DROIT DES AFFAIRES Exposé de Monsieur Eric VERMOT-GAUCHY DROIT DES AFFAIRES Fac
DROIT DES AFFAIRES Exposé de Monsieur Eric VERMOT-GAUCHY DROIT DES AFFAIRES Faculté de DROIT de SAINT-ETIENNE Le 2 avril 2013 LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL « Comme transcendant le simple droit personnel mobilier » Après avoir évoqué les fondements textuels et le champ d’application du contrat de « bail commercial », la nature juridique de cette convention devra être appréhendée à l’aune des droits et obligations des cocontractants, qu’ils soient commerçants ou non-commerçants. L’approche est cruciale en ce qu’elle révèlera notamment, qu’une des particularités du bail commercial réside dans une exception au droit général des contrats : l’absence de rupture automatique des relations contractuelles lors du terme initialement stipulé. Une des parties au contrat, le locataire professionnel jouissant des locaux pour son exploitation, disposera d’un véritable droit au renouvellement du bail commercial (I) après que le terme du contrat soit arrivé à échéance ; le droit positif reconnait effectivement au preneur un droit à repousser « sine die » le terme extinctif du contrat. La consécration de ce droit durant le XX siècle, au profit du professionnel, lui a apporté des garanties ayant pour ᵉ corollaire le contrôle d’un juge civil exclusivement compétent (II). ________________________________ VGE _ __________________________________ I - LE RENOUVELLEMENT DU CONTRAT DE BAIL COMMERCIAL : UN DROIT CONSACRÉ. L’expression « propriété commerciale », employée pour faire référence au bail commercial et au droit au renouvellement y afférent, met en lumière une notion juridique transcendant le simple droit mobilier personnel (A) impliquant pour son titulaire des modalités particulières de mise en œuvre (B). A - L’approche juridique de la notion du Droit au renouvellement du bail commercial. Un bref aperçu historique est incontournable afin de mieux cerner l’évolution du droit au renouvellement du bail au profit du locataire professionnel. Certains auteurs du XIXème siècle faisaient état de « l’abus de puissance du bailleur 1» et ciblaient leur comportement déloyal à l’égard des preneurs. La combinaison de la Loi du 17 mars 1909 relative au fonds de commerce qui a eu pour effet notoire d’en augmenter leur valeur, avec la montée en puissance des grandes entreprises qui entendaient spéculer sur des situations commerciales préexistantes, n’a pas été étrangère à l’affaiblissement des droits du locataire exploitant. Les « petits commerçants détaillants » étaient l’une des catégories les plus affectées. En effet, des firmes n’hésitaient pas à faire des propositions de relocations aux propriétaires « à des prix défiant toute concurrence 2», au préjudice des locataires déjà en place qui étaient souvent évincés sans aucun dédommagement. « La morale n’avait pas gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y avaient quelque peu perdu de leur sécurité 3». Le premier quart du XXème siècle fut le théâtre de débats pléthoriques et souvent houleux opposant les petits commerçants, représentés par des groupements commerciaux, tels la fédération des commerçants détaillants ainsi que par les chambres de commerce, aux propriétaires d’immeubles, eux-mêmes représentés par des organisations et syndicats de propriétés immobilières. Les politiques se firent très vite l’écho de ces opinions et mouvements divergents ; il s’agissait, en effet, de trouver un moyen de concilier deux positions diamétralement opposées : celle des propriétaires immobiliers qui entendaient conserver la plénitude de leurs droits réels, totalement réfractaires qu’ils étaient à l’idée de l’affaiblissement de leur « abusus » et, celle des commerçants qui envisageaient une plus grande stabilité dans l’exploitation de leur fonds ainsi qu’une reconnaissance d’une « propriété commerciale ». Lorsque des enjeux aussi cruciaux génèrent de tels clivages nationaux, les lobbying et groupes de pressions sollicitent les parlementaires, il en résulte que ces derniers font des propositions de lois aux fins de s’attirer les faveurs de tels ou tels électeurs. Au lendemain de la loi du 17 mars 1909, relative au fonds de commerce, un grand nombre de propositions furent déposées. __________________________________________________________________ 1 RTD Com. 2005 p. 256 « Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à payer en cas de renouvellement du bail », J. DERRUPPÉ. 