1 Université libre du Congo Année académique 2013 – 2014 Cours de droit adminis
1 Université libre du Congo Année académique 2013 – 2014 Cours de droit administratif Par Michel MIAMBI, Magistrat, Avocat général près la Cour d’appel de Brazzaville 2 Titre premier : Généralités sur le droit administratif Introduction : Le droit administratif est un droit réputé difficile car régissant l’action quotidienne, multiforme, des administrations publiques (Etat, collectivités territoriales, établissements publics) par la mise en œuvre de moyens juridiques et humains propres à leur permettre de satisfaire l’intérêt général (J.C.Ricci, Préface du « droit administratif général » 3è édition 2009). Le droit administratif renvoie naturellement à l’« administration », ce qui induit qu’il va être question des règles et des principes juridiques applicables à l’administration, c’est-à- dire aux personnes publiques. Essai de définition. Ainsi présenté, le droit administratif présente cette particularité d’être mal aisé à définir. Cependant on peut tenter de le définir comme étant le droit applicable aux relations juridiques dans lesquelles est présente au moins une personne publique, lequel comporte des règles exorbitantes de droit commun. Il est donc le droit de la puissance publique. Cette définition appelle les observations suivantes : 1°)- l’unité du droit administratif viendrait de l’unité de ses sujets : les personnes publiques. Cependant, il faut relativiser cette approche car ces personnes publiques, bien qu’elles soient soumises au droit exorbitant avec exercice de prérogatives de puissance publiques, peuvent également, dans certaines circonstances être soumises au droit privé. 2°)- la jurisprudence administrative admet l’application de ces règles exorbitantes (de droit commun) non seulement aux personnes publiques mais encore, à certaines conditions, à l’action menée par des personnes privées. Ce qui veut dire que le contenu exorbitant de ses règles peut s’appliquer à des personnes qui sont tantôt des personnes publiques tantôt des personnes non publiques, donc privées. Caractères du droit administratif. Ainsi défini, le droit administratif présente quelques caractères qu’il faille dégager dans cette étude. Ce droit est d’abord un produit de l’histoire(1), de là, il tire sa réputation de droit prétorien (2) et en hérite une certaine originalité qui n’est pas sans complexité (3). 1°) le caractère historique du droit administratif. Le droit administratif se rencontre dans toutes les sociétés sous différentes formes selon la perception de chaque civilisation ou culture de la « chose publique » et de son degré de particularisme juridique. Ainsi, dans l’antiquité par exemple, il est plus riche à Athènes qu’à Rome en raison des conceptions différentes que ces deux modèles ont de la place respective que doivent avoir dans la cité l’individu et l’Etat, le collectif et l’individuel. 3 En France, il se développe surtout à partir du XIe siècle parallèlement au droit privé dont, déjà, il ne partage pas toutes les finalités. Dès le moyen âge, apparaissent nombre de constructions intellectuelles qui constituent, aujourd’hui encore, la trame du droit administratif : acte unilatéral, contrat public, expropriation, organisations professionnelles, droit domanial, fonction publique, aide social, police… ce sont autant d’occasions de mettre l’accent sur une particularité éminente de l’action publique : étant au service de tous, elle doit, en cas d’opposition ou de conflit, triompher des intérêts individuels. Le droit administratif apparait de ce point de vue comme un droit inégalitaire, l’intérêt général devant primer. Or à cette époque, et pendant des siècles, l’Etat se confond avec la monarchie et l’ordre des choses et des personnes qui caractérise ce régime politique. Ainsi la critique de l’ordre social et politique faite au XVIII (18è) siècle par un certain nombre de personnes va-t-elle atteindre le droit administratif présenté comme un droit du privilège et de l’inégalité qui ne fait qu’une part insuffisante aux besoins individuels. Cette critique injuste sera amplifiée au moment de la révolution de 1789. A l’issue de la décennie révolutionnaire (1789 – 1799), comme il fallait restaurer et faire fonctionner l’Etat, les finances publiques, la monnaie, l’appareil administratif et l’organisation territoriale, le premier Conseil, Bonaparte, va doter l’administration de règles juridiques spécifiques, pour lui permettre de mener à bien l’immense tâche de reconstruire la nation sortie exsangue de l’épisode révolutionnaire. On a alors cru à une « invention » ex nihilo du droit administratif : il n’en était rien puisqu’il ne s’agissait que d’un retour aux sources. Cependant, définie par Saint Augustin (354 – 430) aux IVe et Ve siècles de notre ère, l’Administration est conçue comme un service et non comme une fonction de puissance (imperium). Elle est un service rendu à la communauté des administrés, elle définit, gère et défend l’intérêt commun. La poursuite de celui-ci, le bien commun, va constituer la base légitimant