ILEANA MIHĂILĂ De la Renaissance à l’âge romantique Regards sur trois siècles d

ILEANA MIHĂILĂ De la Renaissance à l’âge romantique Regards sur trois siècles de littérature française Table des matières I. De la Renaissance au Baroque 1.1 Le Baroque : principales définitions 1.2 Origines et caractéristiques générales du Baroque 1.3 Le projet éducationnel de Rabelais 1.4 Esquisse de portait : Michel de Montaigne 1. 5 Le crépuscule des Titans 1.6 Eléments d’une cosmovision baroque 1.7 Modernité de Montaigne 1.8 Projections du mage renaissant II. Lumières et Romantisme 2.1. Don Juan au XVIIIe siècle 2.2. Les combats de Voltaire dans le miroir de la poésie 2.3. L’hylozoïsme de Diderot 2.4. Les liaisons dangereuses dans l’espace privé de la Maison 2.5 L'Espagne dans la vie et dans l'œuvre de Victor Hugo 2.6 Esquisse de portrait : George Sand 2.7 L’héritage musical du XVIIIe siècle dans Consuelo 2.8 George Sand - l'Ordre ou la Révolution? 2.9 Romantisme et réalisme dans la construction des personnages sandiens Source des textes I. DE LA RENAISSANCE AU BAROQUE 1.1 Le Baroque : principales définitions Il y a, dans le Livre Ier des Essais de Michel de Montaigne, dans le chapitre XXVI, le fameux « De l’institution des enfants », un petit mot qu’on a lu pendant des siècles sans lui prêter une attention spéciale : c’est le mot Baroco1, utilisé par l’écrivain en antithèse avec la vraie « sagesse ». Le mot n’était à l’époque que la dénomination d’un type de syllogisme médiéval2, ayant la première prémisse affirmative et universelle, la deuxième, négative et particulière, et la conclusion, négative et particulière aussi. Traduit en symboles, ce syllogisme pourrait être énoncé de la façon suivante : Tous les P sont M, des S ne sont pas M, donc des S ne sont pas P. Il n’est pas difficile à comprendre pourquoi, pour Montaigne, tout comme pour ses contemporains3, le terme n’exprimait qu’une manière bizarre de compliquer les choses. Mais le sens du mot allait connaître une telle évolution que, des siècles plus tard, il couvrait déjà une époque, un style, une manière de penser, et il allait renfermer dans son monde Montaigne lui-même. « Barocco », come figure de l’ancienne logique scolastique, apparaît comme étant à la base du terme moderne de « Baroque » chez Karl Borinski, en 1914, chez Benedetto Croce, en 1929 et chez René Wellek, en 19634. Mais l’étymologie du mot connaît aussi une autre variante : c’est l’adjectif portugais « barroco », qui définit une perle asymétrique (en espagnol, « barrueco », du lat. « verruca »). L’origine portugaise (du mot et du style5) et, en conséquence, la mise sous le signe de la perle du Baroque est soutenue, chez nous, par Edgar Papu6 qui croit trouver dans le symbole de la « perla barroca » une possible synthèse des qualités spécifiques du 1 Barroco dans certaines éditions critiques contemporaines (voir l’édition Garnier Flammarion de 1966), mais Baroco dans la plupart des éditions plus anciennes et dans toutes les études concernant le problème. 2 Il apparaît aussi en 1519, chez l’humaniste Luís Vives (apud Adrian Marino, Dicţionar de idei literare, vol. I, Ed. Eminescu, Bucureşti, 1973, cap. « Baroc », p. 225) et chez l’humaniste italien Annibal Caro (apud Romul Munteanu, Clasicism şi baroc în cultura europeană din secolul al XVII-lea, Ed. Univers, Bucureşti, 1981, p. 70). 3 Chez Giovanfrancesco Ferrari (1570), dans les Rimes burlesche, le sens est le meme : « e un qualche argomento in barioco Far restare il messere un bel castrone » et également chez Antonio Abbondanti, dans Viaggio in Colonia (1627) : « Egli in barocco un argomento fino Formò, dicendo : – Per cavar la sete Convien bere et ribere del buon vino » (apud R. Muneanu, op. cit.,p. 72) 4 Apud Edgar Papu, Barocul ca tip de existenţă, Ed. Minerva, Bucureşti, 1977, vol. I, p. 67. 5 Cf. Eugenio d’Ors (apud. E. Papu, op. cit., pp. 18-68). 6 Voir les chapitres « Baroco sau Barroco ? » et « Sub semnul perlei », dans E. Papu, op. cit., pp. 66-91. Baroque, né, tout comme la perle, d’une souffrance, d’un mal intérieur, et ayant comme qualités l’irrégularité et l’éclat, mais un certain éclat, car il ne faut pas oublier les valeurs symboliques de la perle, se rapportant à la fois à la lune (par similitude), à la mer (par son origine) et à la douleur (par comparaison avec les larmes). L’hypothèse, en faveur de laquelle E. Papu apporte de nombreux exemples7 est séduisante, mais il ne faut pas oublier que, parmi les qualités suggérées par la « perla barroca », quelques-unes (qui sont, d’ailleurs, considérées normalement comme les plus spécifiques pour