ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS On peut se procurer ce numéro de la Revue

ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante : Les Éditions Thémis Faculté de droit, Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal, Québec H3C 3J7 Téléphone : (514)343-6627 Télécopieur : (514)343-6779 Courriel : themis@droit.umontreal.ca © Éditions Thémis inc. Toute reproduction ou distribution interdite disponible à : www.themis.umontreal.ca La lettre de France Jean-Claude HALLOUIN* Avant l’élection du nouveau président de la République dont la volonté de réforme est clairement affichée, et malgré une ambiance fin de règne sur le terrain politique, l’activité législative a été forte. Dans le domaine du droit des affaires, l’idée, qui certainement domine, est celle de la modernisation du droit, de son adaptation à la mondialisation. Cela s’est traduit presque toujours par l’intro- duction en droit français d’institutions ou de règles qui viennent des pays de common law. Notre propos sera de vous présenter quel- ques-unes des principales innovations sans nous livrer nous-même – faute de connaissance suffisante des droits nord-américains – à la comparaison avec le modèle initial. Trois réformes ont été retenues. Dans l’ordre d’adoption des textes : l’introduction des actions de préférence, qui résulte de l’ordonnance du 24 juin 2004 sur les va- leurs mobilières (I) ; la réforme des procédures collectives par la loi du 26 juillet 2005 (II) et l’introduction de la fiducie par la loi du 19 fé- vrier 2007 (III). I. Les actions de préférence Le droit des sociétés a été l’objet, par une ordonnance du 24 juin 2004, d’une importante réforme des règles applicables aux valeurs mobilières. Un aspect ne sera pas traité : les augmentations de capi- tal en numéraire, qui sont facilitées par de plus larges possibilités, pour l’assemblée générale, de déléguer à la direction le pouvoir de * Professeur émérite à la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers. Je tiens à remercier MM. Michel Boudot et Pascal Rubellin, maîtres de conférences à la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers pour leurs relectures partielles de mon texte. J’en assume bien évidemment seul la responsabilité. Les références bibliographiques ont été volontairement limitées au strict mini- mum. Pour d’éventuels compléments ou précisions, je suis joignable à l’adresse de courriel suivante: <jean.claude.hallouin@univ-poitiers.fr>. (2009) 43 R.J.T. 177 178 réaliser l’augmentation. Bien que ce soit très intéressant, ce sont des règles qui sont trop liées à la pratique, en outre sur le territoire français, pour devoir retenir l’attention ici. Nous nous arrêterons sur l’autre aspect majeur de la réforme : l’introduction des actions de préférence, inspirées des golden shares. À vrai dire, il ne s’agit pas d’une innovation totale. Il existait déjà certaines catégories particulières de valeurs mobilières conférant à leurs titulaires certains avantages. Les exemples sont bien connus : obligations convertibles en actions, obligations échangeables en actions, actions à dividende prioritaire sans droit de vote, certificats d’investissement, certificats de vote, etc. Il y avait aussi, de manière plus générale, la possibilité de créer des catégories d’actions, les actions d’une catégorie étant dotées de prérogatives particulières leur permettant d’avoir une certaine priorité par rapport aux autres. Ces dispositions restent en vigueur pour les titres qui ont été émis avant la réforme. Mais ce sont des catégories qui sont désormais en voie d’extinction. Elles sont remplacées par une nouvelle notion qui a vocation à englober le tout: les actions de préférence1. L’article L. 228-11 du Code de commerce est ainsi rédigé : « Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts dans le res- pect des dispositions des articles L. 225-10 et L. 225-122 à L. 225- 125 ». Le texte laisse une très grande liberté. Liberté du moment : lors de la constitution ou au cours de la vie de la société. Liberté d’aménagement du droit de vote : il est permis de le supprimer. Liberté des autres avantages reconnus aux actions : droits particu- liers de toute nature. Liberté de la durée : permanent ou temporaire avec cette précision que temporaire inclut la possibilité de subor- donner l’apparition ou la disparition du droit particulier à la surve- nance d’un terme ou d’une condition. D’une certaine manière l’imagination est au pouvoir. Il va bien évidemment être possible de faire la même chose (ou à peu près) que ce qui existait auparavant, mais sans toutes les contraintes qui étaient imposées. Par exemple, 1 Thierry BONNEAU, Dr. sociétés 2004, no 151; Alain VIANDIER, JCP E 2004, no 40, p. 1528 ; Véronique MAGNIER, D. 2004. Chron. 