme mani` ere qu’ il est difficile de reconnaˆ ıtre cette structure derri` ere l’aspect chaotique du monde tel qu’il se pr´ esente quotidiennement, l’´ ecriture de la musique selon des r` egles ”pures” et son interpr´ etation ap- paraissent ´ egalement comme deux choses diff´ erentes. Le compositeur ´ ecrit avec pour id´ eal l’ensemble des voix, la musique ”en elle-mˆ eme”, appel´ ee la res facta et laisse la responsa- bilit´ e de la r´ ealisation aux interpr` etes, y compris l’ornementation et l’instrumentation, le tout d´ esign´ e par le terme musica ficta. La musique ´ ecrite reste pour ainsi dire ”au-dessus” de la s´ eparation du ”vocal” ou de l’”instrumental”. Max Schneider ´ ecrit dans son oeuvre fondamentale sur les d´ ebuts de la basse continue: [10] on doit pr´ esumer que la litt´ erature vocale et instrumentale ´ etait commune depuis l’apparition de la musique imitative, appel´ ee ”style vocal a cappella” (´ epoque d’Ockeghem - Josquin, environ de 1475 ` a 1525). Beaucoup de choses parlent en ce sens et jusqu’` a pr´ esent, rien d’important n’est venu contredire cette th´ eorie. Rien n’a chang´ e fondamentalement depuis la parution de cette oeuvre en 1918. Le musicien attendait de pouvoir r´ ealiser et mener seul sa partie en improvisant, de mani` ere ` a ne pas doubler les voix. ` A cˆ ot´ e de l’ornementation de la m´ elodie donn´ ee, le contrepoint (presque) improvis´ e, le contrapunto alla mente jouait un grand rˆ ole, mˆ eme s’il ´ etait surtout utilis´ e pour l’apprentissage. Cela signifie qu’il fallait ˆ etre capable d’improviser une seconde voix, ajout´ ee ` a une voix donn´ ee. Dans un ensemble, on pouvait ajouter un nombre illimit´ e de voix au canto fermo, et ceci d’autant plus facilement que cette derni` ere ´ etait une voix de basse. La r` egle la plus importante ´ etait de rester en consonance avec la basse. Les frottements passagers cr´ e´ es par les rencontres des diff´ erentes voix improvis´ ees ´ etaient consid´ er´ es comme une beaut´ e sp´ ecifique de cette technique. Cette tradition est d´ ecrite encore en 1614 par Adriano Banchieri [6, p.230], qui donne une s´ erie de dix os- servationi expliquant comment ´ ecrire les contrepoints les plus compliqu´ es. On peut donc 1Le traitement impr´ ecis du texte dans la musique (sacr´ ee, donc officielle) de la Renaissance consiste un vrai contraste avec la musique vocale du d´ ebut baroque, dont la caract´ eristique la plus importante est l’unit´ e du texte et de la musique. Cette proche relation se d´ eveloppe au cours du XVIe si` ecle, parti- culi` erement avec des compositeurs de l’´ ecole de Rome comme Palestrina et Victoria, et avance parall` element au d´ eveloppement de la musique sp´ ecifiquement instrumentale; cela met en ´ evidence le fait que les inven- tions de Viadana sont pr´ ecis´ ement une r´ eaction ` a cette diversification entre la musique vocale et instru- mentale. Copyright c ⃝2007 by Bernhard Lang contexte stylistique 3 pr´ esumer que le musicien exerc´ e du XVIe si` ecle ´ etait capable d’inventer une nouvelle voix d’accompagnement ` a une musique donn´ ee. On attendait mˆ eme d’un organiste qu’il puisse improviser sous un cantus firmus un accompagnement complet et poyphonique. Comme dit ci-dessus, la tablature, sorte de r´ eduction rassemblant toutes le voix chant´ ees sur une partition, jouait un rˆ ole important. De cette mani` ere, la musique compos´ ee ´ etait adapt´ ee aux besoin de l’instrument, soit pour accompagner les voix, soit pour en tirer une nouvelle pi` ece instrumentale. On peut d´ eduire des collections de tablatures faites par ou pour les organistes conserv´ ees ` a cˆ ot´ e des livres de chant (par ex. Bresslauer Tabulatur [12]) que ces tablatures ont ´ et´ e utilis´ ees pour l’accompagnement et pas seulement pour la musique instrumentale soliste. Nous nous trouvons ici pour ainsi dire ` a l’embranchement en direc- tion d’une musique instrumentale originale d´ evelopp´ ee sur la base des tablatures: les voix y ´ etaient simplifi´ ees et adapt´ ees pour l’instrument, puis ` a nouveau orn´ ees, mais cette fois plus sp´ ecifiquement. Il r´ esulte souvent de l’adaptation de la res facta, musique polypho- nique ´ ecrite, aux exigences technique de l’orgue,du clavecin, du luth, de la harpe, etc. des fautes dues aux croisements des voix. La uploads/s3/ viadana-commentaires-pdf.pdf

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