Centre de Droit Maritime et des Transports UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET D
Centre de Droit Maritime et des Transports UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT ___________________________________________________________________________ LA CONVENTION DE ROME ET LES CONTRATS MARITIMES ___________________________________________________________________________ Mémoire de Master 2 pofessionnel de Droit Maritime et des Transports Présenté par Mlle Chérifa BEN FADHEL Sous la direction du Professeur Christian SCAPEL Année universitaire2006/2007 1 REMERCIEMENTS Que les professeurs Pierre Bonassies et Christian Scapel trouvent ici l’expression de ma profonde reconnaissance ; M. Bonassies pour sa disponibilité et ses encouragements tout au long de cette année, M. Scapel pour m’avoir reçu au sein du CDMT ainsi que pour sa sollicitude lors de l’encadrement de mes travaux de recherches. Je souhaite également exprimer mes sincères remerciements à tous mes Professeurs pour leurs précieux enseignements. 2 INTRODUCTION Voilà que peu à peu se réalise la prophétie de Montesquieu : « L’Europe est un Etat composé de plusieurs provinces »1. L’Europe a besoin de constructions juridiques pour consolider son rêve d’unification. La construction de l’édifice européen nécessite l’harmonisation des diverses branches du droit (à défaut de les unifier) notamment celles qui régissent le commerce international. L’unification du droit international privé2 semble être un bon moyen pour arriver à cette harmonie. Cette unification peut avoir des conséquences sur le droit maritime3. Comme deux frères ennemis, ces deux branches du droit ont injustement tendance à s’ignorer. Chacune d’elle évolue en faisant presque abstraction de l’autre. Et pourtant, le droit maritime n’est il pas international par nature ? Ne soyons pas pessimiste, le divorce n’est pas encore prononcé ! DIP et droit maritime se côtoient encore et toujours ; il est vrai, plus souvent lors de litiges devant les juges ou les arbitres que sur les bancs des facultés de droit. Mais qu’y a-t-il de si étonnant, dans ce monde matérialiste où le pragmatisme est roi ? Le recours au droit international privé peut être l’ultime chance pour gagner un litige relatif au commerce maritime. Des résultats intéressants et décisifs naissent de la rencontre du droit maritime et du DIP. L’arrêt « American Trading Company » de 1910 en est le meilleur exemple4. Il est révélateur de l’interférence entre ces deux matières et de leur enrichissement mutuel. C’est à l’occasion de ce litige relatif à un contrat de transport maritime de marchandises que fut affirmé le principe selon lequel les contrats internationaux relèvent de la loi expressément ou implicitement choisie par les parties. Aujourd’hui, la loi d’autonomie est un principe universel du droit des contrats internationaux. 1 Robert Maillard (rédacteur en chef), « La construction européenne », in « Chronique de l’humanité », p. 1095, Belgique 1990. 2 « Le droit international privé est la branche du droit privé dont l’objet est d’apporter un règlement approprié aux relations privées présentant un caractère international », Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p.491 3 « Le droit maritime peut être défini comme l’ensemble des règles juridiques spécifiques directement applicables aux activités que la mer détermine », P. Bonassies et Ch. Scapel, « Traité de droit maritime », LGDJ, 2006, p.1. 4 B. Ancel et Y. Lequette, « Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé », Dalloz, 5ème édition, 2006, n°11, p.94. 3 Les faits d’espèce de cette affaire révèlent qu’en 1905 la société maritime « Québec Steamship Co. » a effectué un transport maritime de sacs de farine de froment entre le port de New York et le port de Pointe-à-Pitre. La marchandise est arrivée avariée parce qu’elle a été chargée à côté d’engrais chimiques transportés sur le même navire (faute d’arrimage). Le destinataire de la marchandise a assigné le transporteur devant les tribunaux français et a invoqué en 1ère instance l’application du droit américain et plus exactement la mise en œuvre du « Harter Act » de 1893 (qui prohibe et déclare nulles les clauses d’exonération de responsabilité) au motif que le contrat est régi par la loi du lieu de sa conclusion (locus regit actum). Le destinataire a eu gain de cause en 1ère instance, mais fut débouté en appel à cause de la clause d’irresponsabilité qui figurait dans la charte partie. La Cour de cassation française a rejeté le pourvoi interjeté par le destinataire au motif que « la loi applicable aux contrats, soit en ce qui concerne leurs formations, soit quant à leurs effets et conditions, est celle que les parties ont adoptées ». L’arrêt de la Cour de cassation affirmait aussi que le destinataire « n’ignorait pas que cette clause (c’est-à-dire la clause d’exonération de responsabilité) devait être exécutée sur le territoire