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revue critique de jurisprudence belge 13 R.C.J.B. - 1er trim. 2014 Dès lors que, ainsi qu’il résulte de la réponse au premier moyen, l’arrêt décide légalement que la vente est nulle pour avoir été conclue avant la délivrance du permis de lotir, le moyen, qui est dirigé contre des considérations surabondantes, ne saurait entraîner la cassation et est, partant, dénué d’intérêt. La fin de non-recevoir est fondée. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi (…) NOTE Exigences administratives et condition suspensive dans la vente immobilière 1. — Vente immobilière et condition suspensive. La vente, qu’elle soit mobilière ou immobilière, est un contrat consensuel. Aussi est-elle parfaite dès que les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix, encore que le bien qui en est l’objet n’ait pas été livré à l’acquéreur (1). Le principe du consensualisme emporte de nombreuses conséquences ; parmi celles-ci, figurent le transfert immédiat de la propriété du bien, ainsi que celui des risques (2). Il est cependant fréquent que les parties dérogent à ce principe. Tel est notamment le cas lorsqu’elles entendent tenir compte d’un, ou plusieurs, événements futurs, dont la réalisation est incertaine. Le caractère prévisible de cet (ou ces) événement(s) permet précisément aux parties d’en anticiper les effets sur le plan juridique (3). À cette fin, les parties font dépendre l’exé- cution du contrat, ou d’une obligation, de la réalisation, ou non, d’un événe- ment (par exemple, la délivrance d’un permis d’urbanisme) ou de la révélation de certaines informations encore inconnues par elles (par exemple, l’état de pollution du bien). C’est à cet objectif fondamental que répond la condition suspensive. Cet instrument contractuel apparaît donc comme un moyen d’anticipation de l’avenir. En d’autres termes, il s’agit pour les parties, tout en concluant le contrat, d’en adapter les conséquences juridiques en fonction d’un événement futur et incertain. (1) La règle est d’ailleurs rappelée par l’article 1583 du Code civil, qui énonce que « [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » (art. 1583 C. civ.). (2) En effet, res perit domino. (3) En revanche, la condition suspensive ne vise pas à tenir compte d’événements futurs imprévisibles. De tels événements sont soit appréhendés contractuellement (au travers, par exemple, de clauses de hardship) ou légalement (au travers, dans le cas où elle est reconnue par la loi, de la théorie de l’imprévision). Lorqu’ils rendent impossible l’exécution d’une ou des obligations de l’une ou de l’autre des parties, de tels événements peuvent constituer une cause étrangère libératoire, à la condition que leur survenance soit étrangère à toute faute de la partie qui l’invoque. R.C.J.B. 1/2014 Bruylant - © Groupe Larcier xavier.ghuysen@gmail.com / FODJ-SPFJ 39811 Ghuysen Xavier / xavier.ghuysen@gmail.com 14 revue critique de jurisprudence belge R.C.J.B. - 1er trim. 2014 2. — Condition suspensive et exigences administratives. La vente immobilière se révèle être un terreau particulièrement fertile pour l’utilisa- tion de la condition suspensive. La pratique de la condition suspensive est, ainsi, bien connue en ce qui concerne les possibilités de financement de l’ac- quéreur (4). Ces dernières années, elle s’est par ailleurs fortement développée en lien avec la multiplication des exigences urbanistiques, environnementales et énergétiques relatives aux biens immeubles. La matière de la vente immo- bilière se voit en effet touchée par une véritable « épidémie de production législative et réglementaire » (5). Il en découle de nombreuses incertitudes quant à la situation (urbanistique ou autre) des biens immeubles et, assez logiquement, un phénomène de ralen- tissement des transactions immobilières. Or, cette évolution cadre mal avec la rapidité qui est régulièrement exigée par les parties afin de conclure les opérations juridiques qui portent sur des biens immeubles. Car, à défaut de conclure la vente assez rapidement, les parties courent le risque de voir leur (potentiel) cocontractant se tourner vers un tiers afin de conclure une opéra- tion plus avantageuse, voire plus accommodante. La condition suspensive présente, par ailleurs, un intérêt tout particulier sur le plan fiscal. En effet, la vente immobilière qui est conclue sous condition suspensive ne donne lieu, tant que la condition est pendante, qu’à la perception du droit fixe général. Ce n’est que si la condition se réalise que le droit proportionnel est dû, sauf imputation du droit fixe déjà acquitté (6). 