COMMENTAIRE DE L'ARRÊT DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA COUR DE CASSATION DU 29 JU

COMMENTAIRE DE L'ARRÊT DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA COUR DE CASSATION DU 29 JUIN 2001 par Ludovic DEMONT et M. CANIVET et M. SARGOS et M. SAINTE-ROSE Document: Droit pénal n° 8-9, Septembre 2001, 34 Droit pénal n° 8-9, Septembre 2001, 34 COMMENTAIRE DE L'ARRÊT DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA COUR DE CASSATION DU 29 JUIN 2001 Repère par Ludovic DEMONT et M. CANIVET et M. SARGOS et M. SAINTE-ROSE Accès au sommaire Se fondant sur le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt du 29 juin 2001, que le fœtus n'entre pas dans les prévisions de l'article 221-6 du Code pénal. Cette chronique propose une analyse critique de la décision. Le soir du 29 juillet 1995, le véhicule conduit par Mme X.... alors enceinte de six mois, est violemment percuté par la voiture de M. Z.... en état d'ébriété, et qui, circulant à vive allure sur un chemin départemental, s'était déporté sur la partie gauche de la chaussée. La conductrice et son passager, M. Y.... sont blessés. Sous l'effet du choc, l'abdomen de la jeune femme est fortement compressé par sa ceinture de sécurité de sorte qu'un peu moins de cinq jours après l'accident, elle doit accoucher d'un enfant mort-né. L'autopsie a montré que la mort de l'enfant est due à des lésions cérébrales importantes en relation directe avec l'accident. Les dispositions de l'article 221-6 du Code pénal réprimant l'homicide involontaire sont-elles applicables à l'auteur de cet accident, dont la faute de conduite a provoqué la mort d'un enfant à naître ? Telle était la question, controversée, soumise à l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui s'est prononcée par arrêt du 29 juin 2001Note 1. Document consulté sur https://www.lexis360.fr Revues juridiques Téléchargé le 28/11/2021 Page 2 Copyright © 2021 LexisNexis. Tous droits réservés. En première instance, le tribunal correctionnel de Metz avait reconnu M. Z... coupable d'homicide involontaire sur la personne du fœtus et de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de moins de trois mois, aggravées par un état alcoolique, sur la mère et son conjoint. Sur appel de toutes les parties et du Ministère public, la Cour d'appel de Metz avait réformé partiellement le jugement. Elle avait, en effet, relaxé M. Z... du chef d'homicide involontaire, estimant que « l'enfant mort-né n'est pas protégé pénalement au titre des infractions concernant les personnes ;(...) en effet, pour qu'il y ait « personne », il faut qu'il y ait un être vivant, c'est-à-dire venu au monde et non encore décédé ;(...) il ne peut y avoir d'homicide qu'à l'égard d'un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré »Note 2. L'arrêt de Metz a été frappé d'un pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel, et d'un autre, émanant des parties civiles. Après l'arrêt du 30 juin 1999Note 3, la position de la Cour de cassation était attendue avec impatience et intérêt ; la problématique du litige étant importante non seulement sur le plan juridique mais également sur les terrains philosophique, scientifique, sociologique, éthique et même religieux, sans parler des questions de politique criminelleNote 4. On se souvient que l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de 1999 portait sur l'incrimination d'homicide involontaire dont il s'agissait alors de savoir si elle était applicable à un fœtus non-viable. L'on sait que la Cour de cassation a refusé d'appliquer ladite qualification dans cette hypothèse. Tenant pour acquise la solution énoncée au sujet du fœtus non-viable, une question, voisine, et tout aussi sensible, demeurait en suspens : celle de l'application de la même qualification à un fœtus viable. Le 29 juin 200 1, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché cette question dans le sens d'un refus catégorique d'appliquer au fœtus l'incrimination prévue à l'article 221-6 du Code pénalNote 5. Lors de l'audience, le 22 juin, M. l'avocat général Sainte-Rose avait pourtant requis la cassation, en estimant que « sauf à perdre le sens des mots, l'embryon ou le fœtus sont des êtres humains : ils existent et leur nature humaine est incontestable ». La Cour de cassation n'a pas suivi ses arguments. Dans son arrêt, l'assemblée plénière s'est retranchée, encore une fois, derrière « le principe de la légalité des délits et des peines, qui (imposant) une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître (...) ». Comme dans l'arrêt de juin 1999, la motivation est laconiqueNote 6. L'assemblée plénière a toutefois précisé que « le régime juridique (de l'enfant à naître) relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ». Ce