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Page 1 Page 2 Document 1 de 1 Revue de Droit bancaire et financier n° 4, Juillet 2010, étude 19 La correspondance bancaire et le règlement Rome I Etude par Malika Douaoui-Chamseddine maître de conférences (Paris 13) membre de l'IRDA diplômée de l'IEP de Paris Sommaire Les transferts de fonds internationaux font largement appel à la pratique du correspondant bancaire. Cette dernière s'inscrit dans le cadre d'une relation contractuelle de correspondance tissée entre des banques localisées dans différents États et crée ainsi des conflits de lois potentiels. Substantiellement, le nouveau règlement Rome I ne présente pas de caractère novateur en comparaison avec la convention de Rome en matière de détermination de la loi applicable. Néanmoins son application suscite des interrogations, notamment en matière d'ordre public et de lois de police. 1. - Définition. - La correspondance bancaire est née de la pratique des banques. Elle repose sur une convention de correspondance, généralement définie comme celle conclue entre une banque correspondante et une autre banque à laquelle la première délivre des services bancaires, afin de permettre à la seconde d'accomplir des opérations financières internationales pour son compte et celui de ses clients, dans un pays où celle-ci n'a pas d'implantation physiqueNote 1. 2. - Choix du correspondant. - Les banques choisissent leurs correspondants étrangers en prenant en compte plusieurs facteurs, qui sont principalement au nombre de quatre. Le premier est la confiance, compte tenu des informations sensibles échangées avec le correspondant. Sa réputation, ses compétences et sa discrétion y participent. Il s'agit essentiellement d'éviter le financement d'activités terroristes et les risques de blanchiment de fonds. Le deuxième se réfère aux services proposés : la sécurité du système de télétransmission des paiements, sachant notamment que certains pays du tiers-monde n'utilisent pas SWIFT (Society for worldwide interbank financial telecommunication), l'accès aux devises, opérations et zones géographiques recherchées. Le troisième est le coût des services de correspondance qui sont traditionnellement rémunérés par le maintien d'un solde créditeur par la banque émettrice auprès du correspondant. En cas d'insuffisance des dépôts reçus ou de stipulation contraire, une commission sera fixée au profit du correspondant. Enfin, la politique monétaire et la stabilité du régime de l'État de localisation du correspondant influant sur les taux d'intérêts et les prêts que peut accorder le correspondant ne seront pas négligéesNote 2. 3. - Organisation de la relation. - La relation de correspondance bancaire est entretenue par l'existence de soldes créditeurs, d'opérations interbancaires (virements, conseils en investissement, compensation de chèques, etc.) et l'envoi d'informations. Le correspondant bancaire peut être une banque étrangère Page 3 indépendante, ou encore une filialeNote 3 ou une agence implantée dans l'État recherché appartenant à la banque étrangère émettriceNote 4. 4. - Conflit de lois. - La correspondance bancaire fait donc largement appel à des banques établies dans des États différents et crée ainsi une situation comportant un conflit de lois. Elle est objectivement internationale, le rattachement à deux ordres juridiques distincts étant constatable, avant tout recours en justiceNote 5. Il en résulte qu'immanquablement, le juriste qui s'intéresse à ce mécanisme se heurtera à des problèmes de détermination de la loi applicable. Quelle loi régira la convention de correspondance conclue entre deux banques implantées dans deux États différentsNote 6 ? La convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable sur les obligations contractuelles a pour objet de répondre à cette question. Toutefois, le règlement (CE) n° 593/2008, relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles dit « Rome I » du 17 juin 2008, vient remplacer la convention de Rome pour les contrats conclus après le 17 décembre 2009 (Règl. Rome I, art. 28). 5. - Délimitation. - La présente étude vise à analyser dans ses grandes lignesNote 7, la loi applicable au seul rapport interbancaire de correspondance, au regard du nouveau règlement Rome I. Il s'agira de répondre à la question suivante : quel sort le nouveau règlementNote 8 réserve-t-il à la relation interbancaire de correspondance ? Cette problématique nous permettra de procéder à une analyse globale du règlement Rome I, en s'attachant à comparer ce dernier à la convention de Rome. L'objet de notre propos est d'analyser les principales dispositions du règlement, afin d'identifier son caractère novateur ou non, en matière de détermination de la loi applicable dans le seul rapport interbancaire de correspondance. La lecture de ses principales dispositions permet de constater qu'il n'innove pas véritablement en matière de détermination de la loi applicable à la correspondance. Pour l'essentiel, il reprend le principe de l'autonomie de la volonté et la réserve des lois d'ordre public et de police (1), tout en apportant quelques modifications mineures sur d'autres points (2). 