Dissertation : Le juge administratif et le contrôle de constitutionnalité des l
Dissertation : Le juge administratif et le contrôle de constitutionnalité des lois Hans Kelsen affirmait : «une constitution à laquelle la garantie de l’annulation des normes inconstitutionnelles fait défaut n’est pas pleinement obligatoire». Cette entrée en matière montre bien la nécessité que soit exercé un contrôle de constitutionnalité des lois pour faire respecter les droits et libertés que la constitution garantit. C’est dans cette perspective que s’inscrit le sujet objet de notre étude à savoir : le juge administratif et le contrôle de constitutionalité des lois. En effet, celui-ci s’entend comme un mécanisme, plus encore un contrôle juridictionnel visant à assurer la conformité des lois a la constitution, norme juridique suprême d’un Etat. Il faut noter que jusqu’en 1946, la France n’avait pas de mécanisme de contrôle de la conformité des lois à la constitution. Expression de la souveraineté, la loi ne pouvait être mise en cause. La IVe République avait créé un comité constitutionnel, aux pouvoirs limités, qui n’a véritablement pas fonctionné. C’est avec l’avènement de la Ve République que va cesser cette image de la loi avec l’instauration du conseil constitutionnel. Par ailleurs, l’article 61 de la constitution dispose « les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la constitution». Il apparait clairement que le juge administratif n’a pas sa place dans le champ du juge constitutionnel, champ qui lui est en principe exclusif. Toutefois, ce sujet revêt un double intérêt, non seulement théorique dans la mesure où la doctrine s’est beaucoup prononcée en soulevant à chaque fois de nombreuses interrogations sur l’exercice de ce contrôle, mais aussi et surtout parce que dans la pratique, il semble que le juge constitutionnel partage une parcelle de sa compétence avec le juge administratif. Des lors, dans l’idée de déterminer s’il s’agit de complémentarité ou de concurrence , la question principale qu’il convient de se poser est celle de savoir si le conseil constitutionnel a à lui tout seul le monopole en matière de contrôle de constitutionnalité ou alors existe-t-il des cas où le juge administratif se substitue au juge constitutionnel. La réponse à ces interrogations passe par deux points. Si des obstacles existent allant à l’encontre de l’idée d’un juge administratif compétent pour se prononcer sur la conformité d’une loi a la constitution(I), il n’en demeure pas moins que par certains mécanismes, une reconnaissance partielle de cette compétence lui est accordée(II). I-Les obstacles à l’idée d’un juge administratif compétent en matière de contrôle de constitutionnalité des lois En matière de contrôle de constitutionnalité des lois, et en se fondant sur l’article 61 de la constitution, le juge administratif est incompétent du fait que le monopole de compétence appartient au juge constitutionnel (A). De plus, le juge administratif se déclare lui-même incompétent face à l’écran législatif(B). A-Le monopole de compétence du juge constitutionnel Tout d’abord, il faut rappeler que le conseil constitutionnel a été créé en 1958 par la constitution de cette même année. Mais son essor a réellement eu lieu en 1971 dans une décision du 16 juillet, décision relative a la loi sur la liberté d’association qui a intégré le préambule de la constitution de 1958 dans le «bloc de constitutionnalité», c’est-à-dire dans ce qui est l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par le conseil. Depuis cette décision, le conseil a gagné en importance en apparaissant comme un protecteur des libertés de chacun. Le contrôle de constitutionnalité des lois relève de la compétence exclusive du conseil constitutionnel. Par exemple, l’article 61, alinéa 1 indique que ce contrôle doit être fait a priori dans le cadre des lois organiques et règlements des assemblées. Mais aussi, en second alinéa, pour les lois en général, sur saisine de 60 députés ou sénateurs, du premier ministre, du président d’une des assemblées ou du président de la république. Ce conseil est donc le garant du respect du bloc de constitutionnalité. Notons qu’outre la loi fondamentale de la république, le bloc de constitutionnalité comprend notamment le préambule de la constitution. Celui-ci, en renvoyant à deux autres textes , la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la constitution de 1946, confère également valeur constitutionnelle à ces textes ; la loi est donc soumise aux principes contenus dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen , aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la république et aux divers principes et objectifs de valeur constitutionnelle définis par la propre jurisprudence du conseil. Ainsi donc, c’est au juge constitutionnel qu’il revient de contrôler de la conformité d’une loi avec la