1 INSTITUTIONS JUDICIAIRES Introduction Une institution judiciaire est un organ

1 INSTITUTIONS JUDICIAIRES Introduction Une institution judiciaire est un organe doté par l’Etat du pouvoir de dire le droit pour trancher des litiges et pour rendre des décisions ayant force exécutoire sur le territoire de l’Etat. Toute situation juridique doit pouvoir faire l’objet d’une vérification de sa régularité par un tiers qui a la qualité de juge. Ce contrôle éventuel, potentiel, constitue une garantie essentielle du respect des libertés publiques et privées, des droits fondamentaux des citoyens. Au fond, le but de la justice est d’assurer la liberté de chacun, en fixant des frontières. Elle est à la fois le baromètre et le régulateur d’une société dont elle exprime les tensions, traduit les carences et reflète les perversions. L’action de la justice est de donner force à la règle de droit. Sans le juge, le droit ne serait que concepts stériles, des mots sans force, un tigre de papier. Le recours à un organisme judiciaire est indispensable, dans la mesure où l’ordre public serait gravement troublé si chacun pouvait se faire justice à lui-même. Nul n’a le droit de se rendre justice à soi-même. « Le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi. » art. 91 de la Constitution sénégalaise. Après son accession à l’indépendance, le Sénégal a réalisé plusieurs réformes dans le secteur judiciaire dans le but de débarrasser le droit de son héritage colonial et d’adapter les lois au caractère laïc, démocratique et moderne de l’État. L’organisation judiciaire au Sénégal est régie par différents textes : la Constitution, les lois et les règlements qui organisent de manière spécifique le statut des professions telles que celles d’huissier, d’avocat, de notaire, ainsi que le statut des organes administratifs à caractère juridictionnel. Le cours sera divisé en deux chapitres : les grands principes de l’organisation judiciaire (Chapitre I) et l’organisation des juridictions nationales (Chapitre II). 2 Chapitre I : Les grands principes de l’organisation judicaire Les institutions judiciaires sont régies par les grands principes de l’organisation des juridictions. Il s’agit notamment de : l’accès à la justice (section 1), le monopole étatique de la justice (section 2), la collégialité (section 3), le principe d’unification et d’hiérarchisation des juridictions sénégalaises (section 4). Section 1 : L’accès à la justice Pour garantir l’accès à la justice, les textes posent quatre principes : le droit à la justice et l’égalité devant la justice (paragraphe 1), la gratuité de la justice (paragraphe 2), la permanence de la justice (paragraphe 3) et la sédentarité de la justice (paragraphe 4). Paragraphe 1 : Le droit à la justice et l’égalité devant la justice Nous verrons ici le principe et sa relativité. A/ Le principe Tous les justiciables plaident devant les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de procédure quelle que soit leur origine. Mais en France, sous l’ancien Régime, l’égalité devant la justice n’existait pas. La Révolution a entendu supprimer les privilèges de juridiction. Au Sénégal, les mêmes principes d’égalité ont été consacrés ; sauf pour les étrangers, disposant certes des mêmes prérogatives que les nationaux, mais tout de même, tenus de verser la caution juridicatum solvi destinée à couvrir les frais de justice. B/ La relativité du principe Cette relativité s’explique par l’obligation pour les étrangers de verser une caution et par l’existence de juridictions d’exception. 1. La caution juridicatum solvi Aux termes de l’article 110 du Code de Procédure Civile (CPC), sous réserve des conventions et des accords internationaux, tout étranger demandeur principal ou intervenant est tenu, si le défendeur le requiert, avant toute exception de fournir caution personnelle de payer les frais et dommages-intérêts auxquels il pourrait être condamné. 3 2. Les juridictions d’exception La multiplication des juridictions d’exception par rapport à celles de droit commun, a fait douter certains du maintien, à l’heure actuelle, du principe de l’égalité de tous devant la justice. La question qui se pose notamment est celle de savoir si l’existence des tribunaux du travail, du tribunal pour enfants, de la cour de répression de l’enrichissement illicite, de la Haute Cour de Justice ainsi que l’existence des autorités administratives investies de fonctions juridictionnelles constitue une véritable atteinte à l’égalité devant la justice en ce qu’elles créeraient des juridictions spécifiques à certains usagers. Paragraphe 2 : La gratuité de la justice A/ Le principe Le principe de la gratuité de la justice signifie que le juge n’est plus rétribué par le plaideur c’est-à-dire par l’usager du service public