LARCIER 17 L’existence des personnes physiques CHAPITRE 1 C H A P I T R E 1 L’e
LARCIER 17 L’existence des personnes physiques CHAPITRE 1 C H A P I T R E 1 L’existence des personnes physiques Plan. D’un point de vue juridique, une personne existe si elle a la person- nalité juridique. D’un point de vue pratique, une personne existe – et a la personnalité juridique – entre deux événements : sa naissance et sa mort (Section 1). Au cours de cette période, il existe parfois des situations incer- taines : l’absence et la disparition (Section 2). S E C T I O N I Le début et la fin de l’existence des personnes Plan. Si, à première vue, la naissance et la mort sont des faits instantanés et facilement identifiables, il existe des cas où des précisions doivent être apportées. § 1. La naissance Naître vivant et viable. Il ressort de la combinaison des articles 318 et 725, alinéa 1er, du Code civil que la naissance est la condition sine qua non de l’acquisition de la personnalité juridique. Tant qu’il n’est pas né, l’enfant n’a pas de personnalité juridique propre. Il est pars viscerum matris (un morceau des entrailles de sa mère). Néanmoins, le simple fait de naître ne suffit pas pour acquérir la person- nalité juridique. Il faut naître vivant et viable. Être vivant signifie que, à la naissance, l’enfant doit respirer complète- ment, les fonctions essentielles doivent être remplies. L ’enfant mort-né ou 9 10 11 PARTIE 1 Droit des personnes 18 Droit des Personnes et de la Famille décédé au cours de l’accouchement est considéré comme n’ayant jamais eu la personnalité juridique. Être viable consiste à avoir la capacité naturelle de vivre. L ’enfant qui naît vivant et qui décède quelques heures plus tard, car tous ses organes n’étaient pas « opérationnels », n’est pas considéré comme viable. Il n’a pas et n’a jamais eu la personnalité juridique. En revanche, un enfant qui naît vivant et meurt peu après, par accident par exemple, a définitivement ac- quis la personnalité juridique, même si cela n’a duré que quelques minutes. Maxime « infans conceptus » pour les enfants simplement conçus. Le principe selon lequel il faut naître vivant et viable pour acquérir la per- sonnalité juridique admet une exception. Selon la maxime infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur , l’enfant conçu doit être tenu pour né, toutes les fois qu’il peut en retirer un avantage. Cela signifie que s’il ne peut pas être tenu d’obligations, l’enfant simplement conçu peut être titulaire de droits. Il peut faire l’objet d’une reconnaissance, bé- néficier d’une donation, recueillir une succession… Cette extension de la personnalité juridique est toutefois subordonnée à la naissance ultérieure. Si l’enfant naît vivant et viable, les droits acquis lorsqu’il était simplement conçu sont consolidés. Dans le cas contraire, ces droits ne produisent aucun effet, comme s’ils n’avaient jamais existé. Des enfants simplement conçus ont ainsi pu être comptabilisés pour fixer le montant d’une assurance-vie souscrite par leur père, laquelle devait être majorée en fonction du nombre d’enfants à charge vivant au foyer13 ; ou obtenir réparation pour le préjudice d’affection qu’ils ont subi, in utero, du fait de l’accident ayant rendu leur père paraplégique14. Pour savoir à quel moment un enfant est conçu, le Code civil a recours à deux présomptions. D’abord, selon l’alinéa 1er de l’article 311, l’enfant est présumé avoir été conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre-ving- tième jour, inclusivement, avant la date de sa naissance. Cette période de cent vingt et un jours est appelée la période légale de conception. Ensuite, d’après le 2e alinéa de cet article, l’enfant est présumé avoir été conçu « à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est de- mandé dans [son] intérêt » (omni meliore momento : au meilleur moment). Pour appliquer la maxime « infans conceptus », il faut attendre que l’enfant naisse ; calculer, en remontant entre trois cents et cent quatre-vingt jours avant la naissance, la période légale de la conception ; puis vérifier si l’évé- nement dont l’enfant doit tirer avantage est survenu pendant cette période. Ces deux présomptions sont dites « simples ». Elles peuvent être com- battues par la preuve contraire (art. 311 al. 3 C. civ.), généralement une expertise biologique. 13 Cass. 1re civ., 10 décembre 1985, Bull. civ. I, n° 339. Désormais, l’article L. 132-8 alinéa 3 du Code des assurances admet qu’il est possible de conclure des contrats d’assurance-vie au profit d’enfants à naître. 