DROIT PATRIMONIAL DST n° 2 ÉLÉMENTS DE CORRECTION DES TROIS SUJETS PROPOSÉS SUJ

DROIT PATRIMONIAL DST n° 2 ÉLÉMENTS DE CORRECTION DES TROIS SUJETS PROPOSÉS SUJET N°1 : COMMENTAIRE DE L’ARRÊT (CASS. CIV. 1ÈRE, 3 FÉVRIER 2010) La tradition d’un bien a ceci de particulier qu’elle peut être la traduction matérielle de divers actes juridiques. Remettre un bien à un tiers peut dès lors être synonyme de don, de prêt à usage, de dépôt, etc… Autant dire que la tradition, en dehors de toute expression de la volonté du remettant, se caractérise par une certaine équivocité qui permet aux tiers, le cas échéant, de remettre en cause la qualification de l’opération afin d’en tirer un quelconque avantage. Ce sera d’autant plus vrai que les biens en question auront une grande valeur, telles les toiles du peintre ARMAN, comme en témoigne l’arrêt du 3 février 2010 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation. En l’espèce, étaient en cause sept tableaux que le célèbre peintre, décédé en 2005, avait remis à M. X…, propriétaire notamment d’un restaurant à New York, en 2000. Immédiatement placés sur les murs du restaurant, ces tableaux restaient à leur place jusqu’en 2007, date à laquelle M. X… fermait le restaurant et rapportait les toiles de maître en France. A cette occasion, il les confiait à une société en vue de leur mise en vente aux enchères. Néanmoins, c’était sans compter sur les velléités de Mme Y…, veuve du peintre, qui en sa qualité d’exécuteur testamentaire, allait contester les droits prétendus de M. X… sur les biens. A cet effet, elle procédait à une saisie-revendication entre les mains de la société de vente aux enchères qui, dans un premier était accueillie, mais dont la mainlevée était très rapidement ordonnée par le juge de l’exécution et, à sa suite, la cour d’appel de Paris. C’est dans ces conditions que Mme Y… formait un pourvoi saisissant la Haute juridiction de deux questions. La première avait trait à la loi applicable à l’action en revendication, Mme Y… prétendant que les juges du fond auraient violé l’article 3 du Code civil en ayant appliqué l’article 2279 du Code civil, et non pas la loi américaine. Mais surtout, dans son second moyen, le pourvoi reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir recherché « si la possession des œuvres par M. X…, au jour du prétendu don manuel, n’était pas précaire et équivoque » alors même qu’avait été produite une attestation d’un tiers dans laquelle ce dernier indiquait avoir connaissance qu’ARMAN avait remis les toiles en dépôt chez le restaurateur en échange de quelques facilités pour dîner aisément dans le restaurant. 2 Se trouvait donc ainsi posée la question de la réalité et de la qualité de la possession des toiles par M. X… En effet, en faisant référence à une possession qui aurait été « précaire et équivoque », le moyen du pourvoi renvoyait immanquablement à l’animus et à l’un des vices de la possession les plus invoqués devant l’institution judiciaire. La première chambre civile de la Cour de cassation, saisie de la question, devait rejeter le pourvoi en ses deux moyens. Après avoir rappelé qu’en l’espèce, c’était la loi française qui trouvait à s’appliquer, elle indique « qu’ayant relevé que les œuvres de Arman étaient dans le restaurant de M. X… à New York depuis 2000, qu’il les avait rapportées en France en janvier 2007 et que Mme Y…, n’avait pas réclamé la restitution des tableaux après le décès de son mari en 2005, la cour d’appel a pu en déduire que la possession n’était pas équivoque ». Ainsi, en s’attachant uniquement à la question relative au vice d’équivoque, la Cour de cassation reconnaît nécessairement que la possession des tableaux était pleinement constituée et, au surplus, dénuée de vices (I). Ce faisant, elle rappelle son attachement à la distinction traditionnelle entre animus et équivocité (II). I / UNE POSSESSION PLEINEMENT CONSTITUÉE ET DÉNUÉE DE VICES En se contentant d’approuver les juges du fond en ce qu’ils ont considéré que le caractère non-évoque de la possession était établi (B), la première chambre civile de la Cour de cassation laisse clairement apparaître que la référence à une possession « précaire » était inopportune puisque l’animus était en l’espèce présumé (A). A / UN ANIMUS PRÉSUMÉ L’article 2276 du Code civil (anciennement article 2279 du Code civil, applicable en l’espèce) dispose qu’ « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Il est traditionnellement affecté deux fonctions à ce texte, selon que l’auteur dont le possesseur tient le bien était un non dominus ou au