H I S T O I R E D U D R O I T I N T E R N A T I O N A L P R I V E B E R T R A N

H I S T O I R E D U D R O I T I N T E R N A T I O N A L P R I V E B E R T R A N D A N C E L U N I V E R S I T E P A N T H E O N - A S S A S ( P A R I S I I ) B E R T R A N D A N C E L 2008 2 U N I V E R S I T E P A N T H E O N - A S S A S ( P A R I S I I ) B E R T R A N D A N C E L 2008 3 L'histoire, dans la civilisation occidentale, est une dimension de la connaissance dont chacun, plus ou moins, a la familiarité. Il est à peine besoin de la définir. On se contentera banalement d'y voir une perspective, à vrai dire une rétrospective, que ceux qui s'y engagent garnissent d'une multitude d'évènements et de mouvements constitutifs de la vie des hommes et qui présentent cette particularité d'être d'ores et déjà accomplis; en quoi, s'échelonnant ou s'allongeant dans un temps révolu, ils appartiennent au passé. Ce n'est pas leur seule qualité, mais c'est leur qualité distinctive. Quoique pur produit de la même civilisation occidentale, le droit international privé ne saurait, encore à l'heure actuelle, se prévaloir de la même familiarité. Dans la mesure où cette discipline offre son passé aux regards de l'histoire, il importe donc de la définir. Mais précisément parce qu'il s'agit ici d'histoire et que celle-ci met au jour divers avatars de la matière, la définition doit être compréhensive, libérée de la problématique contemporaine et suffisamment générale pour embrasser ses états successifs. Il faut alors poser que le droit international privé est la branche du droit qui est chargée de gérer la rencontre des rapports d'intérêts privés avec la diversité des ordres juridiques. Pareille définition appelle un peu d'explication. Intérêts privés. Id quod interest : ce qui importe, ce qui donc justifie l'action, ce qui met le sujet en mouvement. Les interêts ici en cause sont ceux qui déterminent les personnes privées, personnes physiques ou morales, à prendre part à la vie sociale1. Il s'agit, selon la distinction 1 Faut-il préciser qu'aujourd'hui ces intérêts peuvent aussi être ceux de personnes publiques : l'Etat ou ses émanations (pour le dire en langage contemporain) ? Certes, ces personnes de droit public sont instituées pour le service des intérêts de la collectivité, d'intérêts par conséquent communs à l'ensemble des membres du corps social et qui, pour cela, demandent une gestion collective, exercée selon des modalités particulières. Mais si, pour remplir leurs missions d'intérêt public, ces personnes morales de droit public ont besoin de ressources et de moyens, ceux-ci ne sont pas tous nécessairement placés sous un régime exorbitant du droit commun; là où la bonne exécution du service public ne requiert pas une telle réglementation U N I V E R S I T E P A N T H E O N - A S S A S ( P A R I S I I ) B E R T R A N D A N C E L 2008 4 traditionnelle dans les systèmes romano-germaniques, des intérêts patrimoniaux que protègent le droit des biens et le droit des obligations et des intérêts extra-patrimoniaux que vient garantir le droit des personnes et de la famille. Classification éprouvée, désormais presque banale, sur laquelle il n'est nul besoin de s'attarder. Relations d'intérêts privés. Il s'agit de la forme bénigne d'une réalité quotidienne : le conflit d'intérêts privés. Dans la vie sociale, l'action, le mouvement que déclenche l'intérêt portent le sujet au contact de ses semblables; il nouera ainsi des rapports d'intérêts dans la mesure où l'intérêt d'autrui est ou risque d'être affecté par cette action, par ce mouvement. La relation peut néanmoins être paisible. Les titulaires des intérêts antagonistes ont pris les arrangements appropriés : le vendeur a reçu la somme d'argent qui lui faisait défaut, l'acquéreur le bien qu'il convoitait. Ou plus simplement, chacun se conforme à un modèle de conduite qui, s'il lui impose aujourd'hui quelque sacrifice à l'avantage d'autrui, lui assurera, demain en d'autres circonstances, le profit dont autrui supportera la charge. Ce modèle de conduite est dicté par la règle de droit. Mais le conflit d'intérêts peut prendre aussi une forme maligne. Il donne lieu alors à un litige, lequel en se coulant dans une procédure devant une juridiction débouchera sur un jugement qui le tranchera en fixant les droits et obligations de chacun des adversaires. Il est vrai que, dans la pratique, l'antagonisme des intérêts ne semble pas