Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa

Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 1993 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 15 oct. 2021 05:04 Revue générale de droit La lettre de recommandation et la règle de droit Claude D’Aoust et Emmanuelle Naufal Volume 24, numéro 3, septembre 1993 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1056930ar DOI : https://doi.org/10.7202/1056930ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Wilson & Lafleur, inc. ISSN 0035-3086 (imprimé) 2292-2512 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article D’Aoust, C. & Naufal, E. (1993). La lettre de recommandation et la règle de droit. Revue générale de droit, 24(3), 433–443. https://doi.org/10.7202/1056930ar NOTES, INFORMATIONS ET DOCUMENTS La lettre de recommandation et la règle de droit C l a u d e D ’A o u s t * Professeur à l’École de relations industrielles, Université de Montréal E m m a n u e l l e N a u f a l Assistante de recherche à l’École de relations industrielles, Université de Montréal SOMMAIRE Introduction....................................................................................................................... 433 I. Recommandation et références : aspects sémantiques et définition du problème étudié......................................................................................................................... 434 II. Obligations du signataire à l’égard du salarié................ 436 III. Obligations du signataire à l’égard du destinataire........ 440 Conclusion......................................................................................................................... 443 — Hélas, [Monsieur de Tréville, répondit d’Artagnan], je vois combien la lettre de recommandation que mon père m’avait remise pour vous me fait défaut aujourd’hui! Alexandre D u m a s , Les Trois Mousquetaires. I n t r o d u c t i o n Un arrêt récent de la Cour suprême du Canada a attiré l’attention sur un concept de droit du travail le plus souvent laissé dans l’ombre1. Cette décision a * Alors que ce texte était déjà sous presses nous avons appris, avec regret, le décès du pro­ fesseur D’Aoust le 6 juin 1993. Nous perdons un collaborateur régulier et un membre de notre Conseil de rédaction, dont il a fait partie hélas pendant trop peu de temps. 1. Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038. Au même effet: Fasulo c. Les Emballages Heat, [1989] T.A. 805, p. 826 (juge L a p o r t e ). (1993) 24 R.G.D. 433-443 (1993) 24 R.G.D. 433-443 Revue générale de droit 434 fait l’objet de nombreux commentaires2, mais notre propos déborde largement l’as­ pect constitutionnel étudié par la Cour suprême3. Nous nous en tiendrons à l’étude des règles juridiques relatives aux lettres de recommandation dans le cadre de l’emploi. La Cour suprême avait déjà eu l’occasion de traiter de la lettre de recommandation, de manière incidente, dans un arrêt relatif à la nullité découlant de l’erreur sur la nature même du contrat4. On y lit que le cautionnement est un engagement qui oblige la caution à indemniser le bénéficiaire pour les pertes subies par la faute du débiteur de l’obligation principale. Mais qu’en est-il de la lettre de recommandation écrite à l’intention d’un éventuel employeur? Engage-t-elle le signataire au-delà d’une simple obligation morale? C’est l’une des questions qui retiendront notre attention. I. R e c o m m a n d a t i o n e t r é f é r e n c e s : a s p e c t s s é m a n t i q u e s e t DÉFINITION DU PROBLEM E ETUDIE Dans le langage courant, voire spécialisé5, ces deux expressions sont souvent considérées comme synonymes, ce qui n’aide guère l’analyse. 2. D. P i n a r d , « Les seules règles de droit qui peuvent poser des limites aux droits et libertés constitutionnellement protégés et l’arrêt Slaight Communications », (1991) 1 National Journal of Constitutional Law 79; S. G a u d e t , « La règle de droit au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés : Slaight Communications c. Davidson », (1989-90) 20 R.D.U.S. 447 ; F. M o r in , « Liberté d’expression et droit au travail : l’arbitrage de la Cour suprême du Canada», (1989) 44 Relations industrielles 921; J. M . Ross, « Applying the Charter to discretionary Authority », (1991) 29 Alberta Law Review 382; C. D ’A o u s t , «La déférence judiciaire et la spécialisation des tribunaux inférieurs : le respect des droits fondamentaux », (1992) 22 R.D.U.S. 476. 