Le Partenariat Public-Privé au Maroc : Quel avenir ? 2014 Le Partenariat Public

Le Partenariat Public-Privé au Maroc : Quel avenir ? 2014 Le Partenariat Public-Privé au Maroc, quel avenir ? Abdelatif Laamrani Docteur en droit de l'Université Paris1-Panthéon-Sorbonne Introduction : L’ambition de cette modeste contribution n’est pas de lever le voile entièrement sur la matière des partenariats public-privé, PPP, le lecteur intéressé trouverait une littérature surtout européenne abondante qui défriche le sujet et l’étudie en profondeur. En effet, le PPP fait l’objet actuellement d’un intérêt marqué en Europe, il est même un sujet d’étude « en vogue » puisqu’il n y a pas un mois qui passe sans que l’on assiste à une conférence ou un séminaire qui traite le sujet. L’objet limité de cet article est de s’atteler à la reconstruction conceptuelle de cette pratique au Maroc et à l’explication de ses mécanismes juridiques permettant de transférer le financement, la réalisation et la gestion des équipements publics aux privés, Il s’agit d’éclairer le domaine de ce type de contrats spéciaux1 de l’Administration, les moyens juridiques à travers lesquels elle cherche et mobilise le financement d’infrastructures très importantes. Loin de constituer un travail de prise de position « idéologique » pour ou contre le mécanisme en tant que tel , il entend mettre à contribution à la fois les outils de droit public et ceux de droit privé afin de dessiner les contours légaux et contractuels de ce montage juridico- financier qui pourrait être une solution aux contraintes du financement classique public des gros projets structurants à travers le budget de l’Etat ou des collectivités territoriales. Il est certain que lorsque l’autorité compétente, nationale ou locale, entame la procédure légale devant conduire à la décision de ne plus se charger directement d’un service public et d’en confier la gestion à une tierce personne, c’est qu’elle a déjà épuisé un certain nombre de démarches et pris des décisions. En sa qualité de future autorité délégante, elle ne prend la décision de déléguer la gestion du service public, dont elle a la responsabilité, que sous l’effet 1 Yves Gaudemet a écrit : « on a compris que le contrat de partenariat public-privé est une variété particulière de contrat administratif, une sorte de contrat spécial pour employer la terminologie du droit privé des obligations », in. Partenariat-public-privé, sous la direction d’Ali Sedjari, L’Harmattan, GRET, 2005, p. 210 1 Le Partenariat Public-Privé au Maroc : Quel avenir ? 2014 conjugué de considérations de contraintes d’ordre économique, techniques et juridique2. Un processus juridique administratif s’enclenchera alors aboutissant in fine à l’adoption de la solution juridique choisie par l’Etat ou la collectivité locale, encadré par les autorités de tutelle, le tout sous le contrôle vigilant du juge. D’une manière générale, au Maroc, l’Etat est garant d’un certain nombre de services publics, qu’il doit prodiguer aux citoyens, en conformité avec les principes des droits de l’homme auxquels il est tenu constitutionnellement, dans ce sens l’article 154 de la nouvelle constitution de juillet 2011 dispose : « Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitution ». Le principe proclamé par cet article est d’une importance capitale car les constitutions précédentes ne traitaient pas de cet aspect des services publics sous l’angle des droits de l’homme, ce qui constitue à nos yeux une véritable avancée. Mais la nouvelle loi fondamentale, ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, en se contentant de la consécration des règles d’égalité, d’équité, et de continuité dans l’accès aux services publics, elle est allée bien au-delà en soulignant que : « Les services publics sont à l’écoute de leurs usagers et assurent le suivi de leurs observations, propositions et doléances. Ils rendent compte de la gestion des deniers publics conformément à la législation en vigueur et sont soumis, à cet égard, aux obligations de contrôle et d’évaluation. »(article 156), Cette vision nous parait novatrice et audacieuse devant, avec sa déclinaison en des lois organiques et des textes d’application et son institutionnalisation concrète mener à une transformation positive des services publics et des organismes chargés de leur desserte. Dans le même ordre d’idée, le constituant de 2011 a même prévu l’élaboration d’une nouvelle charte des services publics.3 En tout état de cause, le Maroc malgré son choix délibéré du système du marché libre, a depuis bien longtemps fait preuve d’interventionnisme dans des contextes et des circonstances bien déterminés, et l’Etat s’est déclaré désormais le promoteur du