Source : bulletin de l’ALES – n° spécial « Problématique du FLE » - actes de la
Source : bulletin de l’ALES – n° spécial « Problématique du FLE » - actes de la journée d’étude du 21 juin 2002 Chantal PARPETTE Université Lyon 2-Lumière Enseigner l’oral, enseigner l’écrit : pour une approche contrastive La didactique du français langue étrangère, tout comme les travaux en sciences du langage, traitent l’oral et l’écrit comme des champs séparés. Cette attitude est largement justifiée par les différences dans les conditions de production, d’émission et de réception des différents types de discours. C’est également une attitude saine dans la mesure où elle conduit à la reconnaissance de caractéristiques propres aux uns et aux autres. Il reste qu’en termes d’enseignement et apprentissage du français langue étrangère ou du français langue maternelle, la mise en évidence des propriétés respectives des discours oraux et écrits a tout à gagner à une démarche confrontant les uns avec les autres. Nous prendrons pour illustrer cela deux exemples très différents d’acquisition de compétence linguistique : l’orthographe, d’une part, les prestations orales, de l’autre. 1. De la prononciation à l’orthographe L’enseignement de la graphie en français semble s’opérer selon deux modes successifs très différents. La première approche est d’ordre phonographique : l’enfant est initié à l’écriture des mots par la reconnaissance de correspondances entre ce qui est prononcé et ce qui est écrit : les quatre lettres de papa représentent les quatre phonèmes qu’il entend. Les premiers mots qu’il apprend à lire et à écrire sont constitués seulement de phonogrammes. Plus tard, le cours d’orthographe opère un basculement : l’élève apprend que le pluriel des noms ou des adjectifs prend souvent un « s », que celui des verbes se marque par « nt », que le féminin est marqué par un « e » etc. La dimension idéographique passe au premier plan. A partir de là, le rapport entre oral et écrit disparaît quasiment des explications de l’enseignant. On passe d’une approche liant intrinsèquement prononciation et graphie à une approche isolant la graphie de son objet de référence. La mise à l’écart de la réalité de l’oral se mesure à travers les représentations qui circulent encore massivement dans les esprits des apprenants de tous niveaux par rapport aux marques morphologiques. La majorité des élèves ou étudiants à qui l’on demande quelles sont les marques du féminin et du pluriel en français répondent spontanément « e » et « s ». Il suffit de considérer les couples petit/petite ou grand/grands pour voir à quel point ces représentations sont enfermées dans la seule vision de l’écrit. Or les problèmes orthographiques en français trouvent leur origine pour l’essentiel dans l’écart entre prononciation et graphie : l’oubli des marques de féminin et de pluriel n’a pas d’autre origine que leur inexistence à l’oral qui se contente souvent d’une seule marque là où l’écrit les multiplie. Dans les grands centres urbains se développent très rapidement , une seule marque de pluriel apparait à l’oral contre cinq à l’écrit. Il en va de même pour tous les graphèmes « historiques », restaurés à des périodes diverses dans la graphie du français. Qu’il s’agisse des doubles consonnes ou du « h » dans le groupe « th » pour rappeler l’étymologie grecque, le problème qui se pose aux apprenants réside toujours dans le fait que ces graphèmes ne correspondent à aucune prononciation. C’est d’ailleurs cette absence d’existence orale qui a permis les aller-retour entre la tendance phonographique et la tendance idéographique (en l’occurrence étymologiste). Ainsi le dictionnaire de l’Académie Française de 1798 orthographie les termes antropophage, analise, anonime, ritme, etc en faisant disparaître les « h » et en remplaçant les « y » par « i ». L’édition de 1835 les restaure, avant un nouveau retour – partiel - à la graphie phonographique dans l’édition de 1878. La seconde source de difficulté réside dans la multiplicité des représentations graphiques d’un seul phonème. Que le phonème /s/ ait six ou sept représentations graphiques (s, ss, c, sc, etc) met à mal le principe de correspondance biunivoque (un seul signe graphique pour un phonème) et génère nombre d’erreurs liées à la diversité des possibilités graphiques. Face à ce constat, on peut faire l’hypothèse que le traitement des problèmes que pose l’orthographe aurait tout intérêt à s’appuyer sur une mise en relation entre prononciation et graphie. Si l’on admet que la fonction fondamentale de la graphie est de représenter la prononciation, l’oubli des graphèmes non prononcés s’explique assez aisément et ne justifie pas les réactions négatives qu’il provoque souvent. Une règle graphique énoncée sous la forme « au pluriel, les noms et les adjectifs prennent généralement un s » confine