2559 ; Paul LE CANNU, RTD com. 2004. 533 ; Michel GERMAIN, Rev. sociétés 2004. 597 ; Dr. et patr. oct. 2004. 82 ; Thibault MASSART, Dr. et patr. oct. 2004. 84; Jean-Jacques DAIGRE, RD banc. fin. 2004. 364. LA LETTRE DE FRANCE 179 les actions à dividende prioritaire sans droit de vote retrouvaient leur droit de vote si, à la suite de trois exercices successifs, le divi- dende prioritaire n’avait pas été intégralement distribué. Il n’y a plus ce genre de précision dans la loi. Si bien que l’aménagement de la conséquence de la non-distribution du dividende prioritaire relève du contrat d’émission. Il peut aussi bien se montrer plus sévère, que moins sévère, que la loi ancienne. Les exemples pourraient être multipliés, notamment avec les obligations convertibles, etc. D’autant que tout ceci peut se combiner avec des bons de souscription dont le régime est unifié sous le vocable de « valeurs mobilières donnant accès au capital »2. Si bien que si l’on devait synthétiser, il faudrait dire que, de manière générale, il est possible avec les actions de pré- férence d’accorder des préférences pécuniaires et/ou des préféren- ces politiques. Par exemple, toutes sortes de préférences dans la distribution du dividende (prioritaire, préciputaire, etc.), des préfé- rences dans le droit de vote de l’actionnaire ou encore des préféren- ces dans la désignation de tout ou partie des dirigeants. Pour cela, il faudra passer par l’émission de catégories d’actions puisque, les actions étant des valeurs mobilières, elles doivent don- ner des « droits identiques par catégorie »3. C’est une contrainte technique qui n’est pas forcément très gênante et qui, par ailleurs, n’est pas exclusive d’avantages particuliers que les statuts peuvent reconnaître à certaines personnes. Le contrat d’émission des actions de préférence, éventuellement après négociation avec le partenaire qui va les souscrire (et l’on songe ici aux sociétés de capital-risque), va fixer la nature et l’éten- due des prérogatives particulières reconnues aux titulaires. La liberté est très grande. Mais comme toujours en droit, elle n’est pas absolue. Les limites ne sont pas les mêmes pour les prérogatives pécuniaires et pour les prérogatives politiques. Pour les prérogatives pécuniaires, la limite vient du droit com- mun des sociétés. Elle est connue sous le nom de prohibition des clauses léonines4. Cette prohibition se caractérise par trois traits. Tout d’abord, elle est propre aux sociétés. Mais en droit français il 2 Art. L. 228-91 et suiv. C. com. 3 Art. L. 211-2 C. monét. et fin. 4 Art. 1844-1 C. civ. Emmanuelle CLAUDEL, « Clauses léonines extra-statutaires : les voies d’un compromis », dans Mélanges Jeantin, Paris, Dalloz, 1999, p. 183. (2009) 43 R.J.T. 177 180 n’y a pas la distinction entre les sociétés et les compagnies. Les sociétés par actions sont des sociétés, comme telles soumises au droit commun des sociétés qui se trouve dans le Code civil. Ensuite la prohibition des clauses léonines a trait aussi bien aux bénéfices qu’aux pertes. Elle interdit qu’un associé soit privé de toute voca- tion aux bénéfices, mais aussi de toute contribution aux pertes. Bénéfices comme pertes doivent être partagés ou répartis entre tous les associés même si ce partage ou cette répartition sont iné- gaux. Il convient toutefois de noter que ce partage ou cette réparti- tion s’apprécie sur la durée totale de vie de la société, si bien que la clause qui priverait un associé de bénéfices pendant un ou quelques exercices ne tombe pas sous le coup de la prohibition. Enfin la pro- hibition vise, en principe, aussi bien les clauses statutaires que les conventions extra statutaires. Mais elle ne vise que ce qui relève du pacte sociétaire lui-même et non les conventions passées entre deux ou quelques associés. C’est ainsi que la convention de por- tage, après des discussions, a eu sa validité reconnue par la Cour de cassation5. Si les actions de préférences n’avantagent pas leurs titulaires au point de priver les autres de bénéfices, si elles ne font pas échapper leurs titulaires à toute contribution aux pertes, elles ne seront pas menacées par la prohibition des clauses léonines. Sous réserve de respecter ces limites, les actions de préférence peu- vent créer toutes sortes d’avantages pécuniaires au profit de leur titulaire. Pour les prérogatives politiques, les limites sont plus nombreu- ses et plus spécifiques. La première et la principale prérogative poli- tique est le uploads/S4/ hallouin.pdf

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  • Publié le Oct 16, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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