2 Mbotaingar A., Statut des baux commerciaux et concurrence, Litec, décembre 2007 3 Marion, Gaz. Pal. 1960, 2, doctr. p.65 2 Un projet de Loi fut adopté le 13 mars 1919 par la Chambre des députés. Après rejet du Sénat et quatre navettes parlementaires successives, il fallu 7 années de débats interminables pour qu’enfin, une première Loi s’imposa. Arthur, Florentin LEVASSEUR (1875-1955) député de Seine-et-Oise de 1914 à 1928, acteur majeur dans cette réforme, remarquait avec pertinence qu’à l’inverse des propriétés littéraires et artistiques déjà reconnues par des statuts protecteurs, la propriété commerciale était ignorée en ce que rien dans les textes ne la sauvegardait, qu’il en résultait une lacune de notre législation 4. C’est dans ce contexte de la IIIème république, que le législateur d’après guerre est intervenu en faveur des locataires exploitant un fonds de commerce, afin de rétablir un équilibre entre bailleurs et preneurs. La Loi du 30 juin 1926 qui réglait les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel, accordait au preneur le droit de demander le renouvellement, de réclamer le paiement d’une indemnité en cas de refus de renouvellement abusif et même, de solliciter par voie de conciliation un nouveau contrat à l’expiration du bail originaire. Vingt-sept ans plus tard, un décret du 30 septembre 1953 5 est venu consacrer ce dispositif, notamment en son article 8 qui disposait : « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur devra, sauf exceptions prévues aux articles 9 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. » Les artisans également, se sont vus reconnaître la possibilité de bénéficier de la législation sur les baux commerciaux, par l’article 1er de la Loi du 5 janvier 1957 venant modifier le précédent décret. (Aujourd’hui, article L. 145-1, I du Code de commerce.) Depuis l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, relative à la partie Législative du code de commerce, ratifiée par l’article 50 de la Loi n° 2003-7 du 03 janvier 2003 ; les dispositions portant sur le renouvellement du bail commercial, ont été codifiées dans l’actuel Code de commerce. Par suite, quelques réformes et modifications sont intervenues ; on peut évoquer par exemple, la Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement ; la Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite Loi « LME » et la Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. __________________________________________________________________ 4 Rapport LEVASSEUR, p. 9, in HILLAIRE, J., Le Droit Les Affaires et L’Histoire, Economica, Paris 1995, p. 154 5 Décret n°53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal 3 S’agissant des liens juridiques qui unissent le donneur à bail et le preneur, il a fallu, au cours de l’histoire, articuler entre eux, deux droits antinomiques que sont d’une part ; le droit de propriété reconnu au bailleur sur son immeuble par les textes constitutionnels et, d’autre part ; un droit non moins fondamental dont est titulaire l’exploitant locataire : la liberté de commerce et d’industrie qui se décline, dans le cas précis du bail commercial, en la faculté qui lui est donnée de jouir d’une « propriété commerciale ». Du côté du bailleur, le « droit de propriété » comme un droit réel « imprescriptible, inviolable et sacré », est gravé dans le marbre de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC, articles 2 et 17). Pour ce qui est du droit au renouvellement du bail, dont est titulaire le preneur - droit qui a pour objet d’assurer la stabilité du fonds de commerce et le développement de l’activité économique -, il est protégé par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, en ce qu’il constitue un élément de la « propriété commerciale 6» du preneur. C’est cette notion de « propriété commerciale », qui procède de la conclusion d’un bail commercial entre deux ou plusieurs contractants, qu’il convient d’analyser en ce qu’elle confère à une partie, exploitant un fonds dans les locaux loués, des prérogatives dérogeant, par leur importance, au droit commun des contrats. Avant tout, le contrat de bail commercial est un acte juridique générateur de droits et obligations entre les parties cocontractantes. Ayant légalement formé un contrat synallagmatique à titre uploads/S4/ le-droit-au-renouvellement-du-bail-commercial-ii2.pdf
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- Publié le Jul 09, 2021
- Catégorie Law / Droit
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