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Copyright © Michelle Cumyn and Frédéric Gosselin, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 8 sep. 2020 02:29 McGill Law Journal Revue de droit de McGill Les catégories juridiques et la qualification : une approche cognitive Michelle Cumyn et Frédéric Gosselin Volume 62, numéro 2, december 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040050ar DOI : https://doi.org/10.7202/1040050ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) McGill Law Journal / Revue de droit de McGill ISSN 0024-9041 (imprimé) 1920-6356 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Cumyn, M. & Gosselin, F. (2016). Les catégories juridiques et la qualification : une approche cognitive. McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, 62 (2), 329–387. https://doi.org/10.7202/1040050ar Résumé de l'article Le présent article intègre l’apport de la méthodologie du droit et des sciences cognitives, afin d’éclairer le processus explicite de qualification juridique et son rôle implicite dans la pensée. La qualification, qui consiste à rattacher les faits à une catégorie juridique, s’opère d’abord inconsciemment : c’est la qualification implicite. Il faut parfois justifier la qualification retenue : c’est la qualification explicite. La théorie du prototype, la théorie des exemplaires et la théorie des théories peuvent expliquer la qualification implicite, tandis que la qualification explicite se fonde sur la définition, les précédents, le régime juridique et les connaissances associées. Dans toute hiérarchie de concepts, ceux d’un niveau intermédiaire, appelé niveau de base, sont préférés pour l’accomplissement de plusieurs tâches cognitives. Les concepts de ce niveau sont vraisemblablement plus faciles à appliquer et plus accessibles pour les juristes débutants. Deux expériences en catégorisation juridique montrent que le niveau de base varie selon les domaines du droit. Elles indiquent que la formation de common law favorise une représentation plus efficace des catégories juridiques, ce qui peut s’expliquer par l’importance accordée à la sélection et à l’analyse des faits. Les catégories juridiques induisent la formation de stéréotypes qui jouent un rôle occulte dans le raisonnement : c’est le principal revers de l’action réductrice et simplificatrice des catégories juridiques. McGill Law Journal — Revue de droit de McGill LES CATÉGORIES JURIDIQUES ET LA QUALIFICATION : UNE APPROCHE COGNITIVE Michelle Cumyn et Frédéric Gosselin* * Michelle Cumyn, Professeure titulaire, titulaire de la Chaire de rédaction juridique Louis- Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval. Frédéric Gosselin, Professeur titulaire, Département de psychologie, Université de Montréal. Les recherches à l’origine du présent article ont été réalisées grâce à une subvention du Conseil de recherches en sciences hu- maines du Canada (CRSH) pour un projet intitulé « Les catégories juridiques de base (basic- level legal categories) ». Les auteurs remercient les auxiliaires de recherche qui ont contribué au projet alors qu’ils étudiaient en droit ou en psychologie à l’Université Laval, à l’Université de Montréal ou à l’Université Queen’s : Sonya Bernard, Matthew Dylag, Haythem Ganouchi, Bonnie Huen, Xavier Morin Duchesne, Robert Sharp, Rebecca Shoom et Claudie Wagner. Les auteurs remercient également les participants qui ont complété les deux tâches expérimen- tales en catégorisation juridique, la Faculté de droit de l’Université Queen’s pour sa collabora- tion et les évaluateurs externes de la Revue de droit de McGill pour leurs commentaires per- tinents. Michelle Cumyn souhaite enfin remercier Günter Reiner pour ses commentaires dé- taillés et les discussions et améliorations qui en ont découlé.  Michelle Cumyn et Frédéric Gosselin 2016 Citation: (2016) 62:2 McGill LJ 329 — Référence : (2016) 62:2 RD McGill 329 Le présent article intègre l’apport de la métho- dologie du droit et des sciences cognitives, afin d’éclairer le processus explicite de qualification juri- dique et son rôle implicite dans la pensée. La qualifica- tion, qui consiste à rattacher les faits à une catégorie juridique, s’opère d’abord inconsciemment : c’est la qualification implicite. Il faut parfois justifier la quali- fication retenue : c’est la qualification explicite. La théorie du prototype, la théorie des exemplaires et la théorie des théories peuvent expliquer la qualification implicite, tandis que la qualification explicite se fonde sur la définition, les précédents, le régime juridique et les connaissances associées. Dans toute hiérarchie de concepts, ceux d’un ni- veau intermédiaire, appelé niveau de base, sont préfé- rés pour l’accomplissement de plusieurs tâches cogni- tives. Les concepts de ce niveau sont vraisemblable- ment plus faciles à appliquer et plus accessibles pour les juristes débutants. Deux expériences en catégorisa- tion juridique montrent que