Le verbe Vasile Dospinescu UNITÈ 1 I. Une définition minimale du verbe I.1. Le
Le verbe Vasile Dospinescu UNITÈ 1 I. Une définition minimale du verbe I.1. Le verbe exprime un événement – état, changement d’état, sentiment, action. Les couples verbe et nom : être et existence, marcher et marche, souffrir et souffrance, mourir et mort, aimer et amour, etc., expriment la même idée. La différence entre ces deux classes principales de mots, constituants de base de la phrase minimale, est que le nom ou substantif (cf. substance) est la partie du discours qui renvoie d’une façon spécifique à l’être réel ou imaginaire — individu, chose concrète ou abstraite, phénomène, etc. —, tandis que le verbe renvoie au procès qui exprime l’existence, l’état, le “faire” ou le devenir de l’être, etc. I.1.1. Sémantiquement, chaque terme du couple de mots cités plus haut, le verbe comme le nom dérivé, signifie pertinemment le même concept : existence, action, état, changement d’état et sentiment. Cependant les verbes se différencient des noms en cela qu’ils inscrivent par eux-mêmes, à travers des formes spécialisées, les mêmes concepts dans le temps présent, passé ou futur : il souffre / sa souffrance actuelle ; il a souffert / sa souffrance passée ; il souffrira / sa souffrance future. I.1.2. Morphologiquement, le verbe se distingue du nom en cela qu’il se conjugue, c’est-à-dire qu’il prend des formes composées d’un radical et de désinences, qui, à des degrés différents et de façon inégale dans les deux codes – oral et écrit, inscrivent le procès (états ou actions : cf. Tesnière, 1976 : 61)1 dans une époque, dans une durée et le rattachent à un groupe-sujet, nom, nominal, pronom de telle ou telle personne, singulier ou pluriel : Un homme frappe depuis des heures à une porte. Des voisins étonnés le regardent faire sans mot dire. Personne n’avait frappé à cette porte avant lui. Il frappera encore demain. Les mêmes voisins le regarderont, mais ils n’oseront lui demander quoi que ce soit. Les formes frappe, avait frappé, frappera s’opposent l’une à l’autre comme présent, passé, futur, tandis que frappe et regardent s’opposent comme singulier et pluriel, etc. D’autres oppositions formelles servent à marquer la personne (Je frappe / tu frappes… / nous frappons… / ils frappent), le 1 « Les procès sont les états ou les actions par lesquels les substantifs manifestent leur existence, par ex. est, dort, dîne, fait, etc. Les mots pleins exprimant l’idée d’un procès sont appelés verbes. » (Tesnière, 1976 : 61). mode (il frapperait à la porte : conditionnel), la voix (il a été frappé par la beauté du paysage : passif). Différents dans leur forme, le nom et le verbe, ce dernier à flexion beaucoup plus riche, sont, pour cette raison même, aptes à assumer certains emplois, plus précisément à occuper certaines places dans la proposition. I.1.3. Syntaxiquement, le verbe est le centre de la phrase : « le pivot », « le nœud des nœuds », « la clef de voûte de la phrase », « le noyau syntaxique », etc. sont autant d’appellations, plus ou mois techniques, voire même métaphoriques qui focalisent toutes sur le rôle primordial de la fonction verbale dans la constitution de la phrase, sur la place centrale du verbe, placé, le plus souvent, sauf licence grammaticale, au cœur même de la phrase minimale, dans une position dominante (régissante)2. Projetés sur le plan de la syntaxe structurale, le procès, les acteurs et les circonstances du drame de Tesnière s’appellent respectivement verbes, actants et circonstants. Communiquer un événement se traduit sur le plan linguistique par le choix d’un verbe (c’est le verbe qui “fait” l’événement), d’un ou de plusieurs groupes nominaux (actants sujet, objet, bénéficiaire, etc.) et de groupes adverbiaux, adverbes ou groupes nominaux équivalents (circonstants de temps, de lieu, de cause, de manière, etc.). Ainsi dans : Le matin, dans le salon, souriant, Alain offrait des orchidées à sa femme, le “drame” est déclenché par le verbe offrir exprimant un procès, qui engage trois acteurs : un actant-sujet, Alain, un actant-objet, des orchidées, enfin un actant-bénéficiaire, à sa femme, et qui se passe dans certaines circonstances exprimées par : un circonstant de temps, le matin, un circonstant de manière, souriant, enfin un circonstant de lieu, dans le salon. Actants et circonstants convergeant vers le verbe, “suscités” en quelque sorte par le procès exprimé par le verbe, avec lequel ils entretiennent des rapports plus ou moins étroits, sont tous dominés sémantiquement et syntaxiquement par le nœud verbal, avec toutefois, un lien bien plus lâche pour les