L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cour commune de j

L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA 121 L’IMMUNITE D’EXECUTION A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE DE L’OHADA Par Bira Lo NIANG, Docteur en droit privé, Enseignant chercheur à la FSJP – UCAD Introduction L’obligation, en tant que lien de droit, confère au créancier la prérogative d’exiger quelque chose du débiteur1. Elle peut, alors, s’entendre d’un lien qui fait subir aux individus une certaine contrainte2. Nul ne pouvant se faire justice soi-même, ce pouvoir de contrainte ne s’exerce pas seul à seul. Il est organisé par la loi qui attribue à l’obligation une force contraignante3 se manifestant, essentiellement4, à travers une série de pouvoirs5 reconnus au créancier sur 1 L’article 2 du Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (COCC) dispose : « L’obligation lie un débiteur à son créancier en donnant à celui-ci le droit d’exiger une prestation ou une abstention. » 2 J-L. GAZZANICA, introduction historique au droit des obligations, Paris, PUF, 1ère éd. 1992, n°6, p.17. Voir également A.-S. DUPRE-DALLEMAGNE, La force contraignante du rapport d’obligation, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, p.19. « L’obligation juridique se caractérise par un aspect dualiste : un rapport d’obligation assorti d’un pouvoir de contrainte. Le Doyen Carbonnier use des termes « rapport d’obligation » et « pouvoir de contrainte » qui semblent convenir parfaitement à la notion d’obligation conçue comme un lien entre deux personnes tenues l’une comme l’autre d’exécuter leurs engagements sous peine d’y être contraintes en justice alors que l’exercice du pouvoir de contrainte fait basculer l’obligation dans une phase d’exécution forcée ». 3 L’Etat doit, le cas échéant, prêter mains fortes au créancier. Voir article 29 AUPSRVE de l’OHADA qui dispose : « L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres exécutoires. La formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique. La carence ou le refus de l’Etat de prêter son concours engage sa responsabilité. » Voir également Y. BODIAN, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, thèse UCAD 2012, p. 192 et s. 4 Aujourd’hui, la contrainte s’exerce plus sur les biens du débiteur que sur sa personne. Voir J. CARBONNIER, Droit civil-Les obligations, Paris PUF, tome 4, n°365, p. 635. le patrimoine de son débiteur6. Ces pouvoirs sont à intensité variable. Mais l’exécution forcée7 en est le plus important puisqu’elle confère à la créance son utilité finale8. Elle s’accomplit par des saisies9. Cette manière de contraindre le débiteur est prévue par le législateur OHADA à l’article 28 de l’AUPSRVE. Ce texte donne, en effet, pouvoir à tout créancier quelle que soit la nature de sa créance, de contraindre, le cas échéant, son débiteur défaillant à exécuter, ses obligations, à son égard10. 5 Les mesures conservatoires : l’action oblique, l’action paulienne et les saisies conservatoires. Voir J. CORBONNIER, op.cit. n°366, p.639. 6 Ph. THIERRY, « Saisissabilité et limites », in Acte du Colloque du 9 juillet 2001 sur le "10e anniversaire de la loi du 9 juillet 1991 sur la réforme des procédures civiles d’exécution", Paris, Editions Juridiques et Techniques, 2002, pp. 61-69. 7 Le terme « exécution » vient du latin « exsecutio » qui est le substantif du verbe « exsequi » lequel signifie « suivre jusqu’au bout ». 8 Sur la satisfaction du créancier, voir J. CORBONNIER, op.cit. n°365, p.635 et s. 9 Sur les saisies conservatoires, voir les articles 54 à 87 de l’AUPSRVE et sur la saisies-vente, voir les articles 91 à 128 du même AU. 10 De même, il consacre, en substance, un principe fondamental de droit civil. En effet, le droit à l’exécution reconnu au créancier est un élément d’appréciation d’un procès équitable. Voir l’arrêt de principe de la Cour européenne, 19 mars 1997, Hornsby contre Grèce, req. n°18357/91 ; RTD civ. 1997, p. 1009, obs. J.