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02/10/13 20:59 weblextenso - Page 1 sur 9 http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-051 RDCO2012-2-051 Revue des contrats, 01 avril 2012 n° 2, P. 681 - Tous droits réservés Contrats La nature de la sanction!: satisfaction du bénéficiaire par des dommages- intérêts ou primauté de l'exécution forcée en nature!? Denis Mazeaud – Avec mon ami Yves-Marie Laithier, nous avons choisi de présenter nos deux communications sous la forme d'un duo, d'un dialogue, sous la forme d'une pièce en cinq actes, au cours desquels nous interviendrons l'un et l'autre. Évidemment, la forme que nous avons retenue n'est pas sans présenter quelques inconvénients. Elle nous a, par exemple, obligé à adopter des postures qui, parfois, ne reflètent pas avec fidélité le fond de nos pensées respectives 1 et, donc, à forcer quelque peu le trait... I – Force obligatoire du contrat, primauté de l'exécution en nature et exécution par équivalent Il me revient donc de prêcher pour les vertus de l'exécution forcée en nature, pièce maîtresse du modèle contractuel français, prolongement naturel du principe moral du respect de la parole donnée. Principe fondamental, principe rayonnant, principe directeur de notre droit des contrats, principe dont les mérites sont si grands qu'une des toutes meilleures spécialistes du droit français et comparé des contrats écrivait récemment, alors qu'elle évoquait la question de l'harmonisation européenne du droit des contrats : « Si l'influence française a encore une chance de se faire sentir, c'est bien à travers ces principes directeurs. (...) Cantonner l'Europe à un idéal de bon fonctionnement de l'économie de marché ne peut que nourrir l'euroscepticisme (...). Il faut lui rendre un nouveau souffle. La France a là une carte à jouer en Europe, pour faire entendre une autre voix et insuffler d'autres valeurs dans le monde d'aujourd'hui. À cet égard, la déclaration des valeurs fondamentales que sont la liberté, la bonne foi et le respect de la parole donnée, est un signe particulièrement fort ». En défendant ce principe emblématique du modèle contractuel français, je me réjouis donc de mettre mes pieds dans les traces de Muriel Fabre-Magnan... Je suis enchanté à l'idée de défendre le principe de l'exécution forcée en nature, je dis bien le « principe »... Si j'insiste, c'est parce que j'ai lu dans le Recueil Dalloz en date du 10 novembre 2011 sous la plume d'un conseiller référendaire, qui expliquait la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation aux lecteurs qui ne l'ont toujours pas comprise, j'ai lu donc sous cette plume particulièrement autorisée que, je cite : « De la nature de l'obligation de faire du vendeur se déduisent les effets de la rétractation : elle ne peut être sanctionnée par l'exécution forcée » 2 . Objection votre honneur ! Aujourd'hui, et depuis des lustres d'ailleurs, il est acquis que l'article 1142 du Code civil est désactivé et que le principe de l'exécution forcée en nature s'applique à toutes les obligations contractuelles inexécutées, qu'elles soient de donner, de faire ou de ne pas faire. J'ajoute accessoirement que l'article 1er de la loi de 1991 qui a réformé les voies d'exécution affirme que chaque créancier a droit à l'exécution forcée en nature, et je ne me souviens pas que cette loi distingue selon l'objet de l'obligation dont un créancier déplore l'inexécution. J'ajoute, encore, que ce principe est régulièrement réaffirmé, et avec quelle force, par la Cour de cassation elle- même. On peut donc soutenir qu'en droit positif, exception faite du contrat de promesse unilatérale de contrat qui semble lui échapper, le principe est celui de l'exécution forcée en nature et pas celui de l'exécution forcée par équivalent. Faut-il s'en féliciter ? Tel est l'objet de notre débat. Ma réponse est « oui ! », cent fois « oui ! ». « Oui ! », parce que ce principe illustre à merveille l'idée que le droit est une science profondément humaine et que notre droit des obligations repose sur des principes qui sont dépourvus parfois de rationalité, économique 02/10/13 20:59 weblextenso - Page 2 sur 9 http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-051 notamment ; il est fondé sur des principes qui sont dotés d'une charge symbolique, morale, spirituelle. Ainsi, il est exact que, pas plus que le principe moral, sinon religieux, du respect de la parole donnée dont il constitue « la mise en force » 3 , le principe de l'exécution forcée en nature n'est plus performant économiquement, ni plus pertinent, ni plus efficient que l'exécution par équivalent. Mais il reflète parfaitement l'idée selon laquelle, dans le modèle contractuel français, le contrat est autre chose qu'une valeur qui ne vaut qu'à travers l'intérêt qu'il représente pour le marché. Dans notre tradition contractuelle, le contrat est