JACQUES CASANOVA DE S E I N G A L T Vénitien HISTOIRE DE MA VIE Edition intégra
JACQUES CASANOVA DE S E I N G A L T Vénitien HISTOIRE DE MA VIE Edition intégrale Tome Ginq F. A. BROCKHAUS WIESBADEN LIBRAIRIE PLON PARIS MCMLXI Universitotsbiblioftek B o n n V. Nr. W 551. © F. A. Brockhaus, Wie sbade n 1961 Printe d in Ge rmany. PERSIA-Dünndruckpapie r, Schoe lle r & Hoe sch, Ge rnsbach/Murglal. Droits de re production e t de traduction rése rvés pour tous pays. (oX< g VOLUME 9 C H A PIT R E P R E M IE R Je trouve Rosalie heureuse. La Signora IsolabeUa. Le cuisinier. Biribi. Irène. Passano en prison. M a nièce, ancienne connaissance de Rosalie. P o g o m a s , qui à Gêne s s’appe lait Passano parce que tout le monde le connaissait, me prése nta sa fe mme e t sa fille , laide s, sale s e t e ffrontée s. Je m ’e n suis vite débarrassé, pour dîne r à la hâte ave c ma nièce , e t pour alle r tout de suite che z le marquis Grimaldi. J ’étais pre ssé de savoir où de me u rait Rosalie . Un staffiere (1) du sénate ur me dit que Son E. était à Ve nise , e t qu’on ne l’atte ndait que pour la fin d’avril (2). Il me conduisit che z Pare tti qui l’avait épousée six à se pt mois après mon départ. M’ayant d’abord re connu, il se montra e nchanté de me voir, e t il quitta son comptoir pour alle r me prése nte r à sa fe mme , qui me voyant fit un cri d’allégre sse e t vint à moi à bras ouve rts. Une minute après, il nous quitta pour alle r vaque r à se s affaire s, priant sa fe mme de me prése nte r sa fille . Rosalie , après m ’avoir prése nté un e nfant de six mois, me dit qu’e lle était he ure use , qu’e lle possédait le cœur e t l’âme de son mari, qui, aidé du crédit de M. le marquis Gri- 2 H IS T O IR E D E MA VIE maldi, avait si bie n poussé son comme rce qu’il négociait déjà tout se ul. Rosalie était de ve nue une be auté parfaite . Elle me sut un gré infini d’être allé la voir à pe ine arrivé, e t e lle me dit impérie use me nt qu’e lle m ’atte ndait à dîne r le le nde main. — Mon che r e t te ndre ami, je te dois ma fortune e t ma paix ; e mbrassons-nous, e t bornons-nous là, e t de main gardons-nous de nous tutoye r. Mais à propos, atte nds : je vais te surpre ndre . Elle s’e n va, e t de ux minute s après e lle vie nt ave c Véro nique . Elle l’avait prise pour fe mme de chambre . La re voyant ave c [2376] plaisir, e t jouissant de sa surprise , je l’ai e m brassée , lui de mandant d’abord de s nouve lle s d’Anne tte ; e lle me dit qu’e lle se portait bie n, e t qu’e lle travaillait che z e lle ave c sa mère . Je lui ai dit de me l’e nvoye r pour se rvir de fille de chambre à ma nièce dans le s de ux ou trois se maine s que je voulais passe r à Gêne s. Elle me promit de me l’e nvoye r le le nde main ; mais Rosalie éclate de rire e t fait le s hauts cris. — Encore une nièce I Mais e n qualité de nièce , tu la conduiras de main ave c toi, j ’e spère 1 — Ave c plaisir, d’autant plus qu’e lle e st de Marse ille . — De Marse ille ? Elle pourrait me connaître , mais je m’e n moque . Comme nt s’appe lle -t-e lle ? Lui disant un nom banal, je la dis fille d’une cousine que j’avais à Marse ille ; e lle n’e n croit rie n, mais e lle se réjouit me voyant toujours plongé dans le s ave nture s agréable s. Sortant de che z e lle je vais che z la signora Isolabe lla, e t je lui fais passe r la le ttre du marquis Triulzi. Une minute après, e lle vie nt