Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme Ligue Tunisienne des
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme Ligue Tunisienne des droits de l’Homme Association Tunisienne des Femmes Démocrates Rapport conjoint soumis au Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie Juin 2002 n°339 Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie – Juin 2002 FIDH – ATFD – LTDH / p. 2 Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie – Juin 2002 CHAPITRE 1 : Violences physiques et psychologiques – la culpabilisation des femmes 4 A. Dans les espaces privé et public : L'ordinaire d'une violence subie 4 A.1- Femmes battues, majorité des agressées A.2- Viol, inceste, pédophilie : des pathologies sous déclarées A.3- Harcèlement sexuel : agression non identifiée A.4- Délinquance et mineures en danger B. Obstacles aux règlements judiciaires, impunité des crimes 8 B.1. Des recours disponibles B.2.- Non-application de la loi B.3- Application discriminatoire des lois B.4- Non protection des victimes et des témoins. C. Les réactions des autorités 10 D. Recommandations 12 CHAPITRE 2 : Répression, violences et harcèlement des femmes en raison de leurs activités de militantes de droits de l’Homme 14 A. Les femmes, victimes particulières parmi la répression systématique contre les défenseurs des droits de l’Homme 14 B. Diverses formes de la répression 14 B.1. Procès et Harcèlement Juridique B.2. Intimidation, Tentative d’Isolement et Filature B.3. Violation du Secret de la Correspondance, l’Ecoute et les Coupures Téléphoniques B.4. Les Agressions contre les Défenseures des Droits de l’Homme B.5 Les actes de Vandalisme Contre les Biens des Militants et Ceux de Leurs Familles B.6. Les Campagnes de Diffamation contre les Défenseurs des Droits de l’Homme C. Conclusions : 18 C.1. Atteinte à la libre participation à la vie publique C.2. Violence à l’égard des femmes C.3. Recommandations CHAPITRE 3 : Egalité successorale 20 A. Fondements du droit successoral 20 B. Les inégalités juridiques 20 C. Conclusions 21 CHAPITRE 4 : Atteinte à la liberté de religion des femmes 22 A. Atteintes jurisprudentielles et conséquences en matière succéssorale 22 B. Violences dans la sphère privée : 22 C. Conclusions 24 RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS 25 ANNEXE I : Etude quantitative des dossiers traités par le Centre d’écoute et d’Orientation des femmes victimes de violence 26 ANNEXE II : Code du Statut Personnel - Livre IX : De la succession. 32 FIDH – ATFD – LTDH / p. 3 Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie – Juin 2002 CHAPITRE 1 : Violences physiques et psychologiques – la culpabilisation des femmes “ C’est ton frère, il est en train de t’éduquer, il a le droit de te battre ” • A. Dans les espaces privé et public : L'ordinaire d'une violence subie: Scène de la vie quotidienne : à l’heure de la visite matinale devant une maternité de la capitale, une jeune femme, appelant à la rescousse les nombreuses femmes regroupées là alors qu’elle se faisait molester par un jeune homme, s’entendait répondre : “ C’est ton frère, il est en train de t’éduquer, il a le droit de te battre ”. Les femmes tunisiennes, mineures et adultes, sont quotidiennement victimes de violences multiples à des degrés divers. Les agressions à leur encontre sont verbales, morales, relèvent de la menace, sont physiques, d'ordre sexuel. Elles se perpétuent contre elles à domicile, dans la rue, sur le lieu de travail. Elles entraînent, quelque fois irrémédiablement, des traumatismes physiques, sexuels, psychologiques. La violence à l’encontre des femmes profite certainement de ce présupposé selon lequel l’être femme est un corps sans raison et, comme tel, il est légitime de le traiter comme un objet. Cette perception est d’autant moins ébranlée qu’elle ne trouve guère de démenti dans la condition sociale, économique, politique, juridique des femmes partout subordonnée à celle des hommes. La Tunisie n’échappe guère, du point de vue de la propagation du phénomène, au “ concert des nations ”. Longtemps nié et refoulé, l’exercice de la violence contre les femmes émerge graduellement à la conscience et aux discours politiques. Après avoir été circonscrit à la rubrique des faits divers, il passe en débat sur la chaîne télévisée nationale et fait l’objet d’une journée d’étude couverte par le Ministère des Affaires de la Femme et de la Famille. Les logiques qui ont servi et qui, de manière prédominante, continuent de servir à masquer les pratiques de la violence dans notre société sont antagoniques entre elles. D’un côté, c’est l’argument religieux qui est invoqué pour expliquer que, contrairement aux sociétés occidentales où les mœurs seraient relâchées et la morale débridée, l’attachement de la population à ses croyances lui interdit de s’adonner à des agissements tels que le viol, l’inceste, la