le style baroque, qui est « bizarre », « étrange », « irrégulier », « surprenant ») existent aussi dans le sens du syllogisme scolastique, qu’on ne saurait donc, laisser de côté. L’opinion qui nous semble la plus complète est celle de Joan Corominas8 qui propose une amalgamation des deux mots, produite en français, procès qui pourrait être à la base de la création du terme adopté par l’histoire de l’art. D’ailleurs, c’est le Dictionnaire de l’Académie Française (éd. De 1740) qui donne pour la première fois le sens abstrait au mot « Baroque » comme synonyme de « bizarre, irrégulier, inégal » dans les syntagmes « un esprit baroque, une expression baroque, une figure baroque »9. Bien sûr, jusqu’à l’utilisation actuelle du terme il y a encore un long chemin à parcourir, et l’origine du mot, tout comme le mot lui-même, ne permet pas encore des conclusions définitives10. Car le Baroque, qui semble porter dans sa nature même la contradiction, comme élément constitutif, permet pour son étude, peut-être plus que tout autre concept appartenant á la même sphère sémantique, les perspectives les plus variées. Bien sûr, seulement la combinaison qui résulte des recherches portant sur les diverses registres peut nous donner une image complète du Baroque mais, pour arriver à la synthèse, la théorie a dû passer premièrement par l’analyse. Aujourd’hui, on peut avoir sous les yeux un vaste panorama formé par les essais de trouver la vraie essence, par des recherches dans un domaine ou dans un autre de la réalité du phénomène investigué. Dans son vaste chapitre intitulé « The Concept of Baroque in Literary Scholarship » René Wellek remarque deux tendances dans l’étude du Baroque, une qui le décrit du point de vue stylistique et l’autre qui essaie de comprendre en tout premier lieu ses catégories idéologiques et ses attitudes émotives11. Cette deuxième tendance sera divisée par E. Papu, qui ne considère pas les catégories idéologiques et les attitudes émotives comme appartenant au même registre. Son 7 Dans la peinture, Rembrandt, Vermeer et, dans l’architecture, l’Église Della Pietà de Palermo, Casa de las Conchas de Salamanque, etc. 8 Joan Corominas, Diccionario crítico etimológico de la lengua castellana, vol. I, Madrid, 1954, p. 415. 9 Apud. A. Marino, op. cit., p. 226 ; et 1718, apud. R. Munteanu, op. cit., p. 73. 10 Voir aussi l’hypothèse que nous proposons dans le chap. « La modernité de Montaigne ». 11 René Wellek, The Concept of Baroque … dans Concepts of Criticism, apud E. Papu, op. cit., p. 20. opinion est qu’il y a trois tendances bien claires, ayant comme objectifs « forma, ideea şi simţirea »12. En ce qui nous concerne, nous avons préféré la distinction de Wellek comme première division possible entre les théories sur le Baroque, considéré ici ou bien problème de style, ou bien problème de conception de vie13. La première position sera illustrée par H. Wölfflin14 qui définit le Baroque en partant exclusivement des caractéristiques stylistiques. Il lui attribue les cinq principes connus, par lesquels il l’oppose à l’art de la Renaissance, qu’il définit comme « classique ». Il part d’ailleurs des exemples de la peinture et ce qui le préoccupe c’est la nouvelle technique qui assure la nouveauté du Baroque, définit comme le passage d’un art linéaire à un art pictural, de la surface à la profondeur, de la forme close à la forme ouverte, de la pluralité à l’unité et de la clarté à l’obscurité. En analysant ces cinq procédés, on arrive à deux conclusions à valeur plus générale. La première concerne le rapport entre l’objet et l’ensemble (entre la partie et le tout) : si l’art classique (ou, pour Wölfflin, de la Renaissance) respecte l’individualité de chaque objet, l’art baroque introduit une nouvelle perspective qui met en lumière l’élément essentiel, en donnant un rôle secondaire aux détails. La deuxième vise le remplacement de l’image d’un monde en repos avec celle d’un monde en mouvement. Ce modèle se relève insuffisant pour l’analyse : ce n’est pas assez pour résoudre tous les problèmes de l’art baroque en peinture, sculpture, architecture, musique et littérature. D’abord, ces principes ont une application plutôt limitée, liée étroitement à la penture et difficile à transférer intégralement dans le domaine des autres arts15 et en plus ils deviennent ou bien trop généraux, ou trop particuliers. En ce qui concerne, dans l’établissement d’une définition typologique du Baroque, de la différence spécifique, ils ne permettent pas une distinction uploads/s3/ vol-lit-fr-3.pdf

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