1 Ohadata D-13-45 L’OBLIGATION DE MODERER LE DOMMAGE DANS L’ESPACE OHADA Par Er

1 Ohadata D-13-45 L’OBLIGATION DE MODERER LE DOMMAGE DANS L’ESPACE OHADA Par Eric DEWEDI HDR Aix Marseille Université Maître assistant des Universités nationales du Bénin Plan I- Des fondements aussi bien classiques que modernes A- L’explication partielle par les principes de bonne foi et d’équité 1- Le principe de bonne foi limité à la modération du dommage contractuel 2- La recherche de l’équité dans l’évaluation du préjudice B- La recherche de l’explication dans les exigences du bon sens 1- Une obligation de prendre des mesures raisonnables eu égard aux circonstances 2- Le recouvrement des dépenses raisonnablement engagées en vue de modérer le dommage II- Un domaine d’application en quête de précision A- L’admission de l’obligation de modérer le dommage matériel 1- Une admission indépendamment de toute faute 2- Une admission concernant tout dommage matériel B- L’exclusion de l’obligation de modérer le dommage corporel 1- L’exclusion pertinente de l’obligation de modérer le dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique 2- L’exclusion discutable de l’obligation de modérer les dommages résultant de l’incapacité de travail découlant d’un accident 2 Résumé Le droit OHADA consacre pour la vente commerciale, l’obligation de la victime de l’inexécution du contrat, de modérer son dommage. Cette obligation trouve son fondement dans les principes de bon sens et d’équité. Mais dans l’espace OHADA, l’explication de l’obligation de modérer le dommage devrait être recherchée dans les exigences du bon sens. Pour cela, le domaine de cette obligation mériterait d’être étendu au-delà de la vente commerciale et de s’imposer aussi en matière de responsabilité extracontractuelle. En s’inspirant de l’expérience française qui est la source d’inspiration la plus proche des Etats de l’espace OHADA, on peut admettre l’obligation de modérer le dommage également en matière de dommage corporel, mais l’exclure, principalement, dans les hypothèses où cette obligation impliquerait des atteintes à l’intégrité physique. 3 Introduction Adopter en toute chose une juste mesure, et par voie de conséquence, faire preuve de modération est un exercice très apprécié du libre arbitre chacun. Mais, lorsqu’il est saisi par le droit, l’action de ‘’modérer’’ est susceptible de s’accompagner de contrainte donnant parfois lieu à une obligation de modérer le dommage. L’espace OHADA1 connait d’une telle obligation qui s’impose à la victime d’un dommage dans certains cas. En effet, le droit de la responsabilité civile des pays membres de l’OHADA, à l’instar de celui d’autre pays tels que la France, présente une caractéristique essentielle. Il s’agit l’indemnisation de la victime, de celui ou de celle qui subit une lésion dans ses biens ou dans sa personne2. Pour y parvenir, il n’a de cesse de renouveler ses fondements en passant tour à tour par addition3 de la faute4 au risque5, à la garantie6, à la solidarité7 et à la précaution8. Même la distinction entre 1 L’espace OHADA peut s’entendre du droit OHADA et de l’ensemble des normes d’origine nationale complétant le droit OHADA, ou couvrant des domaines du droit non encore régis par le droit OHADA. L’OHADA est un instrument technique qui a pour vocation de réaliser l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Selon l’article 2 de son traité fondateur, les actes uniformes qu’il édicte couvrent un domaine plus ou moins étendu comprenant les règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime de redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente, et des transports. Outre ces matières, l’harmonisation pourrait être élargie à toute autre matière par le Conseil des ministres de l’OHADA. Ainsi, un débat porte actuellement sur l’adoption d’Acte uniforme relatif aux obligations civiles et commerciales. Il en est de même pour le droit du travail, la vente aux consommateurs. Ces différentes branches n’ont pas encore fait l’objet d’actes uniformes. En ce qui concerne le droit des contrats et le droit du travail, ils ont fait l’objet de projets d’Acte uniforme et sont en examen. Le droit OHADA entretient des rapports avec plusieurs systèmes juridiques dont il s’inspire. On peut citer le système romano-germanique encore appelé système de droit civil, le système de la common law. On note aussi une inspiration africaine du droit OHADA. Parmi ces différentes sources d’inspiration du droit OHADA, le système romano-germanique de tradition civiliste constitue la source principale. Au sein de ce système, le droit français a exercé la plus grande influence. Au moment de l’élaboration du projet d’acte uniforme sur le droit des contrats, on a noté une grande influence des principes UNIDROIT et du droit civil québécois. Voir dans ce sens POUGOUE P.G. et KALIEU ELONGO Y. R., Introduction critique à l’OHADA, Yaoundé, Presse universitaire d’Afrique, 2008. Selon l’article 10 du même traité, les actes uniformes qu’il édicte sont directement applicables dans les Etas membres. Les actes uniformes de l’OHADA bénéficient d’une primauté directe dans les Etats membres. 