3. — Objet et plan de l’étude. Dans l’arrêt commenté du 24 février 2011, la Cour de cassation examine la validité de la vente d’un lot qui est conclue sous la condition suspensive de la délivrance d’un permis de lotir (devenu aujourd’hui, en Région wallonne, permis d’urbanisation). À la diffé- rence des quelques décisions (publiées) prononcées antérieurement par des juri- dictions de fond sur cette même question (7), la Cour décide que pareille vente n’est pas valable ; elle conclut à sa nullité absolue, eu égard au caractère d’ordre public de la disposition légale violée. L’arrêt de la Cour nous donne l’occasion de nous pencher sur la question de la validité de l’utilisation de la condition suspensive, en matière de vente immobilière, en rapport avec les exigences de nature urbanistique, environnementale et énergétique. Cette question suscite un intérêt croissant pour tous les praticiens du droit immobilier (8), en raison de l’inflation législative que connaît la matière du droit administratif immobilier. La réponse à cette question suppose une connaissance approfondie de la notion de condition suspensive. Nous exposons dès lors, dans une première (4) Pour un examen de la jurisprudence récente relative à la condition suspensive de l’obtention d’un crédit, en matière de vente immobilière, voy. B. Kohl, La vente immobilière. Chronique de jurisprudence 1990-2010, coll. Les dossiers du J.T., no 90, Bruxelles, Larcier, 2012, spéc. pp. 201‑208, nos 119-121. (5) L. Barnich, « La vente immobilière : difficultés de la promesse de vente d’immeuble », in B. Tilleman et P.‑A. Foriers (dir.), La vente/De koop, série « droit et entreprise », no 4, Bruges, La Charte, 2002, pp. 197‑220, spéc. p. 199, no 1. (6) Article 16 du Code des droits d’enregistrement. (7) Voy. infra, no 23, in fine. (8) Notamment les notaires, dont l’activité se trouve aujourd’hui « sous le joug du droit administratif » (D. Jans, « L’activité notariale sous le joug du droit administratif », Rev. not. b., 2011, pp. 741‑748). R.C.J.B. 1/2014 Bruylant - © Groupe Larcier xavier.ghuysen@gmail.com / FODJ-SPFJ 39811 Ghuysen Xavier / xavier.ghuysen@gmail.com revue critique de jurisprudence belge 15 R.C.J.B. - 1er trim. 2014 partie (section 1), les traits généraux du régime de la condition suspensive. Outre la définition du concept, nous nous efforcerons d’en décrire les condi- tions de validité ainsi que ses principaux effets juridiques. Dans une seconde partie (section 2), nous analysons, au départ de l’arrêt de la Cour de cassation annoté, la question de la validité de l’utilisation de la condition suspensive, dans la vente immobilière, en rapport avec les exigences administratives. Outre une appréciation critique, essentiellement positive, de la décision du juge de cassation, nous tentons de brosser les principales lignes directrices de la pratique de la condition suspensive en lien avec différentes catégories de formalités issues du droit administratif. Section 1. — La condition suspensive et les contrats — Rappel du droit commun § 1. — Définition et distinctions 4. — Définition. La condition constitue un événement futur et incer- tain, dont dépend l’exécution ou l’extinction d’un droit. L’obligation est alors qualifiée de « conditionnelle », en ce qu’elle est frappée d’un élément d’incerti- tude. La condition est soit suspensive, soit résolutoire. Dans le premier cas, l’incertitude concerne l’exécution de l’obligation ; dans le second, elle a trait à l’extinction de celle-ci. Cette distinction, d’ailleurs reprise par le Code civil, est fondamentale (9). Tous les autres types de conditions — qu’elles soient casuelles, mixtes ou potestatives (10) — en découlent. 5. — Polysémie de la notion de « condition ». La notion de « condi- tion » revêt plusieurs significations dans le droit des contrats (11). La notion (9) La doctrine classique a cependant remis en cause cette distinction. Selon de nombreux auteurs, la condition résolutoire n’aurait d’autre effet que de mettre la résolution de l’obli- gation (ou du contrat tout entier) sous condition suspensive. La résolution du contrat serait, en quelque sorte, suspendue à la survenance d’un événement futur et incertain. Il n’y aurait donc, au final, qu’une seule sorte de condition, à savoir la condition suspensive (voy. not. : H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. I, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 228, no 155 ; M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. VII, Paris, L.G.D.J., 1931, p. 332, no 1025 ; F. Laurent, Principes de droit civil, t. XVII, 3e éd., Bruxelles, Bruy- lant, 1878, pp. 49‑54, nos 32-34). Cette conception n’emporte pas notre entière conviction. Au premier chef, il convient de souligner que les conditions résolutoire et suspensive ne suivent pas entièrement le même régime juridique. Ainsi, la condition uploads/S4/ jurisprudencia-belga-condicion-suspensiva.pdf

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  • Publié le Oct 07, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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