Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Rubens, Abraham et Melchiséd

Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Rubens, Abraham et Melchisédech / 2013 1 XVIIe siècle / Pays-Bas / Art baroque / Peinture religieuse Musée des Beaux-Arts de Caen – salle 4 Étude d’une œuvre… PIETER PAUL RUBENS (Siegen 1577 - Anvers, 1640) Abraham et Melchisédech Vers 1615-1618 Fiche technique Huile sur bois, transposée sur toile en 1833 puis, à nouveau, en 1961 H. 2,04 m x L. 2,50 m L’importante restauration de 2008 (nettoyage, enlèvement des repeints et consolidation de la toile) a confirmé qu’il s’agissait d’une œuvre largement autographe et d’une très grande qualité. Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Rubens, Abraham et Melchisédech / 2013 2 ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES 1577-1587 Naissance de Pieter Paul dans la petite ville allemande de Siegen en Westphalie en 1577, où ses parents vivaient en exil. Son père, ancien échevin de la ville d’Anvers, avait dû s’enfuir avec sa famille à Cologne en raison de ses convictions religieuses calvinistes puis avait été contraint d’aller à Siegen. Un an après la naissance de ce second fils, la famille retourne à Cologne. À la mort de son père en 1587, sa mère repart à Anvers avec ses trois enfants. 1587-1590 Scolarité à Anvers, où Rubens reçoit une solide formation classique et devient l’ami de Balthazar Moretus, futur directeur de l’imprimerie Plantin. À l’âge de treize ans, Rubens est envoyé par sa mère comme page à la cour d’une comtesse à Audenarde. 1591-1598 Rubens revient très vite à Anvers et commence son apprentissage de peintre chez Tobias Verhaecht, modeste paysagiste apparenté à sa famille, puis passe dans l’atelier d’Adam Van Noort, avant d’entrer dans l’atelier du plus grand maître de l’époque, le romaniste Otto Van Veen – qui avait latinisé son nom en « Venius ». Il est admis à la guilde de Saint-Luc. 1600-1608 Rubens part en Italie parfaire sa formation. Arrivé à Venise, Rubens va à Mantoue où il devient peintre de cour au service du duc Vincenzo 1er de Gonzague. Il voyage à Florence, Rome, Gênes. Le duc de Mantoue l’envoie aussi en Espagne où il peint le portrait équestre du Premier ministre, le duc de Lerma. À Rome, il réalise le premier retable « baroque triomphant » pour la nouvelle église des Oratoriens ou « Chiesa Nuova ». Il doit quitter brusquement Rome en raison de la grave maladie de sa mère et ne reviendra plus jamais en Italie. 1609-1621 Ce retour obligé arrive au moment favorable de la trêve de Douze Ans entre les Provinces-Unies et l’Espagne. Rubens est nommé peintre de la cour bruxelloise des archiducs Albert et Isabelle. Il est autorisé à rester à Anvers et à y fonder son propre atelier. Rubens épouse Isabella Brant, fille d’un secrétaire d’Anvers, qui lui donnera trois enfants. Il achète un terrain dans un quartier réputé et conçoit lui-même les plans de sa maison et de l’atelier sur le modèle des palais de Gênes. L’embellissement de la ville lui vaut de très nombreuses commandes. 1622-1625 Rubens est appelé à Paris par la reine mère Marie de Médicis pour décorer la galerie de son nouveau palais du Luxembourg. Le cycle sera conçu à Anvers. Fin 1625, l’infante Isabelle lui commande l’important cycle de tapisseries sur le Triomphe de l’Eucharistie. 1626 Le décès de son épouse Isabella est un drame personnel, auquel s’ajoute une situation politique bloquée. 1627-1630 L’infante Isabelle lui confie des missions diplomatiques pour trouver une solution de paix entre l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande. Rubens part à Madrid. Le roi d’Espagne Philippe IV le nomme en 1629 « secrétaire du Conseil privé du roi pour les affaires des Pays-Bas » et l’envoie en Angleterre. Après la réussite de sa difficile mission diplomatique, Charles Ier le fait chevalier. Il obtient le contrat pour la décoration du plafond de la salle du trône du palais londonien de Whitehall. 