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Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 Série Prospective L’Etat-Nation Collectif, Groupe Etat-Nation du CPG N°3 | décembre 2018 Le thème de l’Etat-Nation est ancien et renouvelé à l’époque contemporaine. Résultat d’une dialectique entre le concept d’Etat et l’idée de nation, il trans cende, dans une approche juridique, les conceptions objectives et subjectives généralement opposées et somme toute relatives tant elles peuvent l’une et l’autre dériver et se corrompre. L’idée de nation est fixée par le concept d’Etat. L’Etat-Nation peut appa raître affaibli par l’effet de la mondialisation et de la faillite de certains Etats ; il n’apparaît plus comme le sujet exclusif des relations internationales. Néan moins, il est seul compétent pour exercer les fonc tions régaliennes qui échappent à toute intervention extérieure. Non seulement il conserve les préro gatives d’ordre public, de sécurité et en matière de morale publique mais, par delà les obligations inter nationales auxquelles il peut souscrire, il est l’au teur des normes juridiques qui dans l’ordre interne régissent la Nation. L’Etat-Nation 2/16 Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 L’Etat-Nation Collectif, Groupe Etat-Nation du CPG Décembre 2018 L’auteur Cette étude est le résultat des discussions du groupe Etat-Nation du CPG, dont le rapporteur est Jean-Yves Cara, professeur émérite des facultés de droit et avocat. Jean-Yves Cara a assuré un cours à l’Académie de droit international sur la reconstruction d’Etat (2016), et enseigne à Sciences Po Paris. Le Centre de prospective générale Le Centre de prospective générale, créé le 6 janvier 2016, a pour objet, en séparant l’exercice prospec tif de toute préoccupation opérationnelle, d’établir une vision de préférence globale de tout ou par tie d’un domaine, vision de laquelle des réflexions et des exigences opérationnelles peuvent ensuite venir puiser. Contact : cpgcontact92@gmail.com Citer ce document Collectif, L’Etat-Nation, FMSH-Prospective-2018-3, décembre 2018. © Fondation Maison des sciences de l’homme - 2018 Fondation Maison des sciences de l’homme 190-196 avenue de France 75013 Paris - France http://www.fmsh.fr Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions institu tionnelles de la Fondation MSH. The views expressed in this paper are the author’s own and do not necessarily reflect institutional positions from the Foundation MSH. L’Etat-Nation 3/16 Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 Résumé Le thème de l’Etat-Nation est ancien et renouvelé à l’époque contemporaine. Résultat d’une dialectique entre le concept d’Etat et l’idée de nation, il transcende, dans une approche juridique, les conceptions objectives et subjectives généralement opposées et somme toute relatives tant elles peuvent l’une et l’autre dériver et se corrompre. L’idée de nation est fixée par le concept d’Etat. L’Etat-Nation peut apparaître affaibli par l’effet de la mondialisation et de la faillite de certains Etats ; il n’apparaît plus comme le sujet exclusif des relations internationales. Néanmoins, il est seul compétent pour exercer les fonctions régaliennes qui échappent à toute intervention extérieure. Non seulement il conserve les prérogatives d’ordre public, de sécurité et en matière de morale publique mais, par delà les obligations internationales auxquelles il peut souscrire, il est l’auteur des normes juridiques qui dans l’ordre interne régissent la Nation. L’Etat-Nation 4/16 Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 Sommaire Approche de la notion d’Etat-Nation 5 Le thème de l’Etat-Nation est ancien 5 Objectivité et subjectivité 5 Pertinence de l’Etat-Nation comme instrument d’analyse des relations internationales 8 L’Etat-Nation est affaibli ou plutôt, il n’apparaît plus comme le sujet exclusif des relations internationales 8 Dans l’Etat-Nation, l’idée d’unité domine 9 Il existe aussi une « pathologie » de la souveraineté des Etats-Nations 11 Pertinence de l’Etat-Nation dans la mondialisation du droit 13 Souverainté et interdépendance 13 Mondialisation et droit global 13 Le rôle continu de l’Etat 14 L’Etat-Nation 5/16 Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 Approche de la notion d’Etat-Nation Le thème de l’Etat-Nation est ancien L es deux éléments semblent liés au point que le vocabulaire contemporain pos tule la coïncidence de l’idée d’Etat et de celle de Nation. Les deux idées sont pourtant conçues comme distinctes. Pour Carré de Malberg l’Etat est « une communauté d’hom mes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance supérieure d’action, de com mandement et de coercition »1. Toutefois, selon