CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR

CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS PREMIÈRE SECTION AFFAIRE LEEMPOEL & S.A. ED. CINE REVUE c. BELGIQUE (Requête no 64772/01) ARRÊT STRASBOURG 9 novembre 2006 DÉFINITIF 09/02/2007 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT LEEMPOEL & S.A. ED. CINE REVUE c. BELGIQUE 1 En l’affaire Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue c. Belgique, La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de : MM. C.L. ROZAKIS, président, L. LOUCAIDES, Mme E. STEINER, MM. K. HAJIYEV, D. SPIELMANN, S.E. JEBENS, juges, J.-C. GEUS, juge ad hoc, et de M. S. NIELSEN, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2006, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 64772/01) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Marcel Leempoel, et une société relevant du droit de cet Etat, S.A. Editions Ciné Revue (« les requérants »), ont saisi la Cour le 21 décembre 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Les requérants sont représentés par Mes Marianne Leempoel et Antoine De le Court, avocats à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Claude Debrulle, Directeur général de la Direction de la Législation et des Libertés et Droits fondamentaux du Service Public Fédéral (SPF) Justice. 3. Les requérants alléguaient que la mesure de retrait de la vente de l’hebdomadaire Ciné Télé Revue du 30 janvier 1997 à laquelle ils ont été condamnés viole les articles 10 et 53 de la Convention. 4. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement. A la suite du déport de Mme F. Tulkens, juge élue au titre de la Belgique (article 28), le Gouvernement a désigné M. J.-C. Geus pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement). 5. Une audience dédiée à la fois aux questions de recevabilité et à celles de fond s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 2 mars 2006 (article 54 § 3 du règlement). 2 ARRÊT LEEMPOEL & S.A. ED. CINE REVUE c. BELGIQUE Ont comparu : – pour le Gouvernement M. C. DEBRULLE, agent, Me A. SCHAUS, conseil, M. A. HOEFMANS, conseiller ; – pour les requérants Mes M. LEEMPOEL et A. DE LE COURT, avocats au barreau de Bruxelles, conseils. La Cour a entendu en leurs déclarations Mes Schaus, Leempoel et De le Court, ainsi qu’en leurs réponses aux questions des juges. 6. Par une décision du 2 mars 2006, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable. 7. Les requérants ont déposé des observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement), mais non le Gouvernement (article 59 § 1 du règlement). EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 8. Le premier requérant, M. Marcel Leempoel, est un ressortissant belge né en 1924 et résidant à Bruxelles. La deuxième requérante, la S.A. Editions Ciné Revue est une société anonyme de droit belge qui a son siège à Bruxelles. A. Les auditions de la juge D. devant la Commission d’enquête parlementaire et la remise de son dossier de préparation 9. En octobre 1996, la Chambre des Représentants institua en son sein une commission d’enquête parlementaire « sur la manière dont l’enquête dans ses volets policiers et judiciaires a été menée dans l’affaire Dutroux-Nihoul et consorts » (ci-après la Commission d’enquête), une affaire qui trouva son épilogue judiciaire par un arrêt de la cour d’assises d’Arlon du 22 juin 2004 et un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2004. Ses travaux furent diffusés en direct à la télévision et suivis par de très nombreux spectateurs (700 000 selon les requérants). ARRÊT LEEMPOEL & S.A. ED. CINE REVUE c. BELGIQUE 3 10. Cette Commission d’enquête procéda à un grand nombre d’auditions, dont celle de la juge d’instruction D., qui avait été en charge de l’instruction concernant la disparition de deux des fillettes enlevées. 