contraire, le verus dominus. Dans la première hypothèse, la possession du bien meuble a un effet acquisitif, alors que dans la seconde, elle se contente d’avoir un effet probatoire en ce sens que le possesseur est présumé être propriétaire du bien. L’arrêt ARMAN s’inscrit dans cette dernière hypothèse puisqu’il n’est aucunement contesté que le peintre fût l’auteur, et donc le propriétaire, des tableaux. Or, la présomption de titre, sous-tendue par le souci d’assurer la sécurité des transactions, a pour principale conséquence d’obliger l’éventuel revendiquant à prouver, soit qu’il n’y pas possession, soit que celle-ci est viciée. Le célèbre peintre ayant remis les tableaux à M. X… sans prendre la précaution d’entourer ce fait d’un instrumentum stipulant clairement l’objet juridique de la 3 tradition manuelle, il était d’autant plus difficile pour Mme Y…, en l’espèce, de faire la preuve du caractère précaire de la détention, voire du vice de la possession. On comprend dès lors pourquoi cette dernière cherchait en premier lieu à faire appliquer la loi américaine, visiblement plus favorable à ses intérêts. Néanmoins, et comme la haute juridiction l’indique préalablement, la loi française est la loi applicable à cette espèce. C’est pourquoi il y a lieu de se référer à la fonction probatoire de la possession et à son corollaire, l’article 2256 du Code civil, lequel dispose qu’ « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre ». Autrement dit, la personne qui a la détention matérielle de la chose est présumée le faire animo domini ; il appartient alors au tiers revendiquant d’en apporter la preuve contraire. C’est pour cette raison que le pourvoi fait grief aux juges du fond, dans son second moyen, de ne pas avoir recherché si la possession était « précaire ». A bien suivre la demanderesse au pourvoi, les tableaux auraient été remis par ARMAN uniquement dans le but de bénéficier de quelques facilités pour accéder au restaurant. Ainsi, il ne se serait donc pas agi d’un don mais d’un dépôt impliquant une restitution des tableaux et instituant le restaurateur comme simple détenteur précaire des biens meubles. Partant, cette détention précaire priverait la possession d’un de ses éléments constitutifs, à savoir l’animus. Sachant pertinemment qu’il sera conduit, tôt ou tard, à restituer le bien à son auteur, celui qui a la maîtrise matérielle de la chose ne peut la détenir avec l’intention de se comporter en propriétaire. On comprend toutefois pourquoi la Cour n’a pas pris la peine de répondre au moyen sur ce point. D’abord parce que ce dernier n’étant pas décomposé en deux branches, elle n’était pas liée par la question, et surtout, parce qu’en réalité l’argument tiré de la précarité tendait simplement à remettre en cause l’appréciation des juges du fond quant à la preuve d’un acte juridique, à savoir l’éventuel contrat de dépôt. Eu égard à la valeur des tableaux, on peut aisément supposer que la preuve de cet acte juridique devait être faite par écrit (articles 1341 et suivants du Code civil) et qu’une simple attestation s’avérait largement insuffisante. Dans cette mesure, la présomption posée à l’article 2256 du Code civil ne pouvait que l’emporter. B / UNE POSSESSION NON-ÉQUIVOQUE ÉTABLIE Pour que la possession produise ses effets, encore faut-il qu’elle soit utile, c'est-à-dire qu’elle revête quelques qualités. A ce titre, l’article 2261 du Code civil indique que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire ». Si le texte semble vouloir imposer ces qualités à la prescription « pour pouvoir prescrire », il reste que depuis longtemps, la jurisprudence a pris l’habitude d’exiger ces mêmes qualités pour que la possession 4 remplisse sa fonction probatoire (V. entre autres, Cass. Civ. 21 juin 1978 ; 14 mai 1996; 7 juin 1995 ; Cass. Com. 18 oct. 1994). L’arrêt du 3 février 2010 ne fait donc que confirmer cette position bien établie et s’attarde spécifiquement sur la question du vice d’équivocité. A cet égard, il est généralement considéré qu’il y a équivoque « quand les actes accomplis par le prétendu possesseur ne manifestent pas clairement son animus et qu’ils peuvent s’expliquer autrement que par la prétention à un droit sur une chose » (F. TERRÉ, Ph. SIMLER). C’est pourquoi l’attestation de M. Z… dont il est fait état par le pourvoi aurait pu permettre à l’argument tiré du vice d’équivoque de prospérer. Si en effet, un tiers avait pu uploads/S4/ correction-dst-2-patrimonial-2010.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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