circonstants (cf. infra les compléments de phrase ou dans Dospinescu, 1998, Tout (ou presque) sur le groupe nominal en français contemporain : 273-276) qu’on peut supprimer sans que, 2 « Le nœud verbal, que l’on trouve au centre de la plupart de nos langues européennes, exprime tout un petit drame. Comme un drame en effet, il comporte obligatoirement un procès, et le plus souvent des acteurs et des circonstances (Tesnière, 1976 : 102). pour autant, la phrase cesse d’exister, bien qu’elle devienne plus pauvre “informationnellement” parlant : Alain offrait des orchidées à sa femme. Voici, sous forme d'arbre, une représentation de cette proposition (minimale) organisée autour du verbe et dominée par lui (le trait en pontillé marque bien le lien syntaxique, bien plus lâche, entre le verbe et les circonstants) : offrait Alain des orchidées à sa femme le matin dans le salon souriant On voit bien, sur cet arbre, la hiérarchie des connexions qui relient les termes de la phrase, la position dominante du verbe, le nœud des nœuds, la clef de voûte de la structure phrastique. La grammaire générative-transformationnelle (cf. Chomsky, 1969) voit dans le verbe le centre, le noyau du syntagme verbal, lequel est dominé par une unité syntaxique supérieure, la phrase noyau, dont il est, sur un pied d’égalité avec le syntagme nominal sujet, le constituant immédiat (le deuxième, si l’on tient compte de l’ordre de la règle de réécriture de la phrase noyau) : P SN + SV + (SP1) + (SP2) + SP3 SV AuxV + SN V Vtr + SN / Vintr… L’énoncé : Le matin, dans le salon, souriant, Alain offrait des orchidées à sa femme sera segmenté en SN (sujet), Alain, le thème de la phrase, et en SV, offrait des orchidées à sa femme, qui en est le prédicat, propos, rhème ou commentaire du thème, et qui est formé de V offrait + SN2 des orchidées + SN3 à sa femme. Les autres circonstants — le matin, dans le salon, souriant — sont dominés par la phrase, l’unité syntaxique supérieure, non pas par le verbe. Voici l’arbre de cette phrase dans la conception de la grammaire générative-transformationnelle, où SN2 et SN3 sont, comme on voit, sous la dépendance directe du verbe tandis que les syntagmes prépositionnels — SP1, SP2, SP3 —, mis entre parenthèses, sont facultatifs (c’est-à-dire qu’ils peuvent être supprimées sans que la phrase noyau cesse d’exister) : P SN1 SV V SN2 SP0 (SP1) (SP2) (SP3) Alain offrait des orchidées à sa femme (souriant) (le matin) (dans le salon) Du point de vue d’une linguistique énonciative, on ne saurait manquer de faire valoir le rôle – tout aussi prééminent – du verbe qui est, à chacune de ses actualisations, celui qui effectue la prédication en même temps qu’il accomplit l’ancrage pragmatique3 de celle-ci dans la situation de communication. En mettant ensemble les trois critères – sémantique, morphologique et syntaxique, nous dirons, pour finir, que le nom et le verbe se distinguent en tant que classe morpho-syntaxique par les traits suivants : les morphèmes flexionnels qu’ils mettent en jeu : genre et nombre pour le nom (voir Dospinescu, 1998 : 48-74), personne, temps, mode, voix, et même nombre et genre (cf. le participe passé, surtout dans le code écrit) pour le verbe ; par leur fonctionnement syntagmatique (les places qu’ils occupent dans la phrase, la dominance sémantico-syntaxique du verbe sur le nom) ; par la fonction énonciative, que seul le verbe (même non réalisé, il est toujours sous-entendu : l’énoncé Ce livre ! laisse sous-entendre quelque chose comme « Ce livre m’ennuie », « Ce livre me passionne », etc.) est à même de déclencher (c’est le verbe qui met en rapport l’énoncé avec la réalité extralinguistique, celle du sujet de l’énonciation et /ou celle du monde devenu objet du discours) : le temps (comme l’aspect, du reste) et le mode verbal situent et caractérisent le procès de l’énoncé par référence à l’acte de l’énonciation et au sujet de celle-ci. Tests Définition du verbe 1. Le verbe est la partie du discours qui renvoie à : a) un être réel ou imaginaire 3 « On définira ainsi le verbe comme le noyau syntaxique et sémantique de la proposition, qui lui donne un ancrage pragmatique par les marques morphologiques de personne, de temps, de mode et d’aspect » (Gardes-Tamine, 1990, t.2 : 69). C’est dans ce sens que nous disons que c’est le verbe qui “fait” l’événement, dans une double acception du mot : événement en tant qu’acte de discours et en tant que uploads/S4/ le-verbe 1 .pdf
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- Publié le Sep 12, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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