autre chose qu'un instrument de création des richesses, qui n'est protégé que dans la mesure de l'avantage économique qu'il confère au créancier. Le principe de l'exécution forcée en nature est un signe de résistance du modèle contractuel au diktat de la loi du marché, parce qu'il véhicule d'autres valeurs, morales, sociales, spirituelles, que celles que prône l'analyse économique du droit, laquelle inscrit le contrat dans la seule sphère matérielle de l'avoir, alors que le modèle contractuel français l'inscrit dans la sphère spirituelle de l'être. Dans le modèle contractuel français, et c'est bien cela que traduit le principe de l'exécution forcée en nature, la parole contractuellement donnée a une valeur qui n'a pas de prix, elle ne peut donc pas être « rachetée » moyennant des dommages-intérêts. La parole contractuelle oblige celui qui l'a donnée à exécuter la prestation qu'il a librement et lucidement promise, soit spontanément, soit « forcément » sous la contrainte. Aussi le contrat sera-t-il exécuté exactement dans la perspective dans laquelle il avait été conclu et conçu par les contractants, lesquels en retireront donc l'intérêt escompté. Finalement, le principe de l'exécution forcée en nature permet que soient scrupuleusement respectés l'objet et la cause des engagements contractuels... En somme, notre principe constitue la garantie que le contrat répondra aux attentes légitimes des contractants, à savoir l'exécution de la prestation promise par leur cocontractant. Il permet tout simplement que le contrat produise l'effet attendu, procure aux contractants l'utilité recherchée quand il a été conclu et comme il avait été conçu. Qui dit mieux ! Mon ami Yves-Marie Laithier, peut-être... Yves-Marie Laithier – Est-il vrai que le refus d'admettre l'exécution forcée en nature revient, au fond, à nier l'obligation contractuelle et à bafouer la force obligatoire du contrat ? Rien n'est moins sûr. Pour le comprendre, il faut brièvement revenir sur ces deux notions essentielles. S'agissant, en premier lieu, de l'obligation contractuelle, il a longtemps été tenu comme une évidence que le droit à l'exécution forcée était en quelque sorte « inclus » dans la créance : l'un était consubstantiel à l'autre. Que l'État prête par principe son concours au créancier victime de l'inexécution paraissait tellement justifié qu'il n'y avait pas lieu de s'y attarder. Certes, la distinction entre le debitum et l'obligatio n'a pas été perdue de vue, mais personne n'en a jamais tiré la conséquence que ces deux éléments de l'obligation devaient être séparés, en dehors du cas spécial des obligations naturelles 4 . Cependant, la situation a considérablement évolué au cours du siècle dernier. Pour diverses raisons, d'ordre économique ou social, les mesures de protection des débiteurs en difficulté ont été multipliées. Elles sont autant d'entorses graves aux droits des créanciers 5 . Il en ressort, en bref, que le créancier d'une obligation contractuelle ne peut plus toujours compter sur le juge pour obtenir, par la force, l'objet précis de ce qui lui avait été promis. Par- delà le développement de ces diverses « procédures d'insolvabilité », cette évolution montre qu'en droit positif – et non pas seulement d'un point de vue théorique – une dissociation très nette existe entre le droit de créance, d'un côté, et le droit à son exécution forcée, de l'autre. Et l'on pourrait effectivement soutenir qu'en l'absence d'exécution forcée, une obligation contractuelle est amputée de l'un de ses deux éléments et ajouter que cela est fort critiquable. Mais en l'occurrence, pour en revenir à la jurisprudence relative aux promesses unilatérales de vente, il n'a jamais été question de priver le créancier de son pouvoir de contrainte. L'hésitation concerne la nature de la sanction et non son principe. Par conséquent, au regard des éléments notionnels qui viennent d'être rappelés, il est impossible de dire que l'obligation du promettant (ou, si l'on préfère, la créance du bénéficiaire) est niée. S'agissant, en second lieu, de la force obligatoire du contrat, il faut répéter que celle-ci signifie que les parties sont liées par un accord sous la sanction du droit. En d'autres termes, le débiteur contractuel qui manque à ses obligations s'expose à une sanction, à l'image, comme le dit l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, de celui qui méconnaît la loi. La force obligatoire érige le contrat en une norme juridique. Mais elle ne dit rien du type de sanction qui est applicable. Ce peut être l'exécution forcée en nature. L'article 1184, alinéa 2, du Code civil le prévoit. Et, à bien des égards, c'est uploads/S4/ laithier-mazeaud-pdf 1 .pdf
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- Publié le Fev 04, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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