Jurisprudence n° 98-0886/R8485 Date de décision: 24/05/2000 Date de recours: 11
Jurisprudence n° 98-0886/R8485 Date de décision: 24/05/2000 Date de recours: 11/08/1998 Origine: RWANDAISE Membre: Avocats: P . CLAEYS 2ème CHAMBRE FRANCAISE Décision N° 98-0886/R8485/jfn NOM, PRENOM: X LE: 22.12.1948 NATIONALITE: RWANDAISE DOMICILE ELU : c/o Me P. CLAEYS, rue Léon Cuissez, 33, 1050 BRUXELLES Vu la décision (CG/97/12655/RA15869) du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, prise le 28 juillet 1998; Vu la requête introduite auprès de la Commission par pli recommandé à la poste le 11 août 1998; Vu les convocations notifiées aux parties en date du 7 avril 2000 pour l'audience du 27 avril 2000 mise en continuation à l’audience du 24 mai 2000; Entendu la partie requérante en ses dires et moyens aux audiences publiques du 27 avril 2000 et du 24 mai 2000, assistée par Maître P. CLAEYS, avocat; Considérant que le requérant confirme à l'audience ses dépositions antérieures, telles qu’elles sont résumées dans la décision attaquée ; qu'en substance, il expose craindre d'être persécuté en raison de son lien de parenté avec le défunt président Habyarimana, dont il était le cousin germain, et des responsabilités qu’il a exercées sous le régime dudit président ; Qu'il a occupé le poste de préfet de Ruhengeri de 1989 à fin 1992 et ensuite celui de directeur de cabinet du ministre des Transports et des Communications jusqu’en avril 1994 ; qu’il était membre du comité préfectoral de Gisenyi et du comité national du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), parti du président Habyarimana ; Que son domicile a été attaqué durant la nuit du 22 au 23 janvier 1991 lors d’un raid du Front patriotique rwandais (FPR) sur Ruhengeri ; que son fils et une fille adoptive ont été blessés ; qu’ils sont restés cachés dans leur maison jusqu’au 25 janvier dans la soirée, avant de pouvoir gagner un centre hospitalier et d’être évacués vers Kigali, où il dit être resté jusqu’au 4 février ; Qu’il a quitté son pays en mars 1994, pour effectuer en Europe un voyage d’affaires et rendre visite à son fils en Belgique et à son cousin, premier secrétaire de l’ambassade du Rwanda à Bonn ; qu’il est parti pour le Burundi en mai 1994, dans le but de regagner le Rwanda pour y retrouver sa famille ; qu’il dit ne pas être retourné au Rwanda, en raison de l’insécurité qui y régnait, et être resté à Bujumbura jusqu’au début juillet 1994 ; qu’il s’est ensuite rendu à Goma, puis au Kenya ; qu’il dit avoir regagné le Rwanda en décembre 1996 après un nouveau séjour à Goma ; qu’il a fui le Rwanda en avril 1997, ayant appris qu’il figurait sur une liste de personnes recherchées par les nouvelles autorités ; Qu’il produit à l’audience le témoignage du neveu de l’épouse du colonel Sagatwa, qui expose que sa tante était soignée en Belgique début 1991 et qu’elle n’a certainement plus regagné le Rwanda après le 20 janvier 1991 ; qu’elle n’a par conséquent pas pu participer à une quelconque réunion avec le requérant à cette époque, contrairement à ce que semble indiquer le rapport de la « Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’Homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 » (FIDH, Africa Watch, UIDH, CIDPDD , Rapport final, mars 1993, page 38) ; Qu’il produit également le témoignage de Monsieur Christian De Beule, ancien coopérant belge au Rwanda, qui expose qu’à son sens l’attaque du FPR contre Ruhengeri n’a pu être menée qu’avec la complicité de civils se trouvant sur place et s’étant dissimulés parmi la population et que les soldats du FPR n’ayant pas d’uniformes, les corps retrouvés dans des charniers dans les environs de Ruhengeri par la Commission internationale précitée pouvaient très bien être ceux de combattants, les combats s’étant prolongés durant plusieurs jours, voire, selon certains, une quinzaine de jours ; Qu’il produit également le témoignage de Monsieur Côme Bizimungu, ancien préfet de Gisenyi, qui expose avoir eu un contact téléphonique avec le requérant le 23 janvier 1991 vers huit heures du matin, au moment où les assaillants du FPR arrivaient au domicile de ce dernier ; que ce témoin expose également que les combats n’ont pas duré plus de deux ou trois jours ; Qu’il produit également le témoignage de Monsieur Joseph Nzabonimpa, responsable de l’immigration et des renseignements préfectoraux successivement à Kigali, Gisenyi et Gitarama ; qu’il déclare que la ville de Ruhengeri serait restée sous le contrôle du FPR quelques semaines en janvier – février 1991 ; Qu’il produit enfin le témoignage de son cousin germain, Monsieur Rulibikiye Claude, qui exerçait les fonctions de premier secrétaire de l’ambassade du Rwanda à Bonn en 1994 ; que