DROIT INSTITUTION- NEL DE L’UNION EURO- PÉENNE L’expression « droit européen »
DROIT INSTITUTION- NEL DE L’UNION EURO- PÉENNE L’expression « droit européen » est une expression polysémique car elle recouvre deux réalités juridiques qui sont bien distinctes : d’un côté comme le droit européen des droits de l’Homme à savoir le droit produit dans le cadre de la CEDH, signée le 4 novembre 1950, accompagné par ses 16 protocoles additionnels. D’un autre côté, le droit européen peut s’entendre comme le droit de l’Union européenne, historiquement appelé droit communautaire. Il a historiquement pris nais- sance avec trois traités fondateurs : la CECA en 1951, et les deux traités de Rome, le premier insti- tuant la CEE et le second l’Euratom. Ces deux dimensions présentent d’importantes différences d’un point de vue normatif et juridictionnel. Le droit de la CEDH est un droit centré sur la protection des droits fondamentaux en ce qui pose un socle de normes communes pour la plupart des droits fondamentaux. C’est un droit qui re- pose sur un cadre normatif plutôt concis (peu d’articles) et une seule juridiction, la CEDH. À l’inverse, le droit de l’Union est un droit qui repose dès l’origine sur l’institution d’un ordre juridique propre, autonome dans ses sources mais intégré aux ordres juridiques nationaux. La spécificité du droit de l’Union est qu’il s’agit d’un droit construit vers une logique d’intégration entre les Etats qui diffère de la logique de coopération qui caractérise la plupart des organisations internationales. Titre introductif - L’Union européenne, organisation d’intégration Chapitre 1 - La formation de l’Europe communautaire Section 1 - La fondation des communautés européennes §1 Les mouvements d’idées Dès le XVIIIème siècle, le courant des Lumières a été marqué par un certain nombre d’écrits et de prises de position en faveur d’une association entre les Etats européens voire d’une fédé- ration. Au XVIIIème siècle, l’idée de fédération européenne est conçue d’un point de vue philoso- phique et non pas tant d’un point de vue juridique. Ainsi des écrits de Jean-Jacques Rousseau comme « Le jugement sur le projet de paix perpétuel » qui, reprenant des écrits, développe l’idée d’un projet d’une association des Etats européens à tra- vers un pacte protecteur de lois internationalement reconnues. Les citoyens de chaque Etat pourraient être associés à ce pacte. L’idée est d’essayer d’élargir certains modèles dit « confédéra- tifs » comme dans le Nord de l’Europe. Quelques années plus tard, des écrits d’Emmanuel Kant sont similaires comme « Essai sur la paix perpétuelle » pose pour la première fois l’idée d’une fédération. Selon lui, l’Europe pourrait constituer une fédération de peuples non pas dans un seul et même Etat mais dans un rapport unis- sant un seul peuple avec une multitude d’Etats liés entre eux par un engagement supérieur. Les écrits de Victor Hugo, notamment « Acte et Parole », énoncent l’expression Etats-Unis d’Eu- rope entendu comme une fédération continentale. L’idée était de dire que les frontières causent la guerre. Le terme Etats-unis d’Europe sera repris dans les années 20 par le ministre français des Affaires Etrangères, Aristide Briand, pour essayer de construire en Europe un ordre juridique paci- fié d’une part autour de la Société des Nations, d’autre part autour de pactes bilatéraux entre les Etats comme le pacte Briand/Kellog visant à mettre la guerre hors-la-loi. §2 Les mouvements européens Les mouvements européens se développent pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les mouve- ments résistants dans les principaux Etats vont se regrouper pour envisager une forme juridique européenne capable, à l’issue de la guerre, d’empêcher un retour du conflit. Altero Spinelli pro- meut avec d’autres mouvements de résistance, la Déclaration des résistances européennes en 1943. Cette déclaration donne lieu en 1946 à un appel à l’union des fédéralistes européens. Tous les hommes politiques importants (Adenauer, Spinelli, Spaak…) se retrouvent à un congrès majeur, le Congrès de la Haye en 1948. Ce Congrès débouche sur une déclaration importante qui pose les bases de ce que sera plus tard la CEE. En effet, le Congrès de la Haye appelle à la création d’une organisation unique caractérisée par l’élimination des restrictions de marchandises, par un principe de mobilité des travailleurs, de convertibilité des monnaies. Mais aussi la création d’une Cour unique et l’institution d’une assemblée européenne élue au suffrage universel. Le Conseil de l’Europe institué en 1949 est une organisation internationale qui est assez vite remis en cause dans son fonctionnement juridique. En effet, le Conseil de l’Europe reprend les ambi- tions du Congrès de la Haye mais conserve néanmoins un fonctionnement très classique en étant régis par la règle de l’unanimité