2 La notion de victime est assez délicate. Pour avoir la qualité de victime, il faut avoir la personnalité juridique, mais pour certains dommages tels que les dommages corporels, il faut être une personne physique. L’enfant soulève une question particulière : peut-il avoir la qualité de victime alors qu’il est encore dans le ventre de sa mère ? Le Conseil d’Etat a admis cela dans un arrêt de 1989. CE 27 sept. 1989, Req. N° 76105, Rec., 176 ; Gaz. Pal., 1990, 2,421, conclu. FORNACCIARI M. 3 FABRE-MAGNAN M., Droit des obligations 2 Responsabilité civile et quasi-contrat, PUF Thémis, Paris, 2007. 4 DESCAMPS O., Les origines de la responsabilité pour faute dans le code civil de 1804, LGDJ, « Bibl. dr. Prive », Paris, 2004. 5 ETIER G., Du risque à la faute Evolution de la responsabilité civile pour le risque du droit romain au droit commun, Bruylant, Bruxelles, 2006. 6 LAMBERT-FAIVRE Y., L’évolution de la responsabilité civile d’une dette de responsabilité à une créance d’indemnisation, RTD civ., 1987, 1. 7 VINEY G., Le déclin de la responsabilité individuelle, LGDJ, Paris, 1965. 8 HANS J., Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, éd. du Cerf, 1990. 4 responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle n’échappe pas à cette réalité. Ce souci d’indemnisation de la victime est certes louable, mais il n’est pas sans risque, la victime pouvant devenir un lourd fardeau pour la collectivité par sa passivité devant l’aggravation de son dommage. En effet, si l’indemnisation des victimes est l’une des pierres angulaires du droit de la responsabilité, c’est aussi parce qu’il y a eu en parallèle le développement de l’assurance. C’est davantage la collectivité des assurés qui supporte la charge de la réparation du préjudice de la victime9. Si le coût de la réparation du préjudice est élevé, la contribution de chaque assuré risque aussi de s’élever, ce qui n’est pas toujours facile à assumer. L’obligation de modérer le dommage est pour cela susceptible de devenir un moyen qui concourt à l’allègement du poids de la réparation du préjudice de la victime sur la collectivité en le rendant responsable des conséquences de sa passivité devant l’aggravation de son dommage, tout au moins dans certains cas. De part son sens, l’obligation de modérer le dommage est une obligation qui postule que la victime d’un préjudice droit prendre les mesures qui s’imposent pour limiter sa perte ou préserver son gain. C’est donc avant tout, une obligation, c'est-à-dire un lien de droit en vertu duquel une personne considérée comme créancier peut exiger d’une autre personne considérée comme débiteur, l’exécution d’une prestation de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose10. C’est une obligation que la loi impose et qui consiste à faire quelque chose, en l’occurrence modérer son dommage11. Son introduction en droit OHADA est assez récente12. Son étude est difficile car non seulement l’approche de la notion s’est diversifiée, mais aussi son étendue demeure très discutée. Appréhender en droit anglais comme the « mitigation of damage » ou « mitigation of harm », l’obligation de modérer le dommage fait l’objet de plusieurs approches en droit français. Dans deux arrêts du 19 juin 2003, la Cour de cassation française, sous le visa de l’article 1382 du code civil, a jugé que « l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable13 ». Dans ces deux décisions, la Cour de cassation utilise l’expression ‘’ limiter son préjudice’’. C’est la même expression que l’acte uniforme 9 Certains auteurs n’hésitent pas à évoquer dans ce sens le déclin de la responsabilité. Voir dans ce sens VINEY G., op. cit. 10 Voir CARBONNIER J., Droit civil 2nd Vol., Les biens, Les obligations, PUF, « Quadrige », 2004. 11 En règle générale, l’obligation tire sa source dans la volonté des parties, mais elle peut aussi résulter de la loi. 12 Cette notion a commencé son entrée en droit français et en droit OHADA à partir des années 2000. Elle a été consacrée par l’ancien article 266 AUDG (Acte Uniforme Relatif au Droit Commercial Général) ; voir JIOGUE uploads/S4/ eric-dewedi.pdf

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  • Publié le Mar 16, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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