UNIVERSITE HASSAN II AIN CHOK FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SO
UNIVERSITE HASSAN II AIN CHOK FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES DE CASABLANCA SEMINAIRE SUR LE THEME : La Justice Marocaine : Institution et fonction Axe II : Justice et mondialisation 30 et 31 mai 2003 Note de synthèse sur l’exposé préparé et présenté par Amin HAJJI Professeur à la Faculté de droit de Casablanca Sur le sujet : « LE JUGE MAROCAIN ET L’APPLICATION DES REGLES COMMERCIALES INTERNATIONALES ». Les opérations commerciales internationales sont régies par un ensemble de règles nationales et internationales qui incorporent en particulier une Lex mercatoria vivace mais quelques fois controversée1. De ce fait et à l’occasion de la naissance de litiges relatifs à la formation ou à l’exécution de contrats liés à ces mêmes opérations internationales et mettant en jeu les intérêts d’une partie contractante marocaine, le juge marocain saisi pour trancher le différend pourrait être amené à examiner en particulier les dispositions conventionnelles en référence à leurs sources juridiques telles qu’elles peuvent être revendiquées par la partie demanderesse. Lesdites sources juridiques peuvent être des règles internationales inscrites dans des conventions internationales auxquelles le Maroc a adhéré à des règles issues d’organisations non gouvernementales adoptées contractuellement par les parties opérant dans les transactions commerciales internationales concernées. L’objet de la présente étude est d’examiner le rôle du juge judiciaire marocain dans l’application des règles du commerce international avec deux interrogation sur d’une part la portée du principe de la primauté du droit international sur le droit interne et d’autre part sur la place reconnue aux usages commerciaux internationaux par rapport aux lois nationales. I : Principe de la primauté du droit commercial international sur le droit interne. Cette question, largement débattue par les internationalistes à travers la controverse des théories moniste et dualiste relatives aux rapports entre les ordres juridiques international et interne2 et par laquelle le Maroc avait implicitement penché vers la seconde version en raison d’une absence de définition constitutionnelle claire sur la hiérarchie dans les sources du droit du traité international par rapport à la loi nationale3, semble être battue en brèche suite à une récente et remarquable évolution jurisprudentielle par laquelle le juge marocain fait un recours direct à la norme internationale comme outil d’interprétation ou d’application de la loi interne4. Dorénavant, le juge marocain est appelé à essayer de trouver dans l’arsenal juridique national et international les concepts et les instruments qui lui permettraient de trancher un litige. Il serait trop tôt d’affirmer aujourd’hui que l’on s’oriente vers une application directe ou self executing des dispositions des conventions commerciales internationales car il est à noter malgré tout l’actuel maigre inventaire de la jurisprudence marocaine à propos de la prééminence ou du moins de la 1 coexistence entre la loi interne et les conventions internationales. De ce fait, un plaideur devrait veiller à se référer dans sa requête à toute convention internationale en vigueur afin de conforter ses prétentions devant le juge. Il est par ailleurs un cas spécifique par lequel une loi nationale entre en conflit avec une convention internationale dès lors qu’elle ait été adoptée postérieurement à l’entrée en vigueur de cette même convention. Cela conduit à se poser la question de savoir si le législateur a souhaité volontairement faire prévaloir la loi interne sur la convention internationale en application du principe général du droit que la loi postérieure l’emporte sur l’ancienne. A titre d’exemple, la nouvelle loi 46-02 du 24 mars 2003 relative au régime des tabacs bruts et des tabacs manufacturés dispose en particulier en son article 42 alinéa 3 que « le monopole de l’Etat relatif à l’importation et la distribution en gros des tabacs manufacturés sera supprimé à compter du 1er janvier 2008 », alors que les dispositions de l’accord d’association conclu entre le Maroc et l’Union Européenne et devant aboutir à la création d’une zone de libre échange à l’horizon 2012 spécifient en leur article 37 que « Les Etats membres et le Maroc ajustent progressivement, sans préjudice des engagements pris au GATT, tous les monopoles d'Etat à caractère commercial de manière à garantir que, pour la fin de la cinquième année suivant l'entrée en vigueur du présent accord, il n'existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres et ceux du Maroc.. ». Ledit article 37 de l’accord d’association précise le délai de cinq années à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord qui était effectivement le 10 mars 20005. La période entre le 11 mars 2005 et le 31 décembre 2007 serait par conséquent entachée d’une disposition légale interne contraire aux engagements internationaux du Royaume. Le risque encouru est la mise