le témoin expose dans quelles circonstances il a recueilli deux enfants du requérant en juillet 1994 ; qu’invité par la Commission à expliquer la nature de ses contacts avec le Rwanda entre avril et juillet 1994, il affirme qu’il n’avait plus aucun contact direct avec son pays après la mi-avril 1994 ; qu’il concède avoir reçu certains communiqués de personnalités se trouvant temporairement hors du pays, mais ignore de qui ils émanaient ; qu’il soutient n’avoir eu aucun contact avec le requérant après le départ de celui-ci pour le Burundi ; Considérant que la Commission a également entendu à la demande de la partie requérante le témoignage du professeur Filip Reyntjens ; que le témoin expose que le requérant faisait partie de l’entourage présidentiel, appelé l’AKAZU ; qu’il déclare avoir été le premier à dénoncer publiquement le massacre des Bagogwe survenu après l’attaque du FPR sur Ruhengeri ; qu’il se trouvait à ce moment à Kigali et a reçu ses informations d’un témoin de cette ethnie ; qu’il n’a par la suite plus mené d’investigations sur ces faits mais estime que le rapport de la Commission internationale précitée est à cet égard très sérieux et fiable ; qu’il se déclare convaincu que de tels événements ne peuvent être le fait d’une initiative isolée, ni s’être déroulés sans que les autorités ne soient au moins au courant, vu la culture administrative et le mode de fonctionnement très performant de l’administration rwandaise, basé sur une structure pyramidale ; qu’il ajoute que les massacres se sont produits par vagues successives, fin janvier 1991, février 1991, puis fin 1992 et début 1993 ; que selon lui l’attaque sur Ruhengeri en janvier 1991 a duré moins de vingt-quatre heures ; qu’invité par la partie requérante à se prononcer sur la fiabilité de l’une des sources citées par le rapport de la Commission d’enquête internationale susvisé, à savoir Monsieur Janvier Afrika, il dit l’avoir personnellement rencontré en 1992 à Kigali, alors que ce dernier était emprisonné pour avoir publié un article dénonçant les exactions du régime Habyarimana ; que s’il ne peut évidemment pas exclure la possibilité que cette personne ait pu être manipulée par l’opposition, il a cependant constaté que les informations qu’il avait recueillies de sa part, notamment sur les événements survenus au Bugesera en mars 1992, se sont révélées fiables, le témoin ayant pu les recouper auprès d’autres sources ; qu’il précise ne pas avoir recueilli auprès de ce Monsieur Afrika d’informations concernant directement le requérant ; que le témoin confirme la teneur de certaines informations figurant dans le dossier d’instruction de la Commission qui font état de l’aide apportée par le ministère des Transports et des Communications et l’Office national des transports en commun (ONATRACOM) rwandais pour le transport de miliciens Interahamwe, notamment en vue de recevoir une formation militaire, dans les mois qui ont précédé le génocide ; que selon lui, la décision de mettre des véhicules à la disposition des Interahamwe en vue de permettre leur déplacement vers des lieux de formation militaire était clairement une décision de nature politique qui ne pouvait avoir été prise sans intervention du ministre des Transports et des Communications ou de son cabinet ; qu’en effet, cela allait directement à l’encontre de la légalité et du processus de paix découlant des Accords d’Arusha ; Considérant que la décision attaquée estime qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le requérant s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité et d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies au sens de l’article 1er, section F, a) et c) de la Convention de Genève, avec pour conséquence qu’il doit être exclu du bénéfice de ladite Convention ; qu’en effet, elle considère que le requérant est impliqué dans la mise en œuvre ou l’organisation de crimes contre l’humanité dans les années 1990 à 1994 et dans la préparation du génocide commis entre avril et juillet 1994 au Rwanda ; Qu’elle se fonde, d’une part, sur des informations contenues dans le rapport final de la « Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’Homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 » (op. cit.), particulièrement les pages 27 à 42, relatives aux investigations menées par ladite Commission sur le massacre des Bagogwe dans les préfectures de Gisenyi et Ruhengeri en représailles à l’attaque contre la ville de Ruhengeri uploads/S4/ decision-protais-zigiranyirazo-commission-permanente-de-recours-des-refugies-belgique.pdf
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- Publié le Mai 26, 2022
- Catégorie Law / Droit
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