pédophilie… D’un autre côté, et dans un registre plus moderniste, le Code du Statut Personnel et l’émancipation “ exemplaire ” des Tunisiennes sont avancés pour souligner qu’ils contredisent l’avilissement et l’assujettissement de ces dernières par la violence. Enfin, une version plus “ économiciste ”, et à laquelle les autorités officielles semblent consentir à se rallier, serait que la violence vis-à-vis des femmes existe mais qu’elle ne représente qu’un fait marginal puisqu’elle n’affecte que les milieux socio-économiques défavorisés. Son mobile ne serait pas la misogynie à l’égard des femmes mais la misère et elle serait appelée à disparaître avec l’attention accordée à celle-ci. FIDH – ATFD – LTDH / p. 4 Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie – Juin 2002 D'une gravité plus ou moins notable, les agressions, dans leur majorité, restent impunies et leurs auteurs trop rarement inquiétés. Les femmes en effet, par peur, par honte, portent peu plainte. Les affaires qui placent l'agresseur au banc des accusés ne manquent pas d'éclabousser la victime, sa réputation et celle de son entourage d'une “publicité” indésirable difficile à assumer quand ne s'y ajoute pas directement un sentiment de culpabilité. Si les séquelles de l'agression ne sont pas physiquement constatées, la victime a encore plus de mal à se décider à vouloir se défendre, puis à trouver les moyens de le faire. Si le tabou sexuel intervient, les réticences de l'environnement immédiat et lointain, familial et administratif sont encore plus fortes et participent à isoler la femme victime. Les réponses juridiques quand elles existent peuvent pourtant ne pas être compatibles avec les mutismes des administrations qui reflètent des mentalités rétrogrades. A.1- Femmes battues, majorité des agressées Les violences conjugales, domestiques, sont les cas les plus fréquents : le moindre problème professionnel, familial ou autre est parfois un motif pour le père ou l'époux de faire violence contre sa fille ou sa femme. Les violences les plus redoutables, parce que difficiles à établir pour justifier d'une action en justice pour préjudice, sont ces violences qui ne laissent pas de trace physique. Celles-là sont tellement intériorisées, excusées, qu'elles se heurtent au mur de la banalisation tant sur le point social que médiatique. Dans la rue, la violence peut dépasser le cadre d'une simple drague ou de vol à l'arraché pour atteindre des délits plus graves comme l'enlèvement et ce qui pourrait en résulter comme sévices physiques et physiologiques. Les dispositions juridiques et les mentalités rétrogrades aidant, contribuent à la “chosification de la femme” qui de ce fait apparaît aux yeux de certains hommes comme un simple objet. Entre 1990 et juin 2000, l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a enregistré par l'intermédiaire de son Centre d'écoute 789 cas de violences. Des femmes, de tout âge, désemparées, victimes d'un système fondé sur la toute puissance du père, du mari, du fils ou du frère.1 Comme dans les autres pays du Maghreb, les violences, en Tunisie, ne sont pas le lot que d'une seule catégorie de femmes. Les scolarisées comme les non-scolarisées, les femmes ayant un niveau d'enseignement supérieur comme celles ayant un niveau primaire, les sans profession comme celles occupant un emploi rémunéré, sont victimes de violences. Ainsi sur les 83 femmes, plus de la moitié (60%) ayant déclaré leur niveau d'instruction (soit plus de 80%) ont un niveau secondaire et la moitié ont un emploi (32% sont sans profession). Les violences conjugales sont les cas les plus fréquents. Elles revêtent plusieurs formes, physiques et morales, explicites et implicites, occasionnelles et répétées : coups et blessures, violences verbales, cris, hurlements et menaces de mort, non subvention aux besoins de la famille, viol conjugal, abandon, empêchement de travailler, avortement forcé, travail forcé, séquestration, humiliation, dépossession des biens. Les violences au travail viennent en deuxième position. 10 femmes sont l'objet de renvois abusifs pour des motifs non avoués tenant au statut de la personne (célibataire), à son activité syndicale, à ses relations, à son état 1 Voir Annexe I, pour des statistiques plus détaillées FIDH – ATFD – LTDH / p. 5 Discriminations et violences contre les femmes en Tunisie – Juin 2002 de santé. Les violences familiales occupent une troisième position (6 cas) et sont le fait du père (séquestration), du fils (coups, hargne, cris) mais aussi de la famille du conjoint (pression et cabales). Les cas d'inceste et de viol sont avérés : inceste du père, 2 cas de viols commis par uploads/S4/ fidh-violences-contre-les-femmes.pdf
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- Publié le Mar 03, 2021
- Catégorie Law / Droit
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