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____________________________ Droit 21 - http://www.droit21.com Date de mise en ligne : 17 décembre 2001 Citation : Yves-Louis SAGE, « Le droit de la concurrence en Polynésie française – Quelques remarques à la lumière des contrats de concessions exclusives », Droit 21, 2001, ER 056 Copyright Transactive 2000-2001 LE DROIT DE LA CONCURRENCE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : QUELQUES REMARQUES À LA LUMIÈRE DES CONTRATS DE CONCESSIONS EXCLUSIVES Yves-Louis SAGE Maître de Conférences à l'Université de la Polynésie française, Teaching Fellow à Massey University (Dispute Resolution Centre) I – Les principes qui sous-tendent le droit métropolitain de la concurrence sont applicables sur le Territoire de la Polynésie française...............................................................3 A – L’absence de promulgation en Polynésie française des textes métropolitains relatif à la concurrence n’affecte pas pour autant la mise en œuvre des principes qu’ils énoncent.......... 4 B) Le principe de la nécessaire licéité des pratiques concurrentielles était déjà clairement reconnu par la jurisprudence métropolitaine bien avant l’ordonnance de 1986....................... 7 II - La délicate transposition en Polynésie française des principes dégagés par le droit métropolitain de la concurrence ................................................................................................13 A - Le contrôle de la licéité des comportements concurrentiels en Polynésie française est laissé à la seule appréciation des juridictions locales............................................................. 14 B - La simple transposition en Polynésie française des critères de validité reconnus par le droit métropolitain, n’est pas entièrement satisfaisante ......................................................... 19 Conclusion....................................................................................................................................28 La structure générale de l'économie polynésienne relève de ce que l’on appelle traditionnellement un modèle d’économie insulaire1 qui si elle accorde une place importante aux importations2, favorise aussi l’existence de situations de monopole ou de concentrations3. Ainsi, pour ne s’en tenir qu’aux seuls réseaux de concessions et de distributions exclusives où doctrine et jurisprudence s’accordent4 pour reconnaître que leur principale caractéristique réside dans l’exclusivité territoriale accordée par le fournisseur au revendeur, ceux-ci deviennent d’importants facteurs de restriction de la concurrence. 1 Aussi appelé "micro- marché ". Sur cette notion voir notamment B. Poirine, Tahiti : Stratégie pour l’après-nucléaire, de la rente atomique au développement, 1992, p.107 et s; L’exportation non-marchande géo-stratégique : une explication de la spécialisation internationale des petites économies insulaires dépendantes, Revue Juridique Polynésienne, Volume 1, juin 1994, p. 161. 2 En provenance de la France métropolitaine, des autres pays de l’Union Européenne ou enfin du reste du monde, les importations ont dépassé les 100 milliards FCP en 2000. 3 Par exemple, dans le domaine de l’agroalimentaire et de la grande distribution locale où 3 groupes contrôlent la quasi-totalité du marché local. 4 Sur la notion de contrat de concession exclusive, voir notamment P. Le Tourneau. Jurisclasseur Contrat Distribution, Concessions, Fasc. 1020; La concession commerciale exclusive, Economica Poche 1994; D. Ferrier, Encyclopédie Dalloz commercial, concession commerciale. J. Huet. Les principaux contrats spéciaux, LGDJ 1996, n°11596 et suivants. Yves-Louis SAGE ____________________________ Droit 21 - http://www.droit21.com Date de mise en ligne : 17 décembre 2001 Citation : Yves-Louis SAGE, « Le droit de la concurrence en Polynésie française – Quelques remarques à la lumière des contrats de concessions exclusives », Droit 21, 2001, ER 056 Copyright Transactive 2000-2001 2 1. Cela est encore plus vrai en Polynésie française où un observateur attentif serait frappé de constater que si les difficultés relatives au refus de vente restent en fait très marginales, la principale préoccupation des titulaires de contrats de concessions exclusives, n'est pas de refuser de vendre mais au contraire de s'assurer que tous les produits de la marque qu’ils représentent, voire fabriquent, qui seront vendus en Polynésie française proviendront d’un circuit dont ils auront la maîtrise totale. Dès lors, plus que de vouloir en contrôler l'écoulement à l'intérieur du territoire, il s’agira plutôt de réguler le flux des "importations parallèles" de ces même produits qui en provenance de l'extérieur seront susceptibles de les concurrencer. En effet, l’étroitesse relative du marché exacerbe plus qu’ailleurs, la nécessité pour les intervenants locaux "d’assurer une certaine étanchéité"5, des circuits commerciaux ou de fabrication qu’ils contrôlent. Ils considèrent que plus on accepte, ou simplement banalise, des procédés qui les remettraient en cause, à commencer par les importations parallèles, plus leurs raisons d'être perdent de leur intérêt, puisque la protection territoriale que ces arrangements sont censés apporter se trouvera alors ramenée à peu de chose dans la réalité6. 