de l’existence d’une administration publique et de son pouvoir. Ce bien commun devenu par la suite l’intérêt général, l’Administration va le poursuivre grâce à la détention de moyens juridiques appropriés à cette mission. C’est encore aujourd’hui, assez largement la définition de l’action administrative. Le service public étant à la fois l’incarnation et la mise en œuvre de l’intérêt général par le pouvoir public, on peut bien parler d’une mission ou d’une vision « sacrale » de l’Administration et du droit administratif. Ainsi l’histoire apporte un autre élément très important pour expliquer l’état actuel des conceptions. Pendant tout le cours de la monarchie, les juridictions, spécialement les parlements (de leurs noms exacts) « cours souveraines de parlement », qui, en dépit de leur nom, ne sont que des tribunaux, ont exercé des pouvoirs juridiques importants à portée politique : ils pouvaient rendre des arrêts de règlement, technique qui consiste, à travers la résolution d’un litige, à se prononcer par une sorte de disposition à caractère général et impersonnel exactement comme le ferait un législateur. Ce qui les permettait de s’ériger en législateur parallèle, concurrent du pouvoir légal. Ils possédaient également le pouvoir d’enregistrer les édits et ordonnances royaux. En cas de refus d’enregistrement, l’acte royal ne pouvait pas entrer en vigueur dans le territoire soumis à la juridiction du parlement récalcitrant. Certes ce pouvoir n’était que négatif puisqu’il ne 4 s’agissait que du pouvoir de paralyser (la célèbre « faculté d’empêcher » dont parle Montesquieu dans l’esprit des lois, 1748), non du pouvoir de décider. Néanmoins, c’était là déjà une prérogative particulièrement efficace tendant à contenir la toute-puissance de la monarchie donc de l’Administration de l’époque. Forte de cette expérience, la révolution a donc résolu par les articles 10 et 13 des lois des 16 – 24 août 1790, de tirer les leçons de l’histoire en faisant défense aux juridictions de droit commun de « prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif » et cela « à peine forfaiture ». Ces « décrets », en dépit de leur appellation, sont des lois. C’est ce qui va conduire, en 1799, à reconstituer un juge administratif (en particulier le conseil d’Etat) et, surtout, à lui confier l’exclusivité des litiges concernant l’administration. Il le fera en appliquant à ces litiges des règles qui, fréquemment, sont originales, différentes de celles qui régissent les relations entre particuliers. Enfin, devant la difficulté évidente du pouvoir législatif qui ne peut embrasser toutes les matières de l’administration tant quantitativement que qualitativement, parce que souvent mal armé pour aborder efficacement les domaines où la complexité et la technicité vont croissant, va s’imposer la nécessité, à côté de la loi, de recouvrir à une autre source du droit de l’action administrative, le règlement administratif ou pouvoir règlementaire, qui à pour auteur non pas le parlement mais le pouvoir exécutif. Ce dernier présente, en effet, l’avantage de posséder une faculté de décision plus concentrée que celle du parlement, d’avoir aussi une capacité plus rapide de réaction et un degré plus grand de cohérence dans les décisions. L’Apport de l’histoire au Droit administratif. De tout ce qui précède, nous pouvons tirer au moins quatre conséquences de la conception de l’Administration et du Droit administratif. - Premièrement, l’administration est soumise au droit édicté par le pouvoir politique. - Deuxièmement, l’administration est soumise à un droit propre, différent du droit applicable aux particuliers. - Troisièmement, l’administration est soumise à un juge qui lui est propre, distinct des juridictions compétentes pour connaître des différends entre particuliers. - Enfin, conséquence de cette évolution historique, la reconnaissance au profit du pouvoir exécutif, chef de l’administration étatique, du pouvoir règlementaire, c'est-à-dire de la compétence pour prendre lui-même des règles à caractère général et impersonnel s’appliquant à l’Administration et aux administrés. L’Administration est ainsi, à la fois, soumise au droit et est productrice de droit. Ces quatre conséquences ne sont pas les seules héritées de l’histoire du droit administratif, ce sont cependant les importantes. II°) le caractère prétorien du Droit administratif. 5 Le Droit administratif a été qualifié de « droit prétorien » pour signifier qu’il était forgé pour l’essentiel (en son prétoire) par le juge, souvent auteur exclusif et toujours interprète souverain de ce droit. La raison en est la relative jeunesse d’une discipline qui est réapparue au début du XIXe siècle. Au contraire des autres disciplines classiques du droit, le Droit administratif a dû se reconstruire progressivement, au gré des contentieux comme des besoins sociaux. Face à un uploads/S4/ cours-de-droit-administratif-ulc.pdf
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- Publié le Aoû 29, 2021
- Catégorie Law / Droit
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