de la justice, mais par l’Etat, c’est-à-dire en fait par tous les contribuables. On voit ainsi apparaître déjà la relativité de cette gratuité. D’abord il y a divers éléments du coût de la justice que l’Etat fait supporter aux plaideurs à ces frais en lui faisant acquitter diverses taxes sur chaque acte de justice. Ainsi, un droit de timbre s’applique sur chaque requête présentée devant les tribunaux. Ensuite il y a les dépens qui constituent les frais propres à chaque procédure communément appelés les « dépens de l’instance ». Notamment le coût d’une assignation, la signification de conclusions ou de jugements d’abord entre avocats puis aux parties. En fin le tribunal dans son jugement déterminera celui qui doit supporter la charge de ces dépens. C’est normalement sur celui qui perd le procès que pèse la charge des dépens inhérents à l’instance. B/ Les limites au principe de la gratuité de la justice 1- Les honoraires de l’avocat En effet, le principe est que chaque partie supporte les honoraires de son propre avocat. Les honoraires ne sont pas tarifés et font l’objet d’une libre négociation entre l’avocat et son client. A défaut de convention, l’honoraire est fixé selon les usages en fonction de divers critères : difficulté de l’affaire, temps passé, spécialité et notoriété de l’avocat, diligences 4 accomplies par celui – ci, coût du fonctionnement de son cabinet, situation de fortune de son client, résultat obtenu. Au sujet de ce dernier critère, il convient de préciser que toute fixation d’honoraires qui ne serait établie qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. 2- L’aide judiciaire (art. 5 et 301 du CPC) La création de l’assistance judiciaire permet à ceux qui sont démunis de bénéficier de l’aide d’un avocat dont les honoraires sont payés par l’Etat. Cette institution a un but de solidarité sociale. En outre l’aide judiciaire ne concerne que les prévenu-e-s aux Assises, celles et ceux qui n’en ont pas les moyens ont un « avocat commis d’office ». Paragraphe 3 : La permanence de la justice A/ Le principe En tant que service public, la justice se doit de fonctionner de manière permanente. Cette permanence signifie qu’à toute période, le justiciable doit pouvoir saisir la justice. C’est ainsi que le juge des référés peut en cas d’urgence, être saisi tous les jours, y compris le dimanche ou les jours fériés au besoin à son domicile. En matière pénale, la permanence se traduit par le fait que tant un représentant du Ministère public qu’un juge d’instruction peut, en cas de flagrance, être saisi. Ce principe empêche les magistrats de l’ordre judiciaire de pouvoir exercer le droit de grève et leur interdit de mener toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. En outre, le juge régulièrement saisi qui refuse de statuer se rend coupable de déni de justice (art. 312, 313 du CPC et article 165 du CP). B/ Les tempéraments En premier lieu, les juridictions ne siègent pas normalement les samedis, dimanches et jours fériés. En deuxième lieu, l’activité judiciaire est considérablement réduite pendant les périodes de service allégé, nouvelle dénomination des vacances judiciaires. En troisième lieu, certaines juridictions parce qu’elles ne sont pas composées exclusivement de magistrats professionnels, ne siègent que par sessions : ce fut le cas des cours d’assises qui 5 ont été remplacées par les chambres criminelles (loi n°2014-26 portant réforme de l’organisation judiciaire) et doivent siéger par sessions, au moins tous les quatre mois. Paragraphe 4 : La sédentarité de la justice Ce principe signifie que les juridictions siègent en un endroit unique, sauf les audiences foraines qui peuvent se tenir hors des juridictions, par exemple dans des bâtiments publics (écoles, Mairies). Ainsi, l’article 20 du CPC dispose : « les juges peuvent, si les besoins du service l’exigent, tenir des audiences en dehors du lieu où ils siègent habituellement. » Section II : Le monopole étatique de la justice La justice est un service public ; en tant que tel, elle se caractérise à la fois par son but : satisfaction d’un besoin social et par ses moyens : mise en œuvre par l’Etat d’un ensemble organique d’hommes et de biens. La justice relève du monopole de l’Etat. C’est à l’Etat qu’incombe la tâche d’organiser ce service public dont la mission est double : d’une part dire le droit à travers des décisions (jurisdictio), et d’autre part, assurer la bonne exécution de ces décisions au besoin avec le concours de la force publique (imperium, qui renvoie au pouvoir de commandement dont dispose le juge pour imposer que la décision rendue soit uploads/S4/ institutions-judiciares 1 .pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Sep 04, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1761MB