C H A M B R E A R B I T R A L E M A R I T I M E D E P A R I S Gazette de la Cha
C H A M B R E A R B I T R A L E M A R I T I M E D E P A R I S Gazette de la Chambre n° 24 - Hiver 2010 / 2011 1 / 3 Gazette de la Chambre Identification du transporteur maritime sur les connaissements de Charte-Partie La Chambre Arbitrale Maritime de Paris a invité les avocats maritimistes et les arbitres de la Chambre, le 18 novembre 2010, à bord de la péniche du « Cercle de la mer » au pied de la Tour Eiffel, à une réunion débat sur le thème « Identification du transporteur » sur les connaissements de Charte-Partie. Les quelques 80 personnes présentes ont pu débattre sur ce sujet après avoir écouté les exposés de Messrs Philippe Delebecque et Jean-Yves Thomas, tous deux arbitres maritimes. Nous reproduisons ci dessous les interventions des deux arbitres et un résumé du débat qui a suivi. Intervention de M.Philippe Delebecque Notre réunion est l’occasion d’évoquer la « jurisprudence » de la CAMP sur une question importante et quelque peu controversée : l’identification du transporteur. On peut assurément parler de « jurisprudence arbitrale ». Celle-ci, a-t- on récemment écrit (cf. J.M. Jacquet, Avons-nous besoin de jurisprudence arbitrale ? Rev. arb. 2010, 445), dépend de la proximité que les arbitres peuvent avoir avec les règles qu’ils doivent appliquer au fond du litige. C’est précisément la situation de la CAMP qui est une chambr de professionnels du monde maritime. Ce sont les armateurs, les assureurs, les courtiers, les chargeurs, les experts, les navigants d’hier et d’aujourd’hui et quelques juristes maritimistes qui la composent et l’animent. Des sentences rendues se dégage certainement une jurisprudence, à telle enseigne que, par exemple, les difficultés d’interprétation des surestaries ne se posent pratiquement plus : la plupart d’entre elles ont été réglées par les arbitres de la Chambre dans des décisions que les praticiens connaissent et apprécient. Depuis quelque temps de nouvelles questions se posent notamment sur les garanties attachées aux contrats de construction de navires de grande plaisance, sur les clauses dites de « hardship » stipulées dans les affrètements de longue durée ou encore sur la faculté de rompre d’une manière anticipée tel ou tel contrat maritime. Certains contentieux étant en cours, il faut s’abstenir d’en parler, la jurisprudence étant ici en cours d’élaboration. Contentons-nous, dans ces conditions, d’évoquer le thème, classique, mais récurrent, de l’identification du transporteur, spécialement lorsqu’un connaissement « to be used with a charter party » est émis, ne comporte pas d’en-tête et se trouve, le plus souvent, signé par un intermédiaire déclarant intervenir « as agent only ». La jurisprudence étatique décide alors que le propriétaire du navire est le transporteur (Cass. com. 21 juill. 1987, « Vomar », DMF 1987, 573), ce qui permet au tiers porteur qui n’a pas connaissance de la charte et de ses données d’avoir un interlocuteur et de ne pas être privé de tout recours, quitte pour le propriétaire à exercer son propre recours dans le cadre de la C/P qui le lie. Cette solution a le mérite de la prévisibilité. Elle est, au demeurant, retenue par la communauté maritime internationale : les Règles de Rotterdam prévoient en effet (art. 37.2) que si les termes du contrat ne permettent pas d’identifier le transporteur conformément aux exigences de la convention internationale (art. 36.2), mais indiquent que les marchandises ont été chargées sur un navire désigné, « le propriétaire inscrit du navire est présumé être le transporteur ». Il reste que cette présomption est simple et peut être renversée, aussi bien en cas d’affrètement coque-nue que dans le cadre d’un affrètement à temps. En d’autres termes, si la jurisprudence « Vomar » sert de référence, elle ne doit pas être appliquée systématiquement. Les éléments de fait peuvent conduire à renverser la présomption qui pèse sur le propriétaire. C’est cette solution qu’il faut avoir à l’esprit, même si sa mise en musique ne va pas de soi. Ce sont précisément ces nuances dans lesquelles les arbitres peuvent (doivent ?) entrer, comme Jean-Yves Thomas va le démontrer. Exposé de M.Jean-Yves THOMAS : Dans les litiges qui sont soumis aux arbitres de la Chambre Arbitrale Maritime, les demandes sont assez fréquemment dirigées contre le transporteur maritime. L’identification de celui-ci peut se poser lorsque le fréteur au voyage est affréteur à temps du navire, et qu’il n’en est donc pas l’armateur. L’identification du transporteur peut également être en question lorsque le vendeur C.A.F. de la cargaison est en même temps l’affréteur à temps. Le point de