11. La juge D. fut entendue une première fois par la Commission d’enquête le 17 décembre 1996. Elle fut avertie, comme tous les autres témoins entendus, qu’elle ne pouvait être tenue à témoigner contre elle-même en vertu de l’article 8 nouveau de la loi du 3 mai 1880 et que tout faux témoignage devant la Commission était passible d’une peine de deux mois à trois ans de prison et d’une interdiction des droits électoraux allant de cinq à dix ans. Cette audition publique fut entièrement retransmise par la télévision. Sur le fondement des procès-verbaux de la Commission d’enquête et d’annotations figurant dans un livre publié par un des membres de la Commission d’enquête, les requérants affirment, dans leurs observations du 29 avril 2005, que la juge fut invitée à remettre les notes qu’elle avait amenées à cette occasion. Le Gouvernement précise que les notes dont il est question dans ces procès-verbaux ne sont pas des notes établies en vue de la comparution devant la Commission d’enquête, mais des notes que la juge avait rédigées dans le cadre de l’instruction sur la disparition des deux fillettes. 12. La juge D. fut convoquée à nouveau le lendemain, pour être cette fois confrontée à un adjudant de gendarmerie, à la suite des déclarations faites par ce dernier. Ces auditions du 18 décembre 1996 se firent toujours au cours d’une audience publique retransmise par la télévision. A l’issue de cette confrontation, la juge D. fut invitée par le président de la Commission d’enquête à lui remettre le dossier de préparation qu’elle avait emmené avec elle. Il s’agissait d’un ensemble de documents divers qu’elle ne s’attendait manifestement pas à devoir remettre aux commissaires : en plus de notes personnelles concernant sa défense, le dossier remis comportait également des recommandations de tierces personnes la conseillant quant à la manière de communiquer et de se présenter devant la Commission. Le dossier ainsi remis fut rendu accessible aux membres de la Commission d’enquête, qui devaient toutefois le consulter sur place sans pouvoir en prendre de copie. 13. En date du 14 janvier 1997, la juge D. fut entendue une nouvelle fois par la Commission d’enquête. A l’occasion de cette nouvelle audition – également publique et retransmise à la télévision – elle fut interpellée par quelques commissaires sur certains extraits de ses notes de préparation remises le 18 décembre 1996. 14. Les auditions dont il a été question furent amplement répercutées et commentées dans la presse quotidienne et hebdomadaire, parfois de manière extrêmement critique à l’égard de la juge, y compris sur la question de sa préparation. 4 ARRÊT LEEMPOEL & S.A. ED. CINE REVUE c. BELGIQUE B. La publication de l’article litigieux et la condamnation à retirer de la vente les exemplaires de l’hebdomadaire incriminé 15. Dans son numéro du 30 janvier 1997, l’hebdomadaire Ciné Télé Revue, dont le premier requérant est l’éditeur responsable et la seconde la société d’édition, fit paraître un article signé par un journaliste indépendant, C.M., qui reproduisait in extenso de larges extraits du dossier de préparation que la juge d’instruction D. avait remis à la Commission d’enquête parlementaire. Cet article était annoncé en couverture de la revue avec le titre « Exclusif – Une surprenante attitude : comment la juge D. a préparé sa défense – LES REVELATIONS DE SON DOSSIER » inscrit en surimpression d’une photographie de D. qui occupait environ les deux tiers de la page. 16. L’article, intitulé « la vérité sur le dossier D. », commençait par ces mots : « Les documents que nous publions aujourd’hui vont surprendre. Il s’agit en effet, ni plus ni moins, des notes amenées à la commission d’enquête parlementaire, en décembre dernier, par D. afin de l’aider dans sa déposition. Des notes dont on a beaucoup parlé, mais que personne n’avait eues en main à ce jour, mis à part les députés. Et encore : ils doivent les consulter sur place et n’ont pu en prendre copie. C’est donc, on l’aura compris, un vent très favorable qui les a amenés entre nos mains. Pourquoi les publier ? Qu’apportent-elles à la compréhension de la tragédie ? « Quant je passais un examen, je m’y préparais aussi ... » Cette petite phrase prononcée par la juge d’instruction D. devant la commission d’enquête parlementaire en a frappé plus d’un. Personne, en effet, ne niera le droit des témoins convoqués devant les députés à « se préparer », que ce soit pour aider la vérité à se manifester ou, même, pour tenter de minimiser uploads/S4/ affaire-leempoel-and-s-a-ed-cine-revue-c-belgique.pdf

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  • Publié le Jan 05, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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