2. Une telle logique commerciale se heurte bien évidemment, à celle préconisée par les tenants d’un système de concurrence plus ouvert, lesquels non seulement dénoncent l’anachronisme du système actuel mais réclament aussi la mise en place en Polynésie française d’un régime de la concurrence qui s’inspire de celui en vigueur en Métropole. 3. S’il est vrai que d'une manière générale, le débat qui nous occupe s'inscrit dans le cadre du droit de la concurrence, dont les règles sont maintenant bien connues tant dans la législation européenne que dans le droit interne français et si l'on devait s'en tenir à ces seuls éléments de référence, en les supposant totalement transposables en Polynésie française, le régime juridique applicable serait somme toute, assez facilement sérié. Il reste toutefois qu’ici, en l'absence de promulgation sur le Territoire des textes métropolitains régissant le droit de la concurrence, la réalité juridique locale peut dans ce domaine, apparaître un peu plus complexe. En effet, au delà des simples apparences, tout porte à croire que le droit de la concurrence polynésien demeure quand même régit par les mêmes principes qui ceux en vigueur en Métropole (I) et si difficultés il y a, c’est surtout dans la transposition de ces principes que nous les trouverons (II). 5 P. Le Tourneau, Jurisclasseur Commercial op. cit. fasc.1035, n°85. 6 On fait aussi souvent valoir, que le caractère limité du marché polynésien rend extrêmement difficile d’amortir des investissements parfois lourds s’ils ne bénéficient pas de mesures d’accompagnement assurant une maîtrise de l’ensemble du circuit économique. Le droit de la concurrence en Polynésie française ____________________________ Droit 21 - http://www.droit21.com Date de mise en ligne : 17 décembre 2001 Citation : Yves-Louis SAGE, « Le droit de la concurrence en Polynésie française – Quelques remarques à la lumière des contrats de concessions exclusives », Droit 21, 2001, ER 056 Copyright Transactive 2000-2001 3 I – LES PRINCIPES QUI SOUS-TENDENT LE DROIT METROPOLITAIN DE LA CONCURRENCE SONT APPLICABLES SUR LE TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANÇAISE 4. En liminaire, il convient de rappeler que le droit communautaire7 n'est pas applicable per se en Polynésie Française. Il s'agit là de la mise en œuvre de la règle posée par l'arrêt Grundig8 qui a précisé que l’interdiction de l’article 85 §1er du Traité de Rome ne s’appliquait qu’aux clauses des contrats de distribution susceptibles d’affecter le commerce des Etats membres. Ainsi pour ne s’en tenir qu'aux seuls contrats de concessions exclusives et à leurs “ pendants ” que sont les importations parallèles en provenance de France métropolitaine, ces dernières n'affectant pas stricto sensu, le commerce entre les Etats membres de l'Union Européenne9, celles-ci seront automatiquement exclues du champ d'application du droit communautaire. 5. Toutefois, un examen plus approfondi de la situation révèle une réalité nettement plus contrastée, l’exclusion des règles communautaires qui régissent la matière n’étant pas aussi définitive qu’il n’y paraît. En effet, s’il n’y a pas de transposition directe, son influence se fera néanmoins sentir, par “ capillarité ”10, sur le droit applicable en Polynésie française au travers de la mise en œuvre de certains des principes du droit communautaire en matière de concurrence incorporés dans les textes métropolitains (l’osmose étant on le sait, quasi- complète11) lesquels nous le verrons ont vocation à s’appliquer en Polynésie française et ce en dépit de leur absence de promulgation expresse sur ce territoire (A). 6. A cela s’ajoute que quand bien même la transposition automatique des textes métropolitains de 1986 et 199612 relatifs à la concurrence devait être sujette à caution, il 7 Sur le plan européen, la question est principalement régie par les dispositions de l'art. 85, § l, du Traité de Rome, complété par le règlement européen du 22 juin 1983 applicables à toutes sortes de concessions. Règlement CEE 1983-83, JOCE, L 175, du 22 juin 1983. Voir ce texte notamment dans le Code européen de la concurrence, Dalloz 1993; Jurisclasseur Europe, 1455-1. 8 CJCE, 13 juill. 1966, aff. 56 et 58/64, Grundig c/ Consten: Gaz. Pal. 1966, 2, p. 119; JDI 1966, p. 914. 9 Puisqu'elles sont seulement limitées à l’intérieur du seul territoire de la République française. B. Goldman, Les champs d'application territoriale des lois sur la concurrence, Recueil des cours de l'Académie de Droit international, 1969,III, 631. Sur la question voir M. Trochu, Incidence du droit communautaire sur la rédaction des contrats de distribution, D. 1995, chr.179 et s. G.Cas et R.Bout, Lamy Droit économique, 1997, n°1799 s. C.Gavalda et C.Parléani, Traité de droit communautaire des affaires, Litec, 2 éd., 1992, n°816 et s. 10 Terme employé par M. Leplat, Conseiller auprès du Tribunal administratif de Papeete, lors de la Première Table Ronde sur le Droit Territorial, organisée le 28 juin 1991, par le Centre Universitaire de la Polynésie française. Une autre illustration de la prise en compte possible, même si elle restera exceptionnelle, en Polynésie française, des uploads/S4/ er-20011217-sage-yl.pdf

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  • Publié le Mar 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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