1. La reprise de la loi de l'autonomie et des lois d'ordre public et de police 6. - Le règlement adopte le principe du libre choix de la loi applicable au contrat (A). Il rappelle aussi le respect des lois d'ordre public et de police auxquelles il fixe des limites et suscite certaines interrogations (B). A. - L'absence d'innovation réelle 7. - Reprise de la loi des parties. - Le règlement ne fait que reprendre le principe de la convention de Rome selon lequel le contrat est régi par la loi des parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause (Règl. Rome I, art. 3). Les avantages de la loi de l'autonomie sont nombreuxNote 9 : choix de la loi la plus adaptée au contrat, simplicité, prévisibilité, respect de la volonté des parties, absence de suprématie de toute autre loi pour régir le contrat, telle que la loi du lieu de formation ou d'exécution du contrat, etc. La liberté des parties de choisir le droit applicable est l'une des pierres angulaires du système de règles de conflit de lois en matière d'obligations contractuelles (Règl. Rome I, consid. 11). En outre, comme sous la convention de Rome, par ce choix de droit international privé, les contractants désignent la loi d'un État et non la loi matérielle, de sorte que s'appliquera la loi de cet État, telle qu'elle sera lors de son application, et non telle qu'elle était lors de la formation du contrat. Toutefois, sous la convention comme le règlement, la loi choisie, présentant ou non un lien avec le contrat, doit respecter certaines limites. B. - Le respect des lois impératives de droit interne et communautaire Page 4 8. - Le règlement rappelle le principe du respect des lois impératives de droit interne et communautaire (1°), ses limites (2°), et suscite des interrogations (3°). 1° Le principe du respect des lois impératives 9. - Lois impératives du lieu d'exécution. - Les parties qui ont choisi d'appliquer au contrat une loi donnée doivent respecter, « lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un autre pays que celui dont la loi est choisie », les lois impératives du pays de localisation de la situation (Règl. Rome I, article 3, § 3), comme cela était déjà le cas sous la convention de Rome (Conv. Rome, art. 3, § 3). Autrement dit, les lois impératives du pays d'exécution de la convention doivent être respectées. En principe, cette disposition qui concerne le cas d'un contrat purement interne à un État- membre, au sens où tous les éléments de la situation sont localisés dans un même pays, et qui indique que le choix par les parties d'une loi étrangère ne doit pas violer les dispositions impératives du pays de la localisation du contrat, ne s'appliquera pas à la correspondance bancaire conclue entre deux établissements de crédit opérant dans des États différents. En effet, tous les autres éléments de la situation ne pourront pas être localisés, au moment du choix de la loi applicable, dans un seul pays autre que celui dont la loi est choisie, puisque cette opération à vocation à être transfrontière. 10. - Lois impératives du for. - Mais, la possibilité pour les parties de choisir la loi d'un État non membre, « Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix, dans un ou plusieurs États membres » ne doit pas désormais porter atteinte à l'application des dispositions du droit communautaireNote 10 auxquelles il n'est pas permis de déroger par accord (Règl. Rome I, art. 3, § 4). Cet article vise le litige intra-communautaire. Comme le note un auteurNote 11, le règlement généralise le principe du respect des dispositions du droit communautaire, en matière de désignation de la loi applicable par les parties, à l'ensemble des obligations contractuelles (Règl. Rome I, art. 3, § 4). L'idée est d'éviter la fraude au droit communautaire, dans tous les domaines du droit contractuel, en recourant à la loi étrangère. À ce sujet, un auteur déclare « Comment pourrait-on assurer l'impérativité des règles matérielles communautaires dans l'espace communautaire, si l'on permettait aux parties qui y sont soumises de s'y soustraire par le choix de la loi d'un État tiers ? La même disposition se trouve dans le règlement Rome II uploads/S4/ la-correspondance-bancaire-et-le-reglement-r.pdf

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  • Publié le Fev 06, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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