le phénomène au seul domaine graphique et ne tient pas compte du fait qu’il entre en contradiction avec le fonctionnement phonographique, en ajoutant à l’écriture une dimension idéographique propre au français et lié aux aléas de son histoire et aux décisions prises par ses institutions. La faute d’orthographe, avant d’être un problème de scripteur, est un problème du système graphique français. D’où l’intérêt de l’aborder par la relation entre prononciation et écriture. Pour que les apprenants - enfants francophones ou élèves non francophones étudiant le français - dominent mieux ce problème, il est important qu’il soit explicité, travaillé par des démarches de comparaison entre oral et écrit. Nous n’en donnerons ici que quelques exemple : Comparaison entre le nombre de marques de pluriel prononcées et écrites • une tour à moitié détruite se dressait au loin / des tours à moitié détruites se dressaient au loin Comparaison entre les formes de féminin à l’oral et à l’écrit • tout étudiant inscrit doit être présent au cours / toute étudiante inscrite doit être présente au cours • grand/grande, bleu/bleue etc. Ecriture de mots dans lesquels chaque graphème correspond à un phonème, comme université Ecriture de phrases courtes sans aucun graphème muet, comme il a traversé le parc Ecriture de phrases comportant un grand nombre de graphèmes non prononcés, comme dans elles se promènent avec leurs cousines arrivées hier Proposition de simplification de graphies : hôpital, homme, femme, village, chrysanthème, dahlia etc. Combien d’élèves confrontés à des problèmes d’orthographe ont-ils conscience que l’origine de leurs erreurs réside dans l’écart entre prononciation et graphie ? Imagine-t-on le bénéfice psychologique et pédagogique qu’il y aurait à dire à un élève écrivant « ritme » au lieu de « rythme » que sa graphie est cohérente, qu’elle a d’ailleurs existé avant que le dictionnaire de l’Académie Française n’instaure une graphie étymologique, que « homme » a été attesté sous la forme « ome » etc… ? Les confusions entre « ces » et « ses » ou encore entre « c’est » et « s’est », qui paraissent si graves à nombre d’enseignants, pourraient être largement relativisées si on les analysait sur l’axe prononciation-graphie. Avant d’être une erreur, c’est d’abord un bon réflexe phonographique. Il ne s’agit que de la reproduction à l’écrit d’une identité de prononciation. On ne se pose jamais la question, devant l’homophonie de ces termes, d’une possible confusion dans l’esprit des élèves. En revanche, le transfert de l’homophonie à l’homographie amène de tout autres questions chez l’enseignant… Une démarche contrastive de traitement de l’orthographe permet de dédramatiser la faute d’orthographe, de lui restituer sa part de bon sens, voire de profonde intuition linguistique. Prenons l’exemple de tout d’un coup orthographié touduncou par un élève de CE2. On a affaire là à une graphie parfaitement cohérente : d’une part, elle signale l’existence d’un signifié unique, synonyme de soudain ou brusquement ; d’autre part, elle respecte une correspondance parfaite entre phonèmes et graphèmes. Le processus de concaténation des trois éléments de tout d’un coup est le même que celui qui a transformé, il y a plusieurs siècles, gens d’arme en gendarme, ou plus récemment fait tout en faitout. Que peut-on en fait reprocher à cette graphie si ce n’est peut-être d’être en avance ? Se contenter de signaler la faute d’orthographe sans en reconnaître le bien-fondé peut être extrèmement coûteux sur le plan humain pour nombre d’élèves qui se retrouvent ainsi sanctionnés alors que leur démarche intellectuelle est cohérente. La mise en relation de l’oral et de l’écrit conduit ainsi à une réflexion sur la norme orthographique et, partant, sur le système d’évaluation. 2. Du texte écrit à l’exposé Le second cas que nous étudierons se situe à l’autre bout de la chaîne linguistique puisque c’est de la construction du discours qu’il s’agit. La prestation orale, exposé ou soutenance de travaux, fait partie des compétences à acquérir en langue maternelle ou étrangère, dans le cadre scolaire ou universitaire. Le paradoxe de ce type de travail réside dans le fait que sa préparation relève presqu’entièrement de l’écrit - à travers la recherche documentaire et la mise en forme avant la prestation - alors que le discours à produire est oral. Une bonne maitrise de l’exposé suppose en fait la capacité à donner une forme discursive orale à un discours initialement écrit. Que reproche-t-on souvent aux prestations orales non réussies? Une présentation monotone, lue ou récitée. En fait, d’être une simple uploads/S4/ enseigner-l-x27-oral-enseigner-l-x27-ecrit.pdf
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- Publié le Jul 01, 2022
- Catégorie Law / Droit
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