…/… §4 – La rétractation de l’acceptation Contrats entre absents – La question

…/… §4 – La rétractation de l’acceptation Contrats entre absents – La question du moment précis de la conclusion du contrat ne soulève pas de difficulté lorsque l’offrant et l’acceptant sont présents dans un même lieu (ou lorsque, bien qu’éloignés, ils communiquent de façon quasiment instantanée, par téléphone ou internet par exemple). Mais si l’échange des consentements a lieu par correspondance, les délais d’acheminement du courrier compliquent la situation. C’est ce que l’on appelle les « contrats entre absents ». En pareille hypothèse, l’acceptant peut-il rétracter son acceptation avant que le pollicitant en ait connaissance ? Il existe, en matière de « contrats entre absents » deux façons d’envisager la formation du contrat : la théorie de l’émission et la théorie de la réception. Selon la théorie de l’émission, le contrat est formé lorsque le destinataire de l’offre formule son acceptation (i.e. lorsqu’il envoie le courrier). Selon la théorie de réception, le contrat est formé lorsque l’offrant à connaissance de l’acceptation (i.e. lorsqu’il reçoit la lettre d’acceptation). Ces deux théories produisent des conséquences opposées lorsque l’offre est révoquée entre le moment où son destinataire a exprimé son acception et celui ou l’offrant reçoit cette acceptation. Si l’on considère que le contrat est formé au moment où l’acceptation est intervenue (théorie de l’émission), toute rétractation ultérieure sera inefficace. En revanche, si l’on considère que le contrat est formé lorsque l’acceptation parvient à l’auteur de l’offre (théorie de la réception), la rétractation est efficace et fait obstacle à la formation du contrat. Avant la réforme de 2016-18, la jurisprudence retenait la théorie de l’émission. Le contrat était donc formé dès que l’acceptation était émise et ce bien que l’offrant n’en soit pas encore informé. Toutefois, l’offrant pouvait préciser le contraire dans son offre. Celle-ci pouvait stipuler que le contrat était formé lorsqu’il avait pris connaissance de l’acceptation. De plus, on admettait, de façon d’ailleurs peu logique, que l’acceptant pouvait toujours revenir sur son acceptation tant qu’elle n’est pas encore parvenue à destination (par exemple en téléphonant, en envoyant une télécopie ou un courriel). La réforme de 2016-18 revient sur cette jurisprudence. C’est, désormais, la théorie de la réception qui est retenue. En effet, selon l’article 1121, le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Autrement dit, tant que l’offrant n’a pas encore connaissance de l’acceptation, le contrat n’est pas formé. Il s’ensuit que l’offrant peut rétracter son offre avant d’avoir eu connaissance de l’acceptation, tandis que l’acceptant peut rétracter son acceptation tant que celle-ci n’est pas parvenue à la connaissance de l’offrant (article 1118, alinéa 2). 2 En somme, désormais, le contrat est formé lorsque l’acceptation est parvenue à l’offrant. Droit de rétractation – En dehors de l’hypothèse des contrats entre absents, la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de rétractation avant l’expiration duquel celui qui en bénéficie peut rétracter son consentement (article 1122 du Code civil). En législation, ce droit de rétractation est apparu afin de protéger le consommateur contre un accord donné à la hâte (v. par exemple l’article L. 221-18 du Code de la consommation qui fixe à 14 jours le délai pendant lequel le consommateur peut se rétracter en cas de contrat conclu à distance à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement). Bien souvent, ce droit de rétractation s’accompagne de mesures destinées à en assurer l’effectivité (information sur l’existence de ce droit, obligation de joindre un bordereau de rétractation, interdiction d’un commencement d’exécution avant l’expiration du délai). En dehors de ces cas légaux, les contractants peuvent toujours se réserver eux-mêmes, ou à l’un d’entre eux, les mêmes facultés de rétractation. Très fréquente est par exemple la clause de dédit. Cette clause permet à une partie de se délier de son engagement moyennant une certaine somme d’argent, appelé « dédit », et ce pendant un certain délai (le dédit ne sanctionne pas une inexécution contractuelle, puisqu’il est prévu que les parties peuvent se rétracter). Cette faculté de dédit est connue depuis longtemps par la pratique des arrhes1. Le terme arrhes désigne une somme d’argent qui permet aux parties à un contrat de revenir sur leur engagement. Si celui a versé les arrhes se rétracte, la somme reste acquise à l’autre partie. Si c’est celui qui a reçu les arrhes qui se rétracte, il devra restituer à l’autre partie le double de la somme. Si aucune rétractation n’a lieu, les arrhes