français où elle est considérée comme licite ». L’arrêt « American trading Co.» aurait pu être connu, selon la coutume maritime, sous le nom du navire qui transportait la marchandise, le Korona. Il atteste du lien étroit qui existe entre DIP et droit maritime ; ou plus exactement entre DIP et contrats maritimes. Le droit maritime connaît depuis la haute antiquité de nombreux contrats : le contrat de vente de navire, le contrat d’engagement maritime, les chartes parties. Avec le développement du commerce maritime sont nés d’autres contrats tels que le contrat de transport maritime de marchandises, le contrat d’assistance, le contrat de remorquage, le contrat d’assurance, le contrat de manutention, de commission…5 L’étude de l’histoire du droit maritime témoigne aussi du rapport intime que cette branche du droit entretient avec le DIP. La première lex mercatoria du Moyen age ne fut-elle pas une lex maritima ?6 De même, le problème du contrat sans loi ne s’est-il pas posé d’abord à l’occasion de la mise en œuvre des Paramount clauses dans des contrats de transport maritime 7? Les contrats maritimes que nous nous proposons d’examiner attestent aussi du rapport étroit entre DIP et droit maritime. 5 Ph. Délebecque, « le particularisme des contrats maritimes », in. «Etude de droit maritime à l’aube du XXIème siècle. Mélanges offerts à Pierre Bonassies », édit. Moreux, p.127. 6 William Tetley, « Marine cargo claims », 3ème éd., éditeur Yvon Blais, Montréal 1988. 7 Grands arrêts, n°22. 4 Pour le besoin de cette recherche, seront étudiés quatre contrats maritimes en particulier : le contrat de transport maritime de marchandises, le contrat d’affrètement, le contrat d’engagement maritime et le contrat de vente de navires. Cet échantillonnage se justifie d’abord par l’impossibilité matérielle d’étudier tous les contrats maritimes. Ensuite, ces quatre contrats ont un rapport ambivalent avec le DIP. L’intérêt est de voir les différentes possibilités d’application de la Convention de Rome à ces contrats maritimes. Cette étude portera sur ces contrats maritimes quand ils sont des contrats internationaux. La définition du contrat international a fait couler beaucoup d’encre. Tous les critères de définition du contrat international retenus peuvent être réduit à deux. D’abord, celui de l’existence d’un élément d’extranéité8. Le deuxième critère, (ou plutôt définition), est celui retenu par l’article 1492 du NCPC : le contrat est international lorsqu’il met en cause les intérêts du commerce international9. Malgré son importance, la problématique de la définition du contrat international ne sera pas traitée dans ce mémoire. C’est pour des raisons pratiques que seront retenues les deux définitions exposées ci-dessus. Par ailleurs, en maritime, l’hésitation quant à la qualification du contrat d’international ou d’interne se pose rarement. En plus, la Convention de Rome parle « d’obligations contractuelles », évitant ainsi toute controverse quant à la définition du contrat international. Tous ces contrats maritimes ont pour but commun de faciliter et d’organiser le commerce maritime. Comme on l’a déjà mentionné, ils sont fréquemment, voire même très souvent des contrats internationaux. Ils sont aussi des contrats spéciaux en raison du particularisme du domaine dans lequel ils interviennent. C’est pour cette raison qu’ils obéissent à des règles spéciales, généralement des règles matérielles qui relèvent de la branche du droit maritime. Toutefois, ils restent des contrats internationaux soumis donc au DIP et plus précisément aux règles de conflit de lois. En France, les contrats internationaux sont soumis à la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Il s’agit d’une convention internationale d’unification de règles de conflit de loi. Elle ne donne pas la solution matérielle à un litige mais désigne la loi qui doit lui être appliquée. 8 On donne le même sens à l’adjectif « international » que celui dans la définition du DIP. 9 Sur la question de la définition du contrat international, V. notamment Antoine Kassis, « Le nouveau droit européen des contrats internationaux », LGDJ, 1993, Titre 1er. J-M Jacquet, « Principe d’autonomie et contrats internationaux », Economica, 1983. 5 La Convention de Rome a été signée par les Etats européens le 19 juin 1980 et est entrée en vigueur le 1er avril 1991. Selon son article premier, elle est applicable « dans les situations présentant un conflit de lois, aux obligations contractuelles ». Le paragraphe 2 du même article exclut une liste de matière du champ d’application de la convention10. Il s’agit d’une convention ayant un caractère universel, en ce sens qu’elle s’applique même si la loi qu’elle désigne est celle d’un Etat qui n’est pas uploads/S4/ la-convention-de-rome 1 .pdf
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- Publié le Mar 25, 2022
- Catégorie Law / Droit
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