-P. MARGUENAUD ; La Cour insistait sur le caractère fondamental du droit à l’exécution en précisant que le droit d’accès à un tribunal « serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un État contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie. En effet, on ne comprendrait pas que l’article 6 paragraphe 1 décrive en détail les garanties de procédure – équité, publicité et célérité – accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires ; si cet article […] devait passer pour concerner exclusivement l’accès au juge et le déroulement de l’instance, cela risquerait de créer des situations L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA 122 En usant de voies de droit pour contraindre son débiteur à s’exécuter, le créancier peut tout de même être confronté à deux séries d’obstacles : les uns temporaires et les autres permanents. Les obstacles temporaires renvoient, notamment, au droit des procédures collectives. En cette matière, le débiteur, en proie à des difficultés économiques et justiciable de la procédure collective, bénéficie, le cas échéant, de la mesure de suspension des poursuites individuelles11. Les différents acteurs de la procédure collective sont, alors, soumis à une discipline collective pendant un temps déterminé. Cela se traduit naturellement par la suspension et l’interdiction des procédures civiles d’exécution12. Quant aux obstacles permanents, ils renvoient à des interdictions de poursuite du débiteur compte tenu de sa qualité. Ces interdictions profitent au débiteur bénéficiaire d’une immunité d’exécution c’est-à-dire d’un privilège personnel que la loi lui accorde en le mettant à l’abri de toute mesure d’exécution forcée ou conservatoire sur ses biens. Sous l’effet de la loi, ces biens sont donc soustraits au gage général des créanciers. Ainsi, ces derniers n’auront pas la possibilité d’user des voies d’exécution. Il s’agit, en l’occurrence, de mesures de restriction apportées à l’exercice de leur droit fondamental. C’est pourquoi, elles incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les États contractants se sont engagés à respecter en ratifiant la Convention […]. L’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l’article 6 ; la Cour l’a du reste déjà reconnu dans les affaires concernant la durée de la procédure » (G. PAYAN 1er Forum mondial sur l’exécution – 1 st Global Forum on Enforcement - Strasbourg – 10 décembre. 2014, p.2). 11 Voir article 75 alinéa 1er de l’AUPC : « La décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers composant la masse qui tend : doivent être strictement encadrées par le législateur. Tel est, a priori, l’objet de l’article 30 de l’AUPSRVE. Ce texte prévoit : « L’exécution et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution. Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelle qu’en soit la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de réciprocité. Les dettes des personnes et entreprises visées à l’alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d’une reconnaissance par elle de ces dettes ou d’un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’Etat où se situent lesdites personnes et entreprises. » Ces dispositions posent le principe général de l’interdiction des voies d’exécution et des mesures conservatoires contre les personnes bénéficiaires de l’immunité d’exécution. Précisément, l’alinéa 1er de ce texte consacre, à travers les immunités, une interdiction faite aux créanciers d’user du droit de recourir à des mesures d’exécution 1° à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; 2° à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. » 12 Voir article 75 alinéa 2 de l’AUPC « La décision d’ouverture arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la décision d’ouverture. ». R. PERROT. Ph. THIERY, Procédures civiles d’exécution, Paris, Dalloz, 2e éd., 2005, n° 194, p. 194 ; Ph. HOONAKKER, Procédures civiles d’exécution. Voies d’exécution – Procédures de distribution, Orléans, Editions Paradigme, 2010, n° 47, p. 23. L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA 123 forcée à l’encontre de leurs débiteurs13. Ainsi, les immunités, en tant qu’obstacle à l’exécution forcée, doivent être consacrées légalement, et à titre exceptionnel, afin d’éviter qu’elles ne menacent la sécurité juridique14. Or, une lecture des alinéas 1er et 2 de l’article 30 de l’AU susvisé ne permet guère une découverte de tous les contours de l’immunité d’exécution. L’intervention de l’interprète devient, dès lors, nécessaire. Dans l’espace OHADA, cette tâche est principalement assignée à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA)15. Et elle uploads/S4/ doctrine-sur-limmunite-dexecution 1 .pdf

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  • Publié le Sep 01, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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