02/03/2018 A Toulouse, dope, foi et vendetta http://mobile.lemonde.fr/police-ju

02/03/2018 A Toulouse, dope, foi et vendetta http://mobile.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/10/a-toulouse-dope-foi-et-vendetta_5239598_1653578.html?xtref=https://t.co/uNs6vIcsLl 1/9 A Toulouse, dope, foi et vendetta Au cœur du quartier de la Reynerie, les règlements de comptes liés au trafic de stupéfiants se multiplient. Une « hybridation » entre banditisme et religion s’opère, rendant certains dossiers particulièrement sensibles. Par ELISE VINCENT Temps de lecture : 18 min Le bâtiment Messager, dans le quartier de la Reynerie, à Toulouse, l’un des hauts lieux du trafic de drogues local. ULRICH LEBEUF / M.Y.O.P POUR LE MONDE L’été était presque sage au pied du béton gris de la cité de la Reynerie, ce 3 juillet au soir. Les « choufs » (guetteurs) tenaient leur poste dans ce quartier toulousain, utopie ratée des années 1960 bâtie autour de barres de logements en forme de tripodes géants. Chacun était prêt, comme toujours, à parer aux mauvais coups. Mais le règlement de comptes qui a eu lieu, vers 21 heures, dans ce grand ensemble situé à moins de quinze minutes en métro du Capitole et devenu en cinquante ans le poumon noir du trafic local de stupéfiants, a surpris même les plus prudents. A la Reynerie, jusque-là, à défaut d’emploi, il y avait Dieu ou l’argent, la foi ou la drogue, jamais le dévoiement des symboles du premier pour régler les conflits du second. En se présentant ce soir-là au quartier en tenue religieuse, les tueurs ont donc trompé leur monde. Il avait pourtant l’air étrange, ce père en djellaba, accompagné d’une épouse avec sa poussette, mal fagotée dans son niqab. Certains ont bien remarqué les mollets trop charnus de la dame, et ses épaules trop larges sous son voile. Mais le temps de glousser derrière les fenêtres, cet homme déguisé en femme a sorti un fusil d’assaut de la poussette et a déclenché une mitraille d’une violence inouïe. Publié Le 10.01.2018 à 06h39 02/03/2018 A Toulouse, dope, foi et vendetta http://mobile.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/10/a-toulouse-dope-foi-et-vendetta_5239598_1653578.html?xtref=https://t.co/uNs6vIcsLl 2/9 Le duo d’assassins avait une cible : Djamel Tahri, 27 ans, méfiant au possible sous ses airs de grand rigolard, cadet d’une fratrie accusée d’avoir la mainmise sur tout le deal de son bâtiment. Pour l’abattre, ses ennemis n’ont pas hésité à tirer dans le tas : une trentaine de balles au total, dont plusieurs ont atteint des appartements, perforé des véhicules, et blessé six passants, dont deux gravement. Le jeune Tahri, touché à neuf reprises, a rendu son dernier soupir devant la caisse d’allocations familiales. Statistiques cruelles Les témoins ont d’abord cru à un attentat. Mais très vite, le diagnostic est tombé : règlement de comptes. Le énième d’une série aux statistiques cruelles : plus de dix morts en six ans, seulement sept mises en examen, aucune poursuite pour assassinat, rien d’autre que des chefs d’inculpation pour « association de malfaiteurs » ou « détention d’arme ». Traduction pénale : risque maigre de condamnation, aucun prévenu en détention provisoire, juste des jeunes loups en liberté sous contrôle judiciaire. Autant dire le spectre inquiétant, aux yeux des autorités toulousaines, d’une contagion à la mode marseillaise. Avec ce drame, les enquêteurs espéraient au moins avoir l’occasion de mettre la main sur des coupables. Sous le coup de l’émotion, les langues des habitants se sont momentanément déliées, ce qui a permis aux policiers d’apprendre que le tireur en niqab et son « époux » n’étaient pas seuls. Le commando, positionné dans le quartier bien avant la tuerie, comptait, selon les témoignages, jusqu’à une dizaine de personnes, connues de « tout le monde » à la Reynerie : au moins quatre hommes à scooter, deux autres pour tuer, un pour donner le « go ». Une mise à mort à ciel ouvert, en somme. Mais les 10 000 habitants de la cité ont vite replongé dans le silence. Chacun s’est abstenu de la moindre déposition sur procès-verbal. Ceux qui y ont été obligés – pour des questions d’assurance concernant les dégâts humains et matériels – ont pris soin de laisser entendre qu’ils n’avaient rien dit, « parce que, de toute façon, ils ne savaient rien ». Même un vieil Algérien qui avait failli y rester, touché par une balle dans le dos, a préféré s’éclipser au pays. « Douanier » de métier, il était officiellement « en vacances » en France. Quand la mère de Djamel Tahri a dévalé, suffocante, les escaliers après les rafales, « un petit » du quartier ramassait déjà les douilles. Pas de trêve pendant les vacances Et puis, la vie a repris à la Reynerie, de part et d’autre de l’artère principale, la rue de Kiev, un axe désert comme un champ de bataille, réinventé en frontière entre