TITRE ANCESTRAL ET LE DROIT DE CONSULTATION DES MÉTIS 1. Propos préliminaires a
TITRE ANCESTRAL ET LE DROIT DE CONSULTATION DES MÉTIS 1. Propos préliminaires au sujet des droits ancestraux et le droit de consultation en droit constitutionnel canadien 1.1. La reconnaissance des droits ancestraux à la source du devoir de consultation 1.1.1. Définition des droits ancestraux 1.1.2. Définition du titre ancestral 1.2. Le déclenchement du devoir de consultation 1.2.1. La preuve prima facie d’une cause d’action 1.2.2. L’honneur de la Couronne 1.2.3. La qualité requise pour bénéficier du droit d’être consulté 2. Les Métis : un peuple distinct 2.1. Les critères de détermination de l’identité métisse 2.1.1. L’auto-identification et l’appartenance à une communauté distincte 2.1.2. Les liens ancestraux 2.1.3. L’acceptation par la communauté 2.2. Les conditions d’existence des droits ancestraux des Métis 2.2.1. Le moment de naissance d’un droit ancestral métis 2.2.2. La continuité 2.2.3. Le rattachement au territoire 2.3. Le titre ancestral des Métis : une question épineuse 2.3.1. Le titre ancestral des peuples nomades 2.3.2. Les critères de la suffisance et de l’exclusivité ii 2.3.3. L’antériorité au contact: un obstacle insurmontable ressuscité 3. Le devoir de consultation : la conséquence juridique d’une promesse historique 3.1. L’étendue du devoir de consultation 3.1.1. L’effet potentiellement préjudiciable sur un droit un titre ancestraux 3.1.2. La justification de l’atteinte 3.2. L’efficacité de la consultation 3.2.1. Conciliation ou processus judiciaire : quelques critiques du système 3.2.2. L’évolution du devoir de consultation Habiletés II, Automne 2015, Droit constitutionnel © Rossita Stoyanova, 2015 1 INTRODUCTION Les droits ancestraux des autochtones tirent leur origine non pas de la générosité de la Couronne, mais du fait que ces peuples ont toujours été gouvernés de façon autonome et qu’ils ont occupé la plupart de ce qui est considéré le territoire canadien d’aujourd’hui1. En effet, le statut juridique distinct des autochtones en tant que minorités découle de leur présence antérieure à l’arrivée des Européens. En 1763, dans un cycle de négociations, la Couronne a promis aux autochtones, militairement forts à l’époque, de régler par le moyen de la conciliation tout différend concernant la propriété foncière ou l’utilisation des territoires sur lesquels elle est venue affirmer sa souveraineté2. Dans les siècles qui ont suivi, les colons sont devenus de plus en plus nombreux en hommes et en force militaire, alors que les autochtones qui ont acquiescé aux revendications de la Couronne en contrepartie de sa promesse ont connu une descente en enfer lorsque, décimés par les épidémies et la misère, ils se sont vus dépossédés de leurs territoires. Ce n’est que vers la 2e moitié du 20e siècle que la Cour suprême a commencé à reconnaitre les droits ancestraux des autochtones et à définir le devoir fiduciaire de la Couronne envers ces peuples. À travers une panoplie de procès constitutionnels complexes et étendus, fondés sur des expertises historiques abondantes, minutieusement analysées sous la loupe du droit de propriété de la common law, la jurisprudence s’est raffinée et uniformisée. Les Métis, quant à eux flottaient dans l’incertitude. Dans les années 80, certains auteurs allaient jusqu’à affirmer qu’il serait incohérent de les traiter comme un peuple distinct, puisque leur occupation des territoires en cause ne date pas des « temps immémoriaux »3. Cette controverse a été éliminée suite à l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 19824 qui a reconnu et confirmé les droits ancestraux existants et issus de traités des peuples autochtones, dont ceux des Métis. 1 Peter HOGG, « The Constitutional Basis of Aboriginal Rights », dans Mélanges en l’honneur d’Andrée Lajoie : Le droit une variable dépendante, Montréal, Thémis, 2008, p. 179. 2 Ghislain OTIS, Droit territoire et gouvernance des peuples autochtones, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, p. 1. 3 Thomas FLANAGAN, « The Case Against Métis Aboriginal Rights », (1983) 9 Anal. de pol. 322, 334 4 Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.) [ci-après « Loi de 1982 »] 2 L’objectif de cette dissertation est d’expliciter en quoi consiste le droit de consultation des Métis lors de la mise en œuvre d’un projet d’exploitation des ressources naturelles sur le territoire québécois. Pour y arriver, nous allons tout d’abord procéder à un survol jurisprudentiel de la reconnaissance des droits ancestraux en relation avec le devoir de consultation de la Couronne. Dans ce cadre, nous allons définir de manière large les droits ancestraux et nous expliquerons de quelle manière le devoir de consultation de la Couronne peut être déclenché. Nous enchainerons avec les distinctions applicables aux collectivités métisses, en examinant les caractéristiques qui font des Métis un peuple distinct. Plus loin, nous analyserons les éléments de preuve nécessaires dans la démonstration de l’identité métisse et présenterons les conditions d’existence d’un droit ancestral métis. Dans la dernière partie, nous ferons état de l’étendue du droit de consultation auquel pourrait s’attendre un groupe Métis et, nous jetterons un éclairage sur les obligations internationales du Canada envers les peuples autochtones. 