entre les Etats et en n’ayant pas la compétence de prendre des normes contraignantes qui s’imposeraient aux Etats. §3 La déclaration Schuman La déclaration Schuman est souvent présentée comme l’acte fondateur du droit communautaire. La déclaration est prononcée le 9 mai 1950 et intervient dans un contexte particulier. Elle intervient dans un contexte politique dans le cadre duquel la France doit prendre position par rapport à l’épi- neuse question du réarmement de l’Allemagne. À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Alle- magne est divisée en quatre zones d’occupation. Les trois zones de l’Ouest, qui ont vocation à dis- paraître en 1949, devaient ensuite permettre le réarmement de l’Allemagne pour faire bloc aux so- viétiques. Le choix fait par Schuman est d’accepter l’idée d’un réarmement de l’Allemagne à condition que cette dernière et d’autres Etats rejoignent une organisation d’un genre nouveau qui auraient pour tâche de gérer en commun les ressources nécessaires à un conflit : le char- bon et l’acier. Cette organisation doit ouvrir dans le rempart des souverainetés nationales suffisam- ment limitée pour réunir les consentements mais suffisamment profonde pour entraîner les Etats dans une unité nécessaire à la paix. « L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera d’abord par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». La déclaration Schuman pose les bases de ce que sera la CECA et ces bases, d’un point de vue juridique, constituent une importante rupture dans la conception traditionnelles des organisa- tions internationales. Paul Reuter a été conseiller juridique du traité de la CECA. La première dimension de la déclaration Schuman est que l’organisation doit dépasser la simple coopération. Il propose alors la création d’une entité, une institution supranationale qui ne dé- pend pas des Etats et qui est constituée par la Haute Autorité (ancêtre de l’actuelle Commission eu- ropéenne). La Haute Autorité ne dépend pas politiquement devant les Etats. Le deuxième élément important de la déclaration Schuman est d’attribuer des pouvoirs norma- tifs autonomes à savoir d’adopter des actes normatifs qui s’imposent aux Etats dans le champ très spécifique des compétences qui est dévolu à la nouvelle organisation. Enfin, la déclaration Schuman s’inscrit dans une logique de fédéralisme fonctionnel. Cette fonction économique de mise en commun est exercée selon une logique fédérale. Cette déclaration sera rapidement acceptée par la RFA, l’Italie et les pays du Benelux. La Grande-Bretagne refuse d’intégrer la CECA. §4 De la CECA aux traités de Rome Le traité CECA est signé le 18 avril 1951 et entre en vigueur le 22 juillet 1952. Le traité CECA se caractérise juridiquement par une logique de supranationalité : à savoir qu’il serait à l’origine d’un droit nouveau, ni interne ni international. Le concept de droit supranational a été un temps en- visagé comme une forme de droit nouveau, intermédiaire, entre le droit interne et le droit internatio- nal public. Le droit produit par la CECA va rapidement faire l’objet d’une interprétation par la Cour de Justice. Les premiers arrêts que rend la Cour de Justice concerne le traité CECA et dès les premiers arrêts, elle développe des raisonnements et des modes d’interprétation que l’on retrouvera ul- térieurement dans le droit de l’Union. Un arrêt du 16 juillet 1956 de la Cour de Justice « Fédé- ration charbonnière de Belgique contre Haute Autorité » : dans cet arrêt, la CJCE développe déjà un raisonnement par lequel elle montre une prise de distance par rapport au droit international classique. La Cour a la formule suivante : « le traité (CECA) dont la Cour a pour mission d’assurer l’application, s’il a bien été conclu sur la forme des traités internationaux, n’en constitue pas moins, d’un point de vue matériel, la charte de la communauté et les règles de droit qui en dé- gagent constituent le droit interne de la communauté ». Outre son apport à ce que sera plus tard le droit communautaire, le traité CECA a été conçu comme le fondement ou l’origine d’un mouvement plus profond vers une fédéralisation de l’Europe. A l’époque, les négociateurs français étaient très impliqués dans la négociation et privilé- giait une approche bloc par bloc ou par « pool ». C’est selon cette logique que fut préparé et signé le traité dit CED. Ce traité était censé appliquer au domaine de la défense une logique comparable à celle du traité CECA. Le traité prévoyait une armée européenne commune, géré par un Etat ma- jor commun et piloté par une organisation supranationale. Le même traité CED comportait un uploads/S4/ droit-institutionnel-de-l-x27-union-europeenne-pdf.pdf
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- Publié le Dec 24, 2021
- Catégorie Law / Droit
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