en jeu de l’article 86 de l’accord6 par la voie diplomatique lorsqu’un ressortissant d’un des pays de l’Union Européenne opérateur dans le domaine des tabacs viendrait à constater son éviction du marché marocain au bénéfice d’une société anonyme des tabacs dont 80% du capital social est détenu par un opérateur étranger adjudicataire de l’offre publique internationale pour la privatisation de la régie des tabacs. Dans le même sens, une action devant les tribunaux commerciaux marocains pour le même objet que précédemment cité pourrait valablement être introduite par le même opérateur étranger en raison de sa présence commerciale dans la marché des tabacs marocains antérieure à la date d’attribution de l’appel d’offre pour la privatisation de la régie des tabacs. Afin d’éviter un déni de justice, le juge devant statuer serait confronté à un vrai dilemme entre la tendance jurisprudentielle récente de la prévalence de la norme internationale et l’omnipotence d’une loi interne postérieure au traité international. En revanche, le juge marocain n’aurait aucune difficulté à trancher un litige relatif à la responsabilité du transporteur aérien sur la base de l’application de l’article 214 du décret du 10 juillet 1962 portant réglementation de l’aéronautique civile qui dispose clairement que « la responsabilité des entreprises de transport public par aéronef, marocaines ou étrangères, ainsi que la responsabilité de tout exploitant d’aéronef, lorsqu’il s’agit de vol international, sont régies par les conventions internationales en vigueur au Maroc ». La référence au transport aérien international entre dans le champs d’application de l’ensemble du système de Varsovie portant unification de certaines règles relatives au transport aérien international.7 Dans ce sens et pour confirmer la prééminence absolue du traité sur la loi nationale, l’article 32 de la convention de Varsovie de 1929 dispose que « sont nulles toutes clauses du contrat de transport et toutes conventions particulières antérieures au dommage par lesquelles les parties dérogeraient aux règles de la présente Convention soit par une détermination de la loi applicable, soit par une modification des règles de compétence ». 2 De cette manière, les nombreuses conventions internationales ayant pour objet l’unification de certaines règles relatives à des activités commerciales à vocation internationale comme le transport maritime peuvent contenir des règles de conflit de loi qui facilitent le travail du juge8 ou de simples règles matérielles comme la Convention de Viennes de 1980 sur la vente internationale de marchandises qui si elles devaient être appliquées, amèneraient bien souvent le juge judiciaire à rechercher les réponses en droit interne lorsque les règles de droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant à ladite Convention. Enfin, il est significatif de noter que dans le cadre des conventions de l’Organisation Mondiale du Commerce et plus particulièrement les Accords relatifs aux Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce : « ADPIC », l’article 42 dispose que « les Membres donneront aux détenteurs de droits accès aux procédures judiciaires civiles destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle couverts par le présent accord.. » C’est bien entendu par l’inclusion de la clause de la nation la plus favorisée et de la clause du traitement national dans le domaine de la propriété intellectuelle que les accords ADPIC dotent notamment les titulaires de propriété intellectuelle de moyens juridiques leur permettant de demander directement au juge national le respect de ces droits provenant de ces accords. Il s’agirait là certainement d’une expression éclatante de la naissance de ce phénomène dénommé la « mondialisation du droit ».9 II - La place des usages commerciaux internationaux par rapport aux lois nationales Une doctrine constante d’internationalistes réputés définit les règles coutumières issues du commerce international comme la composante de la controversée Lex mercatoria. Celles-ci ont été codifiées par des organisations intergouvernementales comme la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International : « CNUDCI » ou par des organisations non gouvernementales telle la Chambre de Commerce Internationale « CCI ». Cette codification a pareillement été construite par les sentences rendues en matière en matière de commerce international10. Les tribunaux marocains ont eu par le passé récent d’être saisis de litiges commerciaux internationaux mettant en jeu certaines règles internationales privées de la CCI tels les incoterms11 ou les Règles et Usances Uniformes relatives aux Crédits documentaires : RUUCD12. Cette contribution jurisprudentielle marocaine à mettre en parallèle avec le prolifique foisonnement de son homologue étrangère tant judiciaire qu’arbitrale uploads/S4/ droit-du-commerce-international 7 .pdf
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- Publié le Jan 05, 2022
- Catégorie Law / Droit
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