s’imputeront sur le prix. Depuis une loi de 1992, tout versement anticipé par un consommateur est présumé constituer des arrhes (article L. 214-1 du Code de la consommation). Chapitre 2 – La négociation du contrat La négociation du contrat est la période préalable à la conclusion de celui-ci pendant laquelle les parties discutent du contenu de leur accord. La négociation n’est ni une condition d’existence, ni une condition de validité du contrat. Un contrat peut parfaitement se former instantanément, sans qu’il y ait eu de discussions préalables. Mais pour les contrats importants, la formation n’est pas instantanée. Elle résulte d’un processus où l’accord des parties se fait progressivement. Parfois, ce processus passe par la conclusion d’un contrat intermédiaire par lequel elles formalisent leur accord partiel. Ces contrats intermédiaires sont communément désignés sous l’expression « avant-contrat ». 1 A. Triclin, « La renaissance des arrhes », JCP G 1994, I, n° 3732. 3 Dès lors, une distinction sera opérée entre les négociations contractuelles (§1) et les avant- contrats (§2). §1 – Les négociations précontractuelles Avant la réforme de 2016-18, le régime des négociations contractuelles (on parlait également de « pourparlers ») était défini par la jurisprudence. Le Code civil prévoit désormais expressément quelques règles gouvernant cette période2. Il confirme pour l’essentiel les règles jurisprudentielles. Un double principe est posé : D’une part, chacun est libre de rompre les négociations. C’est là une manifestation de la liberté de contracter ou de ne pas contracter. Par principe, donc, la rupture des négociations n’est pas en soi, fautive. Mais, d’autre part, il faut que la négociation soit menée de bonne foi. Dès lors, une partie engage sa responsabilité en cas de rupture abusive sans raison légitime. Tel est le cas lorsque la rupture est intervenue sans motifs légitimes, même en l’absence de toute volonté de nuire. Il en va de même si les négociations ont été menés de mauvaise foi ou avec une légèreté coupable. Par exemple, lorsqu’une personne fait traîner les négociations en longueur alors qu’elle n’a pas l’intention de contracter. Dans la mesure où le contrat n’est pas encore conclu, la rupture fautive des négociations engage la responsabilité civile extracontractuelle de son auteur (et non la formation forcée du contrat). En pratique, la faute sera souvent difficile à prouver. En effet, les négociations font en général l’objet de discussions verbales et non écrites. Si la faute peut être prouvée, la sanction prendra la forme de dommages et intérêts. À ce titre, pourront être indemnisés les frais inutiles occasionnés par la négociation, les études préalables effectuées. L’étendue du préjudice réparable est cependant limitée. Avant la réforme de 2016-18, il avait été jugé que, « la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat » ne pouvait donner lieu à réparation3. Cette solution est reprise par l’article 1112 du Code civil qui dispose que la réparation du préjudice « ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni de la perte de chance d’obtenir ces avantages »4. 2 Article 1112, alinéa 1er, du Code civil : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». 3 Cass. com., 26 novembre 2003 : D. 2004, p. 869 et note A.-S. Dupré-Dallemagne ; RTD civ. 2004, 80, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP G 2004, I, 163, §18 et s., obs. G. Viney. – Cass. 3e civ., 7 janvier 2009 : RTD civ. 2009, p. 113, obs. B. Fages ; RDC 2009, p. 480, obs. Y.-M. Laithier. – Adde J. Ghestin, « Les dommages réparables à la suite de la rupture abusive des pourparlers », JCP G 2007, I, 157. 4 Les termes « ni de la perte de chance d’obtenir ces avantages » ont été ajoutés par la loi de ratification du 20 avril 2018 (article 3). En vertu de l’article 16 de cette loi, cet ajout présente un caractère interprétatif et, partant, s’applique à tous les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 (v. supra n° 17). 4 Précisons qu’il n’est pas contraire à la bonne foi de mener des négociations avec plusieurs partenaires potentiels5. Il s’ensuit qu’il n’y a pas faute pour l’un de ces partenaires de conclure les négociations par un contrat (autrement dit, plusieurs négociations peuvent être menées de front). Il en va autrement si celui qui a conclu le contrat avait l’intention de nuire à son concurrent (par exemple, vouloir empêcher ce concurrent de conclure le contrat alors qu’il n’était pas lui-même intéressé) ou a utilisé des manœuvres frauduleuses (par exemple, fournir uploads/S4/ cours-droit-des-contrats.pdf

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  • Publié le Fev 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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