Ethique et relations contractuelles dans le doc (Lecture de l’article 231 DOC)

Ethique et relations contractuelles dans le doc (Lecture de l’article 231 DOC) Par Segame Mhamed L’article 231 du Dahir des Obligations et Contrats prévoit expressément ce qui suit «Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige, non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l'usage ou l'équité donnent à l'obligation d'après sa nature» L’article 231 du Dahir des Obligations et Contrats prévoit expressément ce qui suit « Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige, non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l'usage ou l'équité donnent à l'obligation d'après sa nature ». Cet article appelle quelques observations très importantes, non seulement les parties contractantes sont tenues des clauses contractuelles mais aussi des engagements issus de la loi, de l’usage et de l’équité. A côté de ces règles qui gouvernent la relation contractuelle, les dispositions de l’article 231 DOC imposent que l’engagement contractuel soit exécuté de bonne foi. C’est dire que les règles juridiques matérielles à elles seules ne suffisent pas pour assurer la bonne exécution du contrat ; il faudrait faire appel à un élément psychique non apparent et déterminant : la prédisposition psychique du cocontractant à créer et à exécuter une obligation contractuelle. La combinaison d’éléments matériels et immatériels dans une relation contractuelle est nécessaire pour assurer une bonne fin du contrat. L’analyse de ces éléments impose le recours à une certaine éthique à la création et à l’exécution du contrat. Un véritable code de bonne conduite doit alors être explicité à l’attention des parties cocontractantes contenant les différentes obligations morales et valeurs intellectuelles gouvernant la relation contractuelle[i]. Les règles d’éthique dans le domaine juridique seraient un élément modérateur du droit positif ; le droit ne signifiant pas nécessairement justice, le juge a besoin d’instruments supplémentaires pour rendre une décision “ex aequo et bono” selon ce qui est équitable et bon. La fonction du juge serait alors non seulement l’application des lois mais aussi la bonne application de ces mêmes lois impliquant par la même occasion soit l’éviction des lois positives qui seraient préjudiciables à une quelconque partie au contrat soit tout simplement une adaptation de la loi au contexte du litige et aux circonstances de la cause. Le juge dispose à ce niveau d’un large pouvoir d’appréciation évidemment très contrôlé par la règle de la motivation des décisions judiciaires. Il serait intéressant de tracer les contours et fondement de l’éthique dans la relation contractuelle (I) avant d’en déterminer la portée et les conséquences juridiques qui en découlent (II). I. FONDEMENT DE L’ETHIQUE DANS LES RELATIONS CONTRACTUELLES L’article 231 DOC fait de la règle selon laquelle l’engagement contractuel doit être exécuté de bonne foi, une règle impérative. Ce caractère impératif est très justifié dans la mesure où la bonne exécution du contrat est l’essence même de l’existence du contrat ; un contrat destiné à ne pas être exécuté de bonne foi est un contrat ne devant pas naître au départ. La finalité de toute codification est de garantir la stabilité des relations juridiques garantissant par la même occasion une prospérité économique. Il y a lieu de s’interroger sur le fondement de cette éthique (A) et d’en déterminer le caractère prédominant (B). A. FONDEMENTS DE L’ETHIQUE DANS LES RELATIONS CONTRACTUELLES Les règles d’éthique dans une relation contractuelle peuvent avoir plusieurs fondements relevant essentiellement pour le code civil marocain des préceptes religieux issus de l’islam. La règle établie par le DOC dans l’article 231 s’inspire largement des versets coraniques et des hadiths du prophète sidna Mohamed. Le premier verset de la sourate al ma-idah avance la règle impérative suivante : “Ô les croyants! Remplissez fidèlement vos engagements”. D’autres versets[ii] du coran viennent confirmer la même règle : “Ô vous qui avez cru ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une grande abomination pour Allah que de dire ce que vous ne faites ”. L’islam assortit même la violation des engagements par des sanctions très sévères[iii]. Certains hadiths du prophète viennent confirmer la nécessité du respect des engagements pris[iv]. L’exigence d’un certain comportement relevant de la bonne conduite lors de la conclusion et de l’exécution du contrat trouve sa source dans les règles religieuses précédant l’islam et dans les normes du droit naturel. Les partisans du droit naturel par exemple pensent que les lois naturelles sont nettement supérieures à toutes les lois positives et qu’elles doivent s’imposer à la société. Ce courant d’idées a triomphé avec l’apogée du christianisme surtout durant le moyen