les barres décaties baptisées de noms d’illustres compositeurs (Satie, d’Indy, Gluck…). Les habitants pouvaient espérer que les vacances d’été soient porteuses d’une trêve, mais après Djamel Tahri, une autre exécution est survenue dès le 7 août. Des individus encagoulés ont déboulé en voiture et ont tiré sur un groupe de quatre hommes au beau milieu d’un parking, à proximité de la rue de Kiev, avant de se volatiliser dans la nuit toulousaine. Dans leur sillage, un mort : un homme de 29 ans touché par treize balles. Les caméras de vidéosurveillance ne fonctionnaient pas, détruites ou en panne. La victime ? Le fils aîné des Bouzegou, une famille de Poulenc cette fois, barre voisine d’Auriacombe, fief de la fratrie Tahri ; deux tripodes si proches l’un de l’autre que chacun peut épier ses rivaux derrière ses rideaux. L’enquête confiée au service régional de police judiciaire de Toulouse s’avère complexe, mais une certitude émerge : dans cette affaire-là, plus que dans les règlements de comptes précédents, une « hybridation » entre banditisme et religion a opéré, symptomatique du glissement constaté dans d’autres cités françaises, où l’idée de tromper « l’Etat kouffar » (mécréant) est de plus en plus légitimée. 02/03/2018 A Toulouse, dope, foi et vendetta http://mobile.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/10/a-toulouse-dope-foi-et-vendetta_5239598_1653578.html?xtref=https://t.co/uNs6vIcsLl 3/9 Le parking sur lequel Redouane Bouzegou a été tué, le 7 août 2017, par des tirs provenant d’une voiture. ULRICH LEBEUF / M.Y.O.P POUR LE MONDE La victime du parking se prénommait Redouane. C’était l’aîné des trois frères Bouzegou. Il est tombé sous les fenêtres de ses parents. Les balles auraient pu être destinées à son cadet, Yassir, 27 ans, un dur à cuire rescapé de cette même fusillade, condamné à de la prison ferme pour divers vols aggravés et soupçonné d’être mêlé à plusieurs autres tueries récentes à Toulouse. Aux yeux des services de renseignement, Redouane lui-même avait un parcours trouble. En novembre 2015, lors des attentats du Bataclan et du Stade de France, il avait été parmi les premiers du quartier à écoper d’une perquisition administrative. Jusqu’à 500 000 euros mensuels par immeuble Dans ce dossier, la frontière entre trafics et islam apparaît d’autant plus floue que le père Bouzegou, un Marocain de 57 ans, est une figure locale. Gestionnaire depuis 2012, d’une gargote, Les Saveurs de Marrakech, au cœur du quartier du Mirail, où il emploie, dit-il, un de ses fils, Yassir, pour 1 100 euros mensuels, Ahmed Bouzegou est surtout, depuis 2014, un haut responsable de la mosquée dite du « Château ». Ce lieu de culte, très éloigné des tentations radicales de son fils assassiné, est affilié de longue date à l’islam consulaire marocain, et donc géré par le Maroc, qui a pour tradition de surveiller de près ses fidèles. POLICIERS ET MAGISTRATS ONT ÉTÉ ESTOMAQUÉS DE LA STRATÉGIE MARKETING DE CERTAINS CHEFS DE RÉSEAU : HERBE LIVRÉE DANS DES SACHETS « GRIFFÉS », CARTES DE FIDÉLITÉ, ETC. Les fonctions du père Bouzegou et ses liens avec ce pays où la production de cannabis alimente de puissants réseaux ont-ils pu, d’une manière ou d’une autre, empêcher la police et la justice françaises de s’intéresser à temps à la dérive des deux fils ? Dans un contexte où les autorités françaises se concentraient sur l’antiterrorisme, cette mosquée faisait figure de rempart face à la montée de la radicalisation. Or aujourd’hui, le trafic de drogue explose à Toulouse. Une forte hausse, à la mesure de la croissance de la population toulousaine (+ 8 000 habitants en 2017), le tout sur fond de poussée de la consommation de cocaïne, et, plus discrètement, de celle d’héroïne. Qui aurait parié que, dans cette Reynerie au revenu médian annuel de 8 400 euros – 60 % de moins que l’agglomération toulousaine –, il serait en effet possible un jour, grâce à la drogue, de dégager jusqu’à 02/03/2018 A Toulouse, dope, foi et vendetta http://mobile.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/10/a-toulouse-dope-foi-et-vendetta_5239598_1653578.html?xtref=https://t.co/uNs6vIcsLl 4/9 500 000 euros mensuels par immeuble, au rythme de 300 à 700 clients quotidiens ? Qu’aidés par l’implantation du métro et la proximité de la fac du Mirail, des « choufs » viendraient de toute l’agglomération, voire du Gers ou de l’Ariège voisins, « travailler » à la cité à raison de 150 euros la vacation de huit heures ? Un supermarché de la dope en plein air, où des flèches indiquent comment rejoindre les points de deal et où il faut faire la queue dans les cages d’escalier. « On a tué uploads/S4/ a-toulouse-dope-foi-et-vendetta.pdf

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  • Publié le Mai 07, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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