l‘auteur lui-même, cette définition apparaît insatisfaisante car elle décrit les éléments con stitutifs sans déterminer les relations juridiques qui en résultent. Dans son sens juridique précis, tel qu’il résulte du droit positif français et en par ticulier de la souveraineté nationale, le terme « nation» ne désigne pas une masse d’individus mais « la collectivité organisée des nationaux, en tant que cette collectivité se trouve consti tuée par le fait même de son organisation en une unité indivisible. En ce sens…la nation n’est plus seulement un des éléments constitutifs de l’Etat, mais elle est, par excellence, l’élément constitutif de l’Etat en tant qu’elle s’identifie avec lui »2. Pour les constitutionnalistes français et les historiens du droit constitutionnel (Burdeau, Chevallier), la nation est antérieure à l’Etat mais il peut arriver que la naissance de l’Etat précède la formation de la nation, de sorte qu’il existe une « dialectique Nation-Etat » (A. Hauriou) qui a abouti à un monde d’Etats-Nations triomph ants dominé par la souveraineté. A la vision westphalienne de l’Etat, formée avant la Révolu tion et qui va demeurer dominante dans l’or dre international, va se superposer – et se sub stituer dans l’ordre interne – avec les publicistes du XVIIIe siècle, la construction intellectuelle du peuple-nation titulaire de la souveraineté étatique. La volonté générale se substitue à la volonté royale. La personne de la Nation s’iden tifie à l’Etat ; la légitimité dynastique disparaît mais la Nation n’en est pas moins un principe de continuité liant le passé aux générations futures, qui s’institutionnalise dans l’Etat. De 1. Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Dalloz, 1920, tome 1, p 7. 2. Ibidem, note 2 pp 2-3 cette vision découleront le principe des nation alités puis le droit des peuples à disposer d’eux- mêmes. Sous l’angle juridique, l’Etat-Nation se résume à ce que cette collectivité nationale et territoriale est ramenée à une unité, du fait de son organisation sous une puissance supérieure exercée par des personnes ou des assemblées. Pour les auteurs classiques, peu importent les modalités selon lesquelles cette puissance s’est établie et les détenteurs du pouvoir se sont trouvés investis, « que ce soit par leur propre force ou par le consentement des membres de la nation »3. Selon la formule célèbre, l’Etat est le titulaire du « monopole de la contrainte », Kelsen ayant emprunté à Max Weber la formule du « monopole de la violence légitime »4. La légitimité est ici réduite à la légalité. Toutefois, comme l’a montré le Professeur Michel Troper, les théories modernes de la légitimité sont le produit de l’Etat lui-même5. De nos jours, à travers l’idéologie de l’Etat de droit, la structure de l’ordre juridique produit une théorie de la légitimité6. L’Etat est subor donné à certains principes issus des doctrines jusnaturalistes et de la volonté de la nation : les hommes ne sont pas soumis aux hommes qui les dirigent mais seulement aux lois consen ties par la nation. Chaque décision est le pro duit déduit d’une loi générale. Cela implique que les décisions de l’Etat sont légitimes car l’Etat de droit réalise l’égalité et la liberté. De sorte que l’Etat-Nation, tel que conçu après 1789 pour exprimer la volonté générale, « est le moyen nécessaire en même temps que le plus adéquat à maintenir l’indépendance nationale et à assurer, à l’intérieur de la nation, la liberté de chacun »7. Objectivité et subjectivité Cette approche juridique transcende les deux conceptions généralement opposées par les 3. Carré de Malberg, ibidem, p 67. 4. Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p 50 ; Max Weber, Economie et société, Paris, Plon, 1971, p 57. 5. Michel Troper, « Le monopole de la contrainte légi time. (Légitimité et légalité dans l’Etat moderne) », Lignes, 1995/2, n° 25, pp 34-47. La formule exacte de l’auteur est « les théories qui fondent la légitimité de l’Etat sont un pro duit de la forme étatique elle-même » (p. 41). 6. Michel Troper (sous la dir. de), L’Etat de droit, Cahiers de philosophie politique et juridique, n°24, Presses universi taires de Caen, 1993 7. L’idée de nation chez Charles de Gaulle, Cahiers de la Fon dation De Gaulle, n°7, 2000, p 10. L’Etat-Nation 6/16 Fondation Maison des sciences de l’homme - 54 boulevard Raspail - 75006 Paris - France http://www.fmsh.fr - FMSH-Prospective-2018-3 philosophes. L’une fut exprimée en Allemagne par Herder puis développée par Fichte, de nature uploads/S4/ fmsh-prospective-2018-3-collectif.pdf
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- Publié le Sep 04, 2022
- Catégorie Law / Droit
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