âge, époque de l’histoire dominée par les idées de Saint-Thomas D’AQUIN[v] ; selon ce dernier, la loi éternelle est située au sommet de toutes les normes car issue de la sagesse divine et par conséquent elle ne peut être que juste. Le respect des engagements et le respect de la parole donnée sont des règles relevant de l’ordre normatif divin et par conséquent, ce sont des règles absolument naturelles. L’homme doit s’insérer dans l’ordre de l’Univers voulu par Dieu ; il doit développer toutes ses capacités et possibilités naturelles sous la conduite de la raison pour découvrir les règles de bonne conduite. Le Doyen GENY[vi] rejoint les mêmes idées en adoptant tout de même une conception plus restreinte se limitant à quelques règles qu’il considère immuables et intangibles : respecter la parole donnée et réparer le préjudice causé à autrui sont des règles naturelles et universelles. Pour ce grand penseur et ce chercheur en sciences juridiques, le droit positif ne peut se développer qu’en puisant dans le droit idéal représenté par le droit naturel. La grande idée qui gouverne ses théories est basée sur la nature de la méthode du droit positif. L’éthique dans les relations contractuelles est aujourd’hui dans le centre des débats de toutes les écoles du droit même de celle du droit positif, qui en rejetant les justifications du droit naturel quant à l’obligation naturelle de respecter les engagements dans les contrats, donne par la même occasion à cette “règle morale” une grande importance avec le développement d’un “système de valeurs juridique nouveau ” basé sur la protection et la consolidation des relations juridiques. Les grandes théories pures du droit de Hans KELSEN semblent de plus en plus dépassées[vii] ; le droit et les lois positives doivent trouver leur justification dans les règles du droit naturel car relevant de l’ordre naturel. Les fondements que nous venons d’évoquer relèvent soit de l’ordre religieux soit de l’ordre naturel, mais il y a lieu de souligner aussi que les lois positives contiennent aussi des règles particulières qui peuvent parfaitement constituer et mettre à jour un véritable code d’éthique du droit des contrats ; l’article 231 DOC est un exemple très expressif. Le droit positif doit être aussi une véritable source pour l’établissement des valeurs morales dans les relations contractuelles ; cela doit signifier que si ces valeurs sont reconnues et consacrées, elles doivent sensiblement s’imposer aux parties contractantes par la force de la loi et de la justice. B. LE CARACTERE IMPERATIF DES REGLES D’ETHIQUE DANS LES RELATIONS CONTRACTUELLES A la lecture de l’article 231 DOC, il est évident que la règle selon laquelle l’engagement doit être exécuté de bonne foi est une règle impérative. La même disposition légale ne détermine pas les différentes sanctions au cas où l’un des deux cocontractants est de mauvaise foi ; les grandes sanctions posées sont prévues dans des cas bien précis et dans des contrats réglementés par le Dahir sur les obligations et contrats[viii]. Les règles impératives ont des caractères bien définis et entrainent des conséquences assez précises. Tout d’abord, ces règles relèvent de l’ordre public, ensuite, elles peuvent s’imposer même si elles ne sont pas expressément stipulées dans le contrat, enfin, leur violation peut être soulevée à tout moment de la procédure et même d’office par le juge. Il y a une certaine relation à établir entre l’obligation de l’exécution du contrat de bonne foi et le renvoi à la loi, à l’usage et à l’équité pour déterminer l’étendue des obligations des parties contractantes. Il y a lieu de remarquer que les rédacteurs du code civil marocain donnent à la loi une valeur prépondérante au détriment de l’usage et de l’équité. Cette place donnée à la loi reflète ce penchant pour le positivisme juridique ; il n’y a pas de système juridique que celui qui découle des lois positives. Une relecture de l’article 231 DOC peut renverser l’ordre proposé par cette disposition légale ; en effet, l’éthique dans la relation contractuelle est déterminée à travers l’équité et l’usage mais exprimée dans la loi ; cette dernière serait l’expression d’un ordre de conduite préexistent au contrat. Un ordre de conduite s’imposant de facto et impose aux parties contractantes de se comporter “convenablement” de telle façon à réaliser l’équité dans la relation contractuelle ; c’est dire que les parties liées par le contrat doivent collaborer positivement pour réaliser la finalité et l’objet de la convention. Cette idée est nettement présentée par le professeur Pascal ANCEL dans uploads/S4/ ethique-et-relations-contractuelles-dans-le-doc-lecture-de-l-x27-article-231.pdf

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  • Publié le Dec 21, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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