vue ici exposé n’est pas celui du juriste, mais celui d’un arbitre praticien de l’affrètement et du transport maritime. Sans vouloir les opposer, car elles se complètent et fort heureusement, il faut constater que l’approche du juriste et celle du praticien sont différentes, l’un se référera d’abord au droit en vigueur et l’autre à sa pratique professionnelle. Or, la Chambre Arbitrale Maritime de Paris est une organisation professionnelle et il est essentiel que le juridisme ne l’emporte pas sur la réalité des relations commerciales. A propos de la rédaction du connaissement de charte-partie, il y a d’abord un point qui mérite d’être souligné et qui n’est peut-être pas assez précisé dans les divers commentaires que l’on peut lire ici ou là où il est souvent écrit que le connaissement est délivré par le capitaine ; dans la vie réelle, ce n’est pratiquement jamais le cas. Au mieux, on lui demandera de le signer mais les mentions qui y figurent se font rarement sous sa dictée, la seule chose qu’on lui demandera de vérifier c’est la quantité, en tonnes ou en unités de colisage ; il pourra éventuellement y inscrire des réserves mais il en sera souvent dissuadé quand cela peut remettre en cause le crédit documentaire. En outre, la charte-partie prévoira fréquemment que la signature des connaissements pourra ou devra être déléguée à l’agent consignataire. Suite page 2 Lettre d’information de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris Comité éditorial : Philippe Delebecque - Pierre Raymond - Jean-Yves Thomas - Michel Leparquier Editeur : Philippe Delebecque 3 numéros par an Numéro 24 - Hiver 2010 / 2011 ”Qui rogat non errat” Gazette de la Chambre n° 24 - Hiver 2010 / 2011 2 / 3 “Identification du transporteur” Suite de la page 1 On répondra que cela importe peu si le connaissement est en fait établi par l’agent qui, en principe, est le mandataire de l’armateur. Ceci n’est qu’en partie vrai. A l’inverse de ce qui existe dans la ligne régulière où l’armateur opérateur a un contrôle complet sur son agent, dans le domaine de l’affrètement, c’est n’est pas le cas le plus fréquent. Déjà, lorsqu’il y a affrètement au voyage, et c’est une évolution qui aura été constante tout au long des quarante dernières années, l’agent du navire, payé par l’armateur, est le plus souvent désigné par l’affréteur. Bien évidemment lorsque le navire est affrété à temps par le vendeur C.A.F. de la cargaison, ce dernier qui porte la double casquette de vendeur et de transporteur en charge de la gestion commerciale nommera et paiera l’agent. Il en découle, tout naturellement, pour ce qui concerne les opérations commerciales, que l’agent considérera que son véritable client est non pas l’armateur qui le paie mais l’affréteur qui l’a désigné - et à plus forte raison quand le vendeur a affrété à temps le navire - qu’en conséquence, il en suivra les instructions lorsqu’il s’agira de rédiger la documentation, notamment d’inscrire ou non sur les connaissements le nom du transporteur. Encore faut-il, lorsque le nom d’un transporteur y figure, qu’il s’agisse bien du transporteur réel car certains affréteurs à temps s’autorisent en effet à faire mentionner l’armateur comme transporteur lorsque la charte-partie à temps prévoit qu’ils peuvent demander au capitaine de déléguer à l’agent la signature des connaissements ; on a pu le constater dans une affaire récente soumise à la Chambre. On se trouve alors dans la situation pour le moins paradoxale, d’un connaissement de charte-partie où deux des parties principales au contrat, d’un côté le transporteur ou supposé tel, et de l’autre côté le destinataire n’ont pas eu leur mot à dire sur la rédaction du document qui les lie. C’est souvent pour des raisons de commodité ou pour préserver les relations commerciales entre le réceptionnaire et le vendeur que l’armateur propriétaire se retrouve en position de défendeur, en particulier parce qu’il est souvent relativement facile de pratiquer une saisie conservatoire du navire afin d’obtenir une garantie de son P and I Club. On peut remarquer à ce propos que l'affréteur à temps est lui aussi normalement assuré en responsabilité, le plus souvent par affiliation à un P and I Club, et qu’il est toujours possible de saisir les soutes du navire qui lui appartiennent et d’obtenir de la même manière une garantie de son assurance. Quand il s’agit d’un affrètement au voyage, le connaissement généralement utilisé, le « congenbil », mentionnera rarement le nom du transporteur qui sera en principe le fréteur au uploads/S4/ g24ident-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 28, 2022
- Catégorie Law / Droit
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