me re ce voir me disant qu’il l’avait préve nue , e t qu’e lle m’atte ndait. Elle me prése nte d’abord le marquis Agostino Grimaldi della pietra (3), son grand cicisbée (4) dans la longue abse nce de son mari qui vivait à Lisbone . Mme Isolabe lla était bie n logée , avait une jolie figure , l’e sprit doux e t agréable , l’âge de tre nte ans, la taille mince VOLU M E 9 - C H A P IT RE I 3 e t fort maigre , e t la pe au de son visage couve rte de blanc e t de rouge , mais si maladroite me nt qu’on s’e n ape rce vait d’abord. Ce la me dégoûta malgré se s ye ux noirs qui étaie nt supe rbe s. Une de mi-he ure après je pre nds congé, e t je me laisse e ngage r à soupe r pour le le nde main. De re tour à mon logis, je suis bie n aise de voir que ma nièce s’était très bie n arrangée dans une chambre qui n’était séparée de la mie nne que par un cabine t, où je lui dis que je fe rais couche r une fille de chambre que j ’avais prise pour e lle , e t qu’e lle ve rrait le le nde main. Elle me re me rcie . Je lui dis qu’e lle vie ndrait dîne r ave c moi dans une maison de négociant e n qualité de [2377] ma nièce , e t e lle me sait gré de tous le s plaisirs que je lui procure . Ce tte fille que la Croix avait fait de ve nir folle , était jolie comme un ange , mais son ton noble e t son caractère doux surpassait e ncore la rare té de se s charme s. J ’e n étais amoure ux, e t le re pe ntir de ne m’e n être pas e mparé le pre mie r jour me ronge ait l’âme . Si je l’avais prise au mot, je se rais de ve nu son amant tranquille , e t je lui aurais fait pe ut-être parfaite me nt oublie r la Croix. N’ayant guère dîné, je me suis mis à table affamé comme ma nièce , dont la friandise était sublime . Nous rîme s d’ac cord, trouvant tout notre soupe r fort mauvais. J ’ai dit à Clairmont de faire monte r l’hôte sse . — La faute , me dit-e lle , e st du cuisinie r. C’e st un cousin de votre se crétaire Passano qui l’a accordé à votre se rvice . S’il m ’e n avait chargée , je vous aurais donné un cuisinie r e xce lle nt, e t à me ille ur marché. — Donne z-le moi de main. — Volontie rs ; mais auparavant faite s que ce lui-ci dé campe . Il e st che z moi ave c fe mme e t e nfants. C’e st à Pas sano, qui l’a pris, à le re nvoye r. — Laisse z-moi faire . En atte ndant arrête z à mon se rvice le vôtre ; j ’e n fe rai l’e ssai après-de main. J ’ai accompagné ma nièce dans sa chambre , je l’ai priée 4 H IS T O IRE DE MA VIE de se couche r sans pre ndre garde à moi. Je lisais la gaze tte . Après l’avoir lue , je suis allé l’e mbrasse r, e t je lui ai souhaité une bonne nuit, lui disant qu’e lle pourrait m ’épargne r la pe ine d’alle r me couche r tout se ul. Elle ne me répondit pas. Le le nde main, e lle e ntra dans ma chambre dans le mome nt que Clairmont me lavait le s pie ds, me priant de lui faire donne r du café au lait, parce que le chocolat réchauffait trop ; j’ai d’abord fait alle r Clairmont lui e n che rche r, e t e lle se m it à ge noux de vant moi pour m ’e ssuye r. — Je ne souffrirai pas ce la. — Pourquoi non? C’e st une marque d’amitié. — Vous ne pouve z la donne r sans basse sse qu’à un amant. Elle baissa se s be aux ye ux, e uploads/S4/ casanova-histoire-de-ma-vie-5-9.pdf
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- Publié le Oct 28, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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