constitution. Si c’était le juge administratif qui contrôlait un acte administratif conforme à une loi vis-à-vis de la constitution, il serait obligé de porter une appréciation sur le texte même de la loi. Or, ce n’est pas le rôle du juge administratif qui n’a pas compétence pour contrôler de la constitutionnalité de la loi lorsqu’elle vient s’interposer entre un acte administratif et la constitution d’où : la théorie de la loi écran(B) B- La théorie de l’écran législatif L’exemple qui illustre le mieux cette théorie est celui de l’arrêt Arrighi. Cet arrêt de section du conseil d’Etat date du 06 novembre 1936. En l’espèce, un ancien agent militaire réclama l’annulation de sa mise en retraite prématurée. Cette dernière fut décidée par le ministre de la guerre. Selon l’ancien militaire, des décrets en lien avec sa retraite anticipée étaient fondés sur une loi inconstitutionnelle. Mais, en raison de la théorie de l’écran législatif, le conseil d’Etat s’estima incompétent, et ne statua pas sur l’affaire. Cette théorie suppose le fait que si une norme est basée sur une loi qui n’a guère subi de contrôle de constitutionnalité, alors il est impossible pour le conseil d’Etat de déclarer cette norme inconstitutionnelle ou non. Sinon, cela équivaudrait à aussi contrôler la loi en question. Or le juge administratif n’est pas le juge de la loi raison pour laquelle le contrôle des lois est réservé au conseil constitutionnel. Cet arrêt Arrighi est l’arrêt de principe sur la question, et la théorie de l’écran législatif étant difficile à appréhender, il faut partir d’un arrêt rendu en 1972 (CE 1972, conseil transitoire de la faculté des lettres de Paris). Il était question ici d’une loi du 24 mai 1951 qui donnait compétence au ministre de l’éducation de venir fixer les montants d’inscription à la faculté, sur le fondement de cette loi de 1951. L’arrêté ministériel a été attaqué dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Les requérants estimaient que l’arrêté était contraire au préambule de la constitution de 1946, d’après lequel l’enseignement public est gratuit. Par conséquent, dans cette affaire le juge administratif ne pouvait annuler le règlement pour contrariété à la constitution sinon indirectement, ce serait mettre de mettre de côté sa base juridique en l’occurrence la loi de 1951. Dans ce cas la loi fait écran entre le règlement et la constitution. Il n’est donc pas possible de l’annuler. Cependant, il faut préciser que cette conception de la loi-écran a été remise en cause par la possibilité qui a été reconnue au juge administratif de vérifier que la loi est conforme aux conventions internationales (contrôle de conventionalité). Or les traités consacrent très souvent des droits similaires à ceux de la constitution. Mais surtout, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a permis de contourner cet obstacle de la loi-écran grâce à la question prioritaire de constitutionalité(QPC). C’est d’ailleurs dans le contexte de la reconnaissance d’une certaine compétence au juge administratif en matière de contrôle de constitutionnalité des lois(II) que la QPC sera étudié. II-La reconnaissance d’une compétence partielle au juge administratif en matière de contrôle de constitutionnalité des lois L’attitude de principe hostile au contrôle de constitutionnalité de la loi par le juge administratif rencontre quelques altérations comme la possibilité reconnue au juge administratif d’être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité(A), et de rechercher si l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution n’a pas pour effet d’entrainer l’abrogation des lois antérieures(B) A-La question prioritaire de constitutionnalité, un rôle nouveau pour le juge administratif La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la constitution un nouvel article 61-1 qui permet à tout justiciable, à l’occasion d’un litige porté devant la juridiction, de contester la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la constitution garantit. Grace à la QPC, une loi contraire à la constitution pourra être supprimée de l’ordre juridique. Pour cela, il faut que le justiciable soulève la QPC devant au cours d’une instance devant le juge judiciaire ou dans le cas présent le juge administratif. Ce dernier filtrera la QPC avant de la transmettre à la juridiction suprême. La QPC soulevée est ensuite renvoyée au conseil au conseil constitutionnel lequel abroge, le cas échéant, la disposition jugée inconstitutionnelle. Il ne s’agira pas ici de dire que le juge administratif a le monopole de la QPC ou que sa compétence exceptionnelle en matière de contrôle de conformité uploads/S4/ le-juge-administratif-et-le-controle-de-constitutionnalite.pdf
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- Publié le Jul 19, 2022
- Catégorie Law / Droit
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