1. Propos préliminaires au sujet des droits ancestraux et du droit de consultation en droit constitutionnel canadien Selon le professeur Otis, la doctrine des droits ancestraux est « une doctrine fondatrice pour le Canada, en ce qu’elle définit les conditions auxquelles l’État a acquis la souveraineté sur les autochtones et leur territoire5. Cependant, ce n’est qu’en 1973, dans l’arrêt Calder6 que la Cour suprême a pour la première fois reconnu au peuple Nisga un droit ancestral sur son territoire, qui a survécu à la colonisation. Cette reconnaissance a déclenché « une logique de transformation profonde du cadre juridique régissant les rapports entre la société majoritaire et les autochtones du pays »7. Ceci a incité le gouvernement du Canada à entreprendre des négociations avec les autochtones dans la Colombie-Britannique, une pratique qui avait été abandonnée dans les années 19208. Une douzaine d’années plus tard, dans l’affaire Guerin9, la Cour suprême a reconnu le titre ancestral de la bande Musqueam sur un terrain que la Couronne avait loué à un club de golf à des termes moins favorables que ceux négociés avec la bande. Le juge Dickson 5 Préc., note 2, G. OTIS, p. 3 6 Calder c. P.G.B.C., [1973] R.C.S. 313 [ci-après « Calder »]. 7 Préc., note 2, G. OTIS, p. 9 8 Préc. note 1, P.HOGG, p.180. 9 Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335 [ci-après « Guerin »]. Habiletés II, Automne 2015, Droit constitutionnel © Rossita Stoyanova, 2015 3 affirme au nom de la majorité que le droit des autochtones sur leurs terres donne naissance à une obligation fiduciaire sui generis de la Couronne10. Au moment que l’affaire Guerin était entendue, l’article 35 de la Loi de 1982 n’était pas encore entré en vigueur. La doctrine des droits ancestraux se fondait, alors, sur la common law, faisant en sorte que les droits ancestraux pouvaient être éteints par une simple loi, formulée en termes clairs et exprès. 1.1. La reconnaissance des droits ancestraux, à la source du devoir de consultation L’adoption de l’article 35 de la Loi de 1982 représente selon la Cour suprême « l’aboutissement d‘une bataille longue et difficile à la fois dans l’arène de la politique et devant les tribunaux pour la reconnaissance de droits ancestraux »11. Cette disposition a aussi eu pour effet de consacrer dans la constitution les obligations fiduciaires de la Couronne envers les peuples autochtones. Ainsi, dans l’arrêt R. c. Sparrow, la Cour suprême a confirmé que dorénavant les droits ancestraux jouissent d’une protection constitutionnelle, ne pouvant plus être éteints par une mesure législative12. Selon la Cour suprême, l’article 35 doit être interprété de manière généreuse, large et libérale, pour permettre la réalisation de ses objectifs13. Toutefois, en ce qui concerne les droits ancestraux comme tels, autrement que de les qualifier d’« uniques » ou de « sui juris »14, les tribunaux ont pris plus de temps pour circonscrire leur portée. 1.1.1. Définition des droits ancestraux La définition longtemps attendue des droits ancestraux a été formulée par la Cour suprême dans l’arrêt Van Der Peet15 en 1996. Le juge en chef Lamer, au nom de la majorité, énonce formellement que le droit ancestral est une coutume, pratique ou tradition 10 Préc., note 9, Guerin, 382. 11 [1990] 1 R.C.S. 1075, 1105 [ci-après « Sparrow »]. 12 Id., 1092. 13 Id., 1106. 14 Préc., note 9, Guerin, 1112. 15 R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507 [ci-après « Van der Peet »]. 4 qui fait partie intégrante d’une culture distinctive et qui marque une continuité avec une coutume, pratique ou tradition qui existait avant le contact avec les Européens16: « Pour être reconnue comme un droit ancestral, une coutume, pratique ou tradition n’a pas à être distincte, c’est-à-dire propre à la culture autochtone en cause. Les demandeurs autochtones doivent simplement montrer que la coutume, pratique ou tradition en cause est une caractéristique déterminante de leur culture. »17 (nos soulignements) Depuis Van Der Peet, la Cour suprême invite les juges de première instance à faire preuve de souplesse, tout en les mettant en garde qu’une coutume, pratique ou tradition accessoire ne suffit pas pour fonder l’existence d’un droit ancestral au sens de l’article 35. uploads/S4/ habiletes-ii-droit-constitutionnel-titre-ancestral-et-droit-de-consultation-des-metis-automne-2015.pdf
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- Publié le Sep 01, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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