découler fatalement de la pluralité des titulaires. Des institutions aussi éprouvées que le mariage ou la société imposent la figure de l'alliance et de la complémentarité. L'affectio coniugalis, l'affectio societatis expriment clairement la convergence des intérêts déterminant une entreprise commune. Cependant cet esprit de concorde et de coopération ne prend un relief juridique que dans la perspective de sa défaillance, laquelle engendre les conflits - éventualité que précisément la mise en place de ces institutions se propose de prévenir ou, à défaut, de contenir. dérogatoire, les ressources et moyens des personnes de droit public relèvent du régime des intérêts privés. Ainsi, les intérêts privés dont s'occupe le droit international privé sont ceux des personnes privées et ceux des personnes publiques qu'il n'est pas nécessaire de soustraire au droit commun. U N I V E R S I T E P A N T H E O N - A S S A S ( P A R I S I I ) B E R T R A N D A N C E L 2008 5 Ordres juridiques. Ceux-ci constituent l'autre terme de la rencontre qui est l'objet du droit international privé. Aujourd'hui, le plus souvent aux yeux du juriste, les ordres juridiques coïncident avec les Etats; mais, en vérité, ils existent et ont existé sous d'autres formes : les cités antiques, les tribus d'Israel, les peuplades barbares, les communes médiévales, les Eglises, les congrégations religieuses, la franc-maçonnerie, les corporations, les ligues sportives, les institutions de convivialité (clubs, confréries, sociétés savantes) etc… C'est que, dans la généralité de la notion, un ordre juridique rassemble les relations entre individus qui, parce qu'elles se modèlent avec une constance suffisante sur un fonds homogène de valeurs généralement acceptées et un système commun de régulation des comportements, se constituent en un réseau formant un corps social différencié. Cette définition a une valeur opératoire incontestable en ce qu'elle permet de cerner toutes les formes de vie sociale juridiquement constituée – généralement au moyen d'un système juridique2 plus ou moins développé selon l'ampleur du champ que se propose de régir l'ordre considéré et dont la réalisation la plus achevée est aujourd'hui offerte par l'Etat moderne. Pluralité des ordres juridiques. Ces ordres juridiques, chacun en son temps, coexistent ou coexistaient avec d'autres. C'est que l'homme, ainsi qu'Aristote l'enseignait, est un animal social, il vit en société. Mais si une société se forme en stabilisant, sur la base d'une intercompréhensibilité immédiate, un système d'échange social optimal entre les individus, le caractère limité des moyens de communication de toute nature (géographique, économique, juridique, linguistique, culturelle, sociale etc) qu'il lui faut pour cela mettre en oeuvre, empêche d'atteindre aussitôt à l'universalité du "village global". Les hommes se répartissent en sociétés relativement restreintes, distinctes les unes des autres et le monde est ainsi morcellé en ordres juridiques séparés. Cependant, même voué à vivre et à s'épanouir au sein d'une communauté sociale constituée, l'homme est aussi un être doué de mobilité sociale, capable de s'accomplir chez les autres comme chez lui, à l'étranger comme dans sa patrie. Il étend ou se propose 2 On définira alors le système juridique comme le corps des règles en vigueur dans un ordre juridique et qui se réunissent en un ensemble structuré sur le plan formel (du point de vue de la validité, des sources, des compétences et de l'organisation) et coordonné sur le plan substantiel (du point de vue de la teneur des règles et de leur articulation en institutions). U N I V E R S I T E P A N T H E O N - A S S A S ( P A R I S I I ) B E R T R A N D A N C E L 2008 6 d'étendre ainsi les échanges au delà des frontières de son ordre d'origine3. Dans certains cas, qu'il faudra délimiter sans plus tarder car ils sont ceux sur lesquels le présent ouvrage veut porter le regard de l'historien, cette aptitude soulève aussitôt deux questions. Un bref survol de la nomenclature à l'instant esquissée dévoile que les ordres juridiques ne sont pas tous égaux devant le risque d'interférence inhérent à leur pluralité. Deux catégories se distinguent. Il est uploads/S4/ histoire-2008.pdf

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  • Publié le Mai 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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