1630-1640 Rubens se marie avec Hélène Fourment, âgée de seize ans, fille d’un négociant en tapisseries, qui lui donnera cinq enfants. Philippe IV le fait chevalier. L’infante Isabelle meurt fin 1633, remplacée par son neveu le cardinal-infant Ferdinand, pour lequel Rubens conçoit l’entrée triomphale à Anvers. Rubens passe désormais les mois d’été dans sa résidence de campagne d’Het Steen à Elewijt où, loin de l’agitation publique, il réalise de somptueux paysages. Il meurt le 30 mai 1640 à la suite d’un violent accès de goutte. Rubens, Autoportrait, v. 1623, Londres, Windsor Castle Rubens, La Déposition de la croix, 1614, Anvers, cathédrale Rubens, galerie de Marie de Médicis (détail), 1621, Paris, Louvre Rubens, Hélène Fourment, 1631, Paris, Louvre Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Rubens, Abraham et Melchisédech / 2013 3 ÉTUDE DE L’ŒUVRE Présentation De Cassel au musée de Caen On ne connaît pas les origines du tableau. Celui-ci appartenait à la famille Du Bois lorsque, à la fin de 1749, un marchand de tableaux l’acheta à Anvers six mille florins pour l’Électeur de Hesse-Cassel Guillaume VIII. Dès cette date, il est considéré comme pendant du Triomphe du vainqueur de Rubens dans l’inventaire de la galerie de Cassel. En 1806, Vivant Denon, chargé du choix d’œuvres destinées au musée Napoléon, confisqua les deux Rubens et les envoya à Paris. En 1811, le tableau fut retenu pour le musée de Caen. Après la chute de l’Empire, une délégation allemande est envoyée en 1815 à Caen par l’électeur de Hesse pour le récupérer. On raconte que le conservateur du musée de Caen, Élouis, se joua des émissaires en feignant de ne pas retrouver le Rubens, ni sur les cimaises ni dans les réserves, alors que - selon la légende - il servait de table de négociation, retourné et recouvert d’une nappe ! Les Allemands, partis bredouilles, réclamèrent le tableau jusqu’en 1830. Abraham et Melchisédech Le sujet est issu de l’Ancien Testament. Descendant de Sem, fils aîné de Noé, Abraham (« ami de Dieu ») appartient à une riche famille de nomades originaires de la ville d’Ur. Sur l’ordre de Dieu, il quitte sa patrie avec sa femme Sarah et son neveu Loth pour gagner la Palestine. Arrivés à destination, Abraham et Loth se séparent et se partagent le royaume : les terres de Canaan au Nord reviennent à Abraham tandis que Loth prend les terres de Sodome et Gomorrhe, au Sud. Loth est malheureusement attaqué et retenu prisonnier par des ennemis de Sodome. Abraham décide alors d’aller le délivrer. Revenant victorieux de la bataille, il rencontre le roi de Sodome puis Melchisédech, le roi-prêtre de Salem (Jérusalem), qui s’incline devant le protégé du Seigneur et lui présente ses dons, le pain et le vin. En échange, Abraham lui offre un dixième de son butin. Ce récit est raconté dans le livre de la Genèse (chapitre 14, versets 17 à 20) : « Quand Abraham apprit que son neveu avait été fait prisonnier, il mobilisa ses partisans, les trois cent dix-huit hommes de son clan, et se lança à la poursuite de l'ennemi jusqu'à Dan. Abraham répartit ses serviteurs en plusieurs groupes et attaqua de nuit. Il battit les rois et les poursuivit jusqu'à Hoba, au nord de Damas. Il récupéra tout le butin, ainsi que Loth son neveu avec ses biens, les femmes et les autres prisonniers. Après qu’Abraham fut revenu vainqueur de Chedorlaomer et des rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome sortit à sa rencontre dans la vallée de Schavé, qui est la vallée du roi. Melchisédech, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était sacrificateur du Dieu Très-Haut. Il bénit Abraham, et dit : Béni soit le Dieu Très-Haut, maître du ciel et de la terre ! Béni soit le Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains ! Et Abraham lui donna la dîme de tout. » Composition La composition rassemble les personnages en face à face devant une architecture antique qui s’ouvre sur un grand arc dévoilant le ciel : - d’un côté : Abraham et les soldats, avec cheval et chien, - de l’autre : Melchisédech et ses serviteurs, avec corbeille de pains et aiguières. Dans cet éloquent face à face du pouvoir temporel et spirituel, pain et vin sont dans l’axe médian de la composition. Installées sur une étroite avant-scène, les figures ont peu d’espace et la composition est étonnamment bloquée. Paraissant avoir « horreur du vide », la composition se remplit d’hommes, d’animaux, de pains et de récipients qui ne se dévoilent qu’après un examen attentif. Cet effet de compression et de surcharge est accru par la perspective da sotto in su (vue par en dessous) qui bouleverse la vision habituelle par de virtuoses effets de « raccourcis ». Rubens, Triomphe du vainqueur, vers 1614, Cassel Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Rubens, Abraham et Melchisédech / 2013 4 L’œil du cheval est tourné vers le spectateur qui semble se situer en contrebas à hauteur de l’homme accroupi hors du plateau scénique et qui s’avance dans son espace. Le ciel aperçu grâce à l’arc central uploads/s3/abraham-et-melchisedech-pdfdrive.pdf

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