14 TGI Niort, 17 septembre 2012, RG n° : 11/01855. 12 LARCIER 19 L’existence des personnes physiques CHAPITRE 1 Atteinte à un embryon ou un fœtus ou à un ovocyte Selon le Comité consultatif national d’éthique, l’em- bryon est une « personne humaine potentielle »15 qui ne peut en aucun cas être considérée comme un « déchet hospitalier »16. L’ embryon (jusqu’à en- viron deux mois de grossesse) et le fœtus (ensuite) sont-ils alors de « véritables » personnes ? Que se passe-t-il s’il leur est porté atteinte ? Homicide ou blessures sur un fœtus À la suite d’accidents subis par des femmes en- ceintes, provoquant la perte de l’enfant à naître, la question s’est posée de savoir si le fait de causer la mort d’un fœtus pouvait être qualifié d’homi- cide (volontaire ou involontaire). Pour répondre, il a fallu déterminer si le fœtus était considéré comme une chose ou comme un être humain, titulaire à ce titre de la personnalité juridique, puisqu’il ne peut pas y avoir d’homicide contre les choses mais seulement contre les personnes. Selon la maxime « infans conceptus », l’enfant peut être tenu pour né toutes les fois qu’il y va de son intérêt. Un enfant a-t-il alors intérêt à faire condamner celui qui l’a empêché de naître ? Depuis 2001, la Cour de cassation répond par la négative, au motif que le fœtus ne jouit pas de la personnalité juridique17. En revanche, si une mère, enceinte de huit mois lors de l’ac- cident, accouche et que le nouveau-né décède une heure après des suites des lésions subies lors de l’accident, il y a homicide involontaire car l’enfant est né vivant et viable et a acquis la personnalité juridique avant de mourir.18 Selon le même raisonnement, les dommages causés à un fœtus, né vivant mais handicapé, peuvent être sanctionnés sur le fondement des coups et blessures involontaires19. En 2004, la Cour européenne des droits de l’homme, interrogée sur la question de savoir si le fœtus était une personne, a « répondu » qu’il n’était pas possible de répondre à la question. Elle a déclaré que le point de départ du droit à la vie relevait de l’appréciation de chaque État et que c’était la potentialité de cet être et sa ca- pacité à devenir une personne qui devaient être protégées au nom de la dignité humaine, sans pour autant en faire une personne qui aurait un droit à la vie, au sens de l’article 2 de la Conven- tion européenne des droits de l’homme20. La question du statut juridique de l’embryon est en effet très délicate. On ne peut pas, d’un côté, estimer que l’embryon est une personne à part entière et le protéger et, d’un autre côté, auto- riser sa conception in vitro, sa congélation, son transfert… sa destruction, à la suite d’une in- terruption volontaire de grossesse ou lorsqu’un couple ne souhaite plus bénéficier d’une assis- tance médicale à la procréation. Destruction accidentelle d’ovocytes Dans une affaire où un couple demandait répa- ration pour la destruction, par erreur, d’ovocytes fécondés et congelés leur appartenant, le tribunal administratif d’Amiens a déclaré que les ovo- cytes surnuméraires n’étaient pas des personnes et que les époux ne pouvaient « se prévaloir de l’existence d’un préjudice moral résultant selon eux de la perte d’êtres chers »21. Cependant, les juges accordèrent à ces derniers 10 000 euros de dommages et intérêts pour réparer « les troubles divers dans les conditions d’existence qu’ils ont subis à l’occasion de cet incident ». E1 E1 E1 15 Avis n° 3 du 23 octobre 1984 sur les problèmes éthiques nés des techniques de reproduction artifi- cielle. 16 Avis n° 89 du 22 septembre 2005 à propos de la conservation des corps des fœtus et enfants mort- nés. 17 Cass. ass. plén., 29 juin 2001, Bull. civ., n° 8. Voir également : Cass. crim., 25 juin 2002, Bull. crim., n° 144 ; Cass. crim., 4 mai 2004, Bull. crim., n° 108. 18 Cass. crim., 2 décembre 2003, Bull. crim., n° 230. 19 Cass. crim., 2 octobre 2007, Bull. crim., n° 234. 20 CEDH, 8 juillet 2004, n° 53924/00, D. 2004, p. 2456. 21 TA Amiens, 9 mars 2004, D. 2004, p. 1051. 22 CAA Douai, 6 décembre 2005, D. 2006, p. 180. En appel, la Cour de Douai a totalement re- jeté la demande des époux. D’une part, comme le tribunal, elle a estimé que les embryons ne constituaient pas des êtres humains ou des pro- duits humains ayant le caractère de chose sa- crée. D’autre part, contrairement aux premiers juges, uploads/S4/ droperfam-bat-ch1-pdf.pdf
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- Publié le Mar 10, 2022
- Catégorie Law / Droit
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