3. Rappelons la double ordonnance de l’arbitre, traduite par la Cour suprême dans l’arrêt Slaight, supra, note 1, p. 1047 : Que l’employeur remette au plaignant, avec un double à moi-même, une lettre de recommandation attestant : (1) Que M. Ron Davidson a été engagé par la station Q107 à titre de vendeur de temps d’antenne à la radio, et ce de juin 1980 au 20 janvier 1984; (2) Que son « budget » ou quota de ventes pour 1981 s’élevait à 248 000 $ et qu’il a atteint 97,3 % de ce même budget; (3) Que son « budget » ou quota de ventes pour 1982 se montait à 343 500 $ et qu’il a atteint 100,3 % de ce budget; (4) Que son « budget » ou quota de ventes pour 1983 était de 402 200 $ et qu’il a atteint 114,2 % de ce budget; (5) Qu’à la suite de son congédiement survenu en janvier 1984, un arbitre (nommé par le ministre du Travail), après avoir entendu les témoignages et les observations des deux parties, a décrété que le congédiement en question avait été injuste. J’ordonne en outre que toute demande de renseignements par voie de communica­ tion épistolaire, téléphonique ou autre faite à la station Q107, à sa direction ou à son personnel par une personne ou compagnie relativement à l’emploi de M. Ron Davidson à ladite station doit donner lieu pour toute réponse à l’envoi d’un double de la lettre de recommandation susmentionnée. 4. Rawleigh Co. c. Dumoulin, [1926] R.C.S. 551. 5. Ainsi, commentant l’arrêt Rawleigh c. Dumoulin, ibid., J.-L. B a u d o u i n , Les obliga­ tions, 3e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Biais Inc., 1989, p. 113, écrit que Dumoulin croyait « signer une simple recommandation ». Pour leur part, J. P i n e a u et D. B u r m a n , Théorie des obligations, 2 e édition, Montréal, Les Éditions Thémis Inc., 1988, p. 87, écrivent qu’il « ne croyait signer qu’une simple lettre de références ». 435 Lettre de recommandation et règle de droit D ’A o u s t N a u f a l La recommandation est « l’action de recommander quelqu’un, de le signaler à la bienveillante attention d’un autre [...] »6. Elle se traduit en des paroles ou dans un écrit. La « lettre de recommandation » entre dans cette seconde catégorie. Les références — dans le sens qui nous occupe, le mot s’emploie tou­ jours au pluriel —7 désignent l’attestation de personnes auxquelles on peut se rapporter pour avoir des renseignements sur quelqu’un (qui cherche un emploi, pro­ pose une affaire, etc.)8. Les références peuvent être données avec ou sans support matériel, par téléphone, par télécopieur, de vive voix, etc. La lettre de recommandation est donc un mode particulier de transmission des références. Par-delà les dictionnaires, l’usage qu’on en fait est apte à nous éclairer sur le sens et le contenu de la lettre de recommandation. Instrument de sélection, la lettre de recommandation offre à l’employeur éventuel le témoignage de tiers relativement aux aptitudes et qualités personnelles d’un salarié dans ses emplois précédents. Naturellement, le salarié ne va désigner que des personnes qui lui sont favorables; c’est une limite sérieuse de la fiabilité des lettres de recommandation. Contrairement au certificat de travail dont le contenu est prédéterminé9, la lettre de recommandation est libre. Rien n’empêche un employeur d’écrire une lettre de recommandation dans un document distinct, même annexé au certificat, si le salarié le lui demande10. La pratique de demander ou de donner des références confère-t-elle au salarié le droit d’exiger une lettre de recommandation? Cela dépend de l’existence d’un usage, dont il revient à celui-ci de faire la preuve11. Quant au signataire et au destinataire, la lettre de recommandation présuppose le droit de se renseigner sur autrui. Toutefois, le droit de fournir des renseignements comporte deux limites essentielles : le préjudice causé au salarié par de faux renseignements et le préjudice causé à leur destinataire. La parole et l’écriture sont des facultés qu’il est normal d’utiliser pour dire la vérité ou ce qu’on croit être la vérité pour les besoins de la vie sociale et professionnelle12. Cependant, l’employeur qui donnerait des renseignements défa­ 6. Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, Tome 12, Paris, Librairie Larousse, 1984, uploads/S4/ la-lettre-de-recommandation-et-la-regle-de-droit-claude-d-x27-aoust-et-emmanuelle-naufal.pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 28, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.7555MB