qui pourrait être interprété comme un appel à légiférer sur la questionNote 7. D'ailleurs, M. Sargos, dans son rapport, demandait à l'Assemblée plénière de Document consulté sur https://www.lexis360.fr Revues juridiques Téléchargé le 28/11/2021 Page 3 Copyright © 2021 LexisNexis. Tous droits réservés. s'interroger sur le point de savoir si ce n'est pas « de la mission du seul législateur (...) d'ériger, s'il le souhaite, une incrimination spécifique à l'atteinte involontaire à la vie humaine en formation ». Si l'Assemblée plénière considère que l'enfant à naître n'est pas un « autrui », au sens de l'article 221-6 du Code pénal, c'est sans doute qu'elle opère une confusion entre la notion de personne au sens où l'entendent les civilistes et celle de personne victime du délit d'homicide involontaire. L'acception pénale de la personne humaine diffère, pourtant, de celle retenue par le droit civil (I). Ce qui est certain, c'est que la position adoptée par l'Assemblée plénière conduit, inéluctablement, à une réification du fœtus (II). I. — LA CONFUSION DES CONCEPTIONS PÉNALE ET CIVILE DE LA PERSONNE. À s'en tenir à la similitude des termes employés en droit civil et en droit pénal, la confusion est aisée. Pourtant, ainsi qu'a tenté de le démontrer M. l'avocat général Sainte-Rose, « il n'y a pas identité nécessaire entre la victime d'un homicide involontaire et la personne au sens du droit civil (...) ». Le mot « personne » reçoit une double acception : il désigne, d'une part, l'être humain, l'individu et même le corps humain ; d'autre part, le titulaire de droits et d'obligations, le sujet de droit des civilistes. Ces deux sens ne doivent pas être confondus. Pour le droit civil, la notion de personne, sujet de droit, renvoie à celle de personnalité juridique. Or, ce concept civiliste de personne juridique est indifférent en matière pénale (A). La « personne » ou « l'autrui » que vise le Code pénal ne se confond pas avec la notion de sujet de droit. La protection pénale est accordée à tout être humain quel que soit son statut juridique. Le seul critère à retenir pour appliquer, ou non, l'incrimination d'homicide involontaire, est celui de l'existence d'une vie humaine (B). A. - L'INDIFFÉRENCE DU CONCEPT CIVILISTE DE PERSONNALITÉ JURIDIQUE. L'une des conditions préalables de l'infraction d'homicide involontaire serait-elle, non pas que la victime soit un être vivant, mais qu'elle soit dotée de la personnalité juridique ? Il semble que la Cour de cassation considère l'« autrui » comme une personne née, vivante et viable. Or, cette définition n'est pas sans rappeler celle de la personnalité juridique. L'« autrui » s'entendrait donc d'un être doté de la personnalité juridique. Le fœtus n'ayant pas une telle qualité puisqu'il n'est pas né, il s'en suivrait que l'homicide ne peut être constitué à son égard. Document consulté sur https://www.lexis360.fr Revues juridiques Téléchargé le 28/11/2021 Page 4 Copyright © 2021 LexisNexis. Tous droits réservés. C'est l'opinion exprimée en doctrine par quelques auteurs qui établissent une stricte relation entre la personnalité juridique et la personne humaine pénalement protégée. Pour que le délit d'homicide involontaire soit constitué, il ne suffit pas que la victime soit un être vivant, elle doit être aussi dotée de la personnalité juridiqueNote 8. Avec M. Seuvic, il est permis de penser que « (...) la protection de la vie de l'être humain (...) n'a pas à être conditionnée par les préoccupations civilistes déterminant l'octroi de la personnalité juridique. Cette personnalité juridique - comme le montre son octroi aux personnes morales et peut-être aussi aux animaux - est un mécanisme juridique qui règle le commerce juridique ; il ne faut pas en faire une condition de la protection pénale de l'humain »Note 9. En effet, ce que protègent les qualifications d'homicide et de blessures involontaires, c'est, depuis toujours, l'être humain, l'être physique, c'est-à-dire la personne dans sa signification la plus commune. La personnalité est une construction abstraite destinée à faciliter le commerce des hommes ; elle a d'ailleurs été étendue aux personnes morales. La personnalité juridique est indifférente au droit pénal qui ne s'intéresse qu'à l'être de chair et de sang. Le droit pénal a pour objet de protéger non une personne juridique mais une personne humaine. Les deux dimensions ne sont pas à confondre. Le droit pénal s'intéresse à l'être, bien réel, bien vivant, pas uploads/S4/ commentaire-de-l-x27-arret-de-l-x27-assemblee-pleniere-de.pdf

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  • Publié le Mar 31, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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