le niveau de base varie se- lon les domaines du droit. Elles indiquent que la for- mation de common law favorise une représentation plus efficace des catégories juridiques, ce qui peut s’expliquer par l’importance accordée à la sélection et à l’analyse des faits. Les catégories juridiques induisent la formation de stéréotypes qui jouent un rôle occulte dans le raisonnement : c’est le principal revers de l’action réductrice et simplificatrice des catégories ju- ridiques. This article focuses on research in legal method- ology and the cognitive sciences, in order to elucidate the explicit process of legal characterization (or classi- fication) and its implicit role in reasoning. Legal char- acterization, which involves matching the facts to a le- gal category, operates first at an unconscious level— this is implicit characterization. It may then be neces- sary to revise or justify one’s choice—this is explicit characterization. While prototype, exemplar and theo- ry theories can account for implicit legal characteriza- tion, explicit characterization relies on definitions, le- gal precedents, legal rules, and related knowledge. In all hierarchies of concepts, those at an inter- mediary level of description—known as the basic lev- el—are preferred for accomplishing various cognitive tasks. Basic-level concepts are seemingly easier to grasp and to apply by novices and non-jurists. Two ex- periments in legal categorisation demonstrate that the basic level varies according to the area of law. They al- so show that jurists trained in the common law acquire a more effective representation of legal categories, probably due to the importance accorded to the selec- tion and analysis of facts. The primary drawback of le- gal categories is that they enable the formation of ste- reotypes that play a concealed role in legal reasoning. 330 (2016) 62:2 MCGILL LAW JOURNAL — REVUE DE DROIT DE MCGILL Introduction 331 I. La catégorie juridique 335 A. Un ensemble de situations factuelles 335 B. Un régime juridique 338 C. Définition et représentation 341 II. La qualification juridique 345 A. La qualification distinguée de l’interprétation et de la subsomption 346 B. La qualification implicite 348 1. La théorie du prototype 349 2. La théorie des exemplaires 350 3. La théorie des théories 352 C. La qualification explicite 357 1. L’approche analytique 358 2. L’approche instrumentale 359 III. La classification des catégories juridiques 362 A. La structure des classifications juridiques 363 B. L’importance du niveau de base 366 C. Deux expériences en catégorisation juridique 371 1. Brève description 371 2. Principaux résultats 373 IV. Perspectives critiques 376 A. L’indétermination des catégories juridiques 376 B. La rigidité des catégories juridiques et la critique de la Begriffsjurisprudenz 378 C. L’influence occulte des préjugés et des stéréotypes 382 Conclusion 386 LES CATÉGORIES JURIDIQUES ET LA QUALIFICATION 331 Introduction En méthodologie du droit, de nombreux écrits sont consacrés à l’inventaire des sources du droit (la loi, la coutume, la jurisprudence et la doctrine) et à l’interprétation des textes juridiques; très peu aux catégo- ries juridiques et à la qualification. Avant d’interpréter les règles de droit afin de les appliquer au problème à résoudre, il faut pourtant avoir repéré ces règles. Pour cela, il ne suffit pas de savoir quelles sont toutes les sources possibles du droit : il faut identifier celles qui sont pertinentes. La qualification juridique des faits permet d’orienter le juriste vers celles-ci. La qualification consiste à rattacher les faits à l’origine du problème à une catégorie juridique (par exemple, un brevet, une vente, un vol); la ca- tégorie juridique indique ensuite quelles sont les règles applicables. L’opération de qualification revêt la même importance en droit que le dia- gnostic en médecine. Elle est difficile à théoriser en raison de son carac- tère le plus souvent implicite. Puisque la qualification fait consensus dans un grand nombre de cas, il a longtemps semblé inutile de s’y attarder. Les recherches en sciences cognitives ont montré que la catégorisation est loin d’être banale. Il s’agit d’un processus complexe, qui joue un rôle fondamental dans la pensée. En outre, ces recherches éclairent la struc- ture des concepts, du moins la représentation mentale que nous en avons. Le tout premier colloque consacré aux sciences cognitives a été organi- sé à l’été 1956 sur le campus de Dartmouth College. Les informaticiens Allen Newell, John McCarthy et Marvin Minsky, le mathématicien Claude Shannon, l’économiste et psychologue Herbert Simon (lauréat du prix Nobel d’économie en 1978), le linguiste uploads/S4/ les-categories-juridiques-et-la-qualification-une-approche-cognitive.pdf

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  • Publié le Jui 23, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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