développement par une intervention directe dans l'organisation et le fonctionnement de l'économie; c’est ce rôle que traduisait déjà la politique administrative qui va être suivie jusqu'à la fin des années 1980. Le grand changement qui allait se produire alors peut être daté du 8 avri1 1988 et du discours prononcé ce jour là par feu le Roi HASSAN II à l'occasion de l'ouverture de la session de printemps du parlement4 Dans cette optique le Maroc contemporain s’est équipé, avec le protectorat, de services publics modernes en usant du contrat de concession5. Peu avant le protectorat, les premières concessions avaient leurs origines dans le traité d’Al Gésiras de 1906 dont les articles 105 et 106 prévoyaient le recours à des capitaux étrangers pour l’exploitation de services publics. Par la suite la convention de 1911 entre la France et l’Allemagne prévoyait la possibilité d’exploiter les services publics soit par l’Etat soit au moyen de concession au secteur privé. 2 Mohammed Hajji Droit et pratique des services publics au Maroc, de la concession à a gestion déléguée, 1ére Edition 2007, Zaouia. P. 3 3 Article 157 de la constitution de juillet 2011 4 B.O. 1990, p, 277. Le discours du Roi a été publié en préambule de la loi sur la privatisation. 5 Mohammed Hajji Droit et pratique des services publics au Maroc, de la concession à a gestion déléguée, 1ére Edition 2007, Zaouia. P. 3 2 Le Partenariat Public-Privé au Maroc : Quel avenir ? 2014 Le traité du Protectorat ouvrait la voie à la concession au profit de sociétés françaises. Ainsi plusieurs contrats de concessions ont été signés6. Aussi, le Maroc, à partir des années 1980 connaît-il un regain d’intérêt pour la gestion déléguée des services publics, notamment dans les domaines des autoroutes, du transport urbain, de la distribution d’eau, d’électricité, d’assainissement et de collecte des déchets. Pour le juriste, l’originalité dans ce type de contrats réside dans le fait qu’ils soient à mi- chemin entre l’acte administratif unilatéral 7 et le contrat de droit commun, il est par définition un acte bilatéral, une convention synallagmatique négociée de commun accord entre la personne de droit public et son futur cocontractant. Le principe dit de « privilège du préalable »8 serait alors adouci, aménagé pour s’adapter à la logique du consensualisme et de sa devise « pacta sunt servanda ». Mais le contrat à conclure n’aura d’existence légale que par référence à un ordonnancement juridique étatique. Celui-ci, entendu dans son acception large : législation et jurisprudence déterminera en dernier ressort son régime juridique9, car la condition sine qua non qui autorise un contrat à accéder à « une existence juridique » est sa soumission au moment de sa formation aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur10. Dans le cadre limité de cet article, nous ne pencherons pas sur toutes les spécificités juridiques qui caractérisent les actes par lesquels l’Etat ou l’un de ses démembrements concède ou délègue un certain nombre de services publics dont il avait la charge originellement. Contentons-nous de souligner que dans le cadre de l’évolution de ce processus au Maroc, on est passé d’un système concessif à un régime de délégation ou de gestion déléguée, à la différence du premier, ce dernier se définit comme étant un acte de dévolution de nature contractuelle11, puisqu’il s’agit bel et bien d’un accord de volonté librement consenti entre deux protagonistes : l’une publique nommé « autorité délégante » , représentée notamment par une ou des communes ou un groupement d’agglomérations, et l’autre privée représentée par « le délégataire ». Les collectivités locales ont largement utilisé ce mécanisme pour déléguer l’exploitation et l’exécution des services publics locaux, et ce même avant l’adoption du dahir du 14 février 6 En 1914 avec la SMD pour la production et la distribution de l’eau potable dans quatre villes du Royaume chérifien. Pour l’exploitation de la ligne ferroviaire entre Tanger et Fès, en 1916 pour l’exploitation du Port de Casablanca, Fédala et Tanger, en 1920 pour l’exploitation de la ligne ferroviaire entre Fès et Marrakech, entre 1947 et 1950 extension de la concession au profit de la SMD pour la distribution de l’eau potable dans 20 villes. 7 Voir pour plus de développements sur la notion d’acte unilatéral et sa relation avec celle de contrat, R.Chaput, Droit Administratif général, Tome 1 Montchrestien, 2001, p. 492, voir également, D. Bénchillon, « Le contrat comme norme dans le droit positif », uploads/S4/ article-abdelatif-laamrani-partenariat-public-prive-maroc.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 10, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3005MB