Les garanties d’un procès équitable Le procès équitable est l’une des exigences

Les garanties d’un procès équitable Le procès équitable est l’une des exigences fondamentales droits de l’Homme à laquelle tous les peuples aspirent, et à travers laquelle se construit l’État de droit, de démocratie et de souveraineté de la loi, selon des mesures qui tirent leur force et leur esprit des chartes internationales, dont la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Résolument engagé dans un processus d’harmonisation de sa législation avec les normes internationales relatives aux droits de l’Homme, le Maroc a ouvert un chantier de réformes où le secteur de la justice pénale occupe une place majeure, particulièrement depuis le début de ce millénaire. Dans ce mouvement, le code de procédure pénale de 2002 constitue une réalisation essentielle présentée par ses auteurs comme étant un édifice juridique novateur, inspiré du double souci d’assurer les conditions d’un procès équitable et de respecter les libertés et les droits individuels conformément aux normes internationales, d’une part, et de préserver l’intérêt général et l’ordre public, d’autre part. Les dispositions de ce texte ont été grandement renforcées par la Constitution de 2011, que beaucoup n’hésitent pas à qualifier de « charte nationale des droits de l’homme » et où le dispositif relatif au procès équitable et aux droits de la défense figure en bonne place. Or, si ce corpus-juris a été favorablement accueilli par les juristes-pénalistes, les praticiens et les défenseurs des droits de l’Homme comme étant une avancée qualitative sur la voie du renforcement des garanties de la liberté individuelle et du procès équitable, il n’est pas moins communément considéré comme une construction inachevée, encore loin de constituer un rempart solide contre d’éventuels abus ou inégalités devant la justice et restant à bien des égards, en deçà des exigences internationales en matière de garanties de la défense et d’administration de la justice, d’autant plus qu’un pan important de la matière procédurale continue d’échapper à son emprise et reste régi par des textes particuliers à l’exemple du code de justice militaire. Cet état de fait pousse à se poser la question suivante : Dans quelle mesure les garanties du procès équitable sont-elles effectives au Maroc ? En réponse à cette question, il est permis de dire que ces garanties sont théoriquement importantes (I) mais à effectivité relative (II). I) Des garanties théoriquement importantes Les garanties du procès équitable, telles qu’affirmées par les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme (DUDH, Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et adoptées par le droit marocain (Constitution, Code de procédure pénale, Code de procédure civile) se rattachent à la fois à la bonne administration de la justice (A) et à la protection des droits des justiciables (B). A) Les garanties liées à la bonne administration de la justice C'est par une bonne administration de la justice que peut d'abord se développer l'équité du procès pénal. En ce sens, le législateur marocain a prévu un ensemble de principes fondamentaux dont notamment le principe constitutionnel d’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir législatif et exécutif et le principe constitutionnel d’inamovibilité des magistrats du siège, selon lequel ils ne peuvent être déplacés, suspendus ou révoqués que selon une procédure exorbitante du droit commun disciplinaire qui est du ressort du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. L’objectif de ces deux principes est d’éviter que le juge ne reçoive des instructions ou des injonctions ou ne soit soumis à une quelconque pression, de nature à influencer sa décision et ainsi, nuire à l’équité du procès. Un autre principe important est celui de l’égalité devant la loi et la justice, , qui signifie que tous les justiciables ont le droit d’être jugés par les juridictions ordinaires conformément aux règles procédurales de droit commun, sans la moindre discrimination. Autrement dit, toute justice d’exception ou procédure particulière de nature à priver des accusés ou des catégories d’accusés de garanties de la défense prévues par le régime de droit commun est considérée comme incompatible avec le principe de l’égalité devant la loi et la justice. De même, dans le souci d’une bonne organisation de la justice pénale, et afin d’éviter la confusion des rôles entre les différents intervenants, la procédure prévue pour le déroulement du procès obéit à diverses phases successives à savoir la phase préparatoire du procès (enquête policière), la phase de poursuite, la phase de l’instruction préparatoire et enfin, la phase de jugement. A noter qu’il y a séparation des fonctions d’instruction et de jugement. Un autre principe d’une importance significative est celui du caractère contradictoire de la procédure, qui implique que le justiciable doit être mis en mesure de se défendre et d’être entendu par le juge. Enfin, il est important de rappeler que la pierre angulaire du droit pénal et par la même occasion, la garantie fondamentale des droits de la personne devant les juridictions répressives demeure, inéluctablement, le principe de la légalité des délits et des peines, exprimé par antl'adage « nullum crimen, nulla poena sine lege » et signifiant que « nul ne peut être condamné pour un fait qui n'est pas expressément prévu comme infraction par la loi, ni puni de peines que la loi n'a pas édictées ». Ce principe, qui constitue une garantie contre l’arbitraire du pouvoir judiciaire, a pour corollaires deux autres principes substantiels à savoir, d’une part, le principe de non rétroactivité de la loi pénale nouvelle plus sévère et d’autre part, le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. B) Les garanties liées à la protection des droits des justiciables Le Code de procédure pénale de 2002 s’est intéressé à mettre en exergue les principes et les dispositions fondamentaux en matières de Droits de l’Homme pour assurer les conditions d’un procès équitable, parmi lesquels il y a lieu de citer notamment, le droit pour le mis en cause de connaître les motifs de son arrestation, la nature des poursuites dont il fait l'objet et le contenu de son dossier, pour lui permettre de préparer sa défense. De plus, il a droit à un procès public devant un tribunal indépendant et impartial, lequel doit statuer dans un délai raisonnable. Par ailleurs, le droit à la présomption d’innocence est garanti, ce qui implique que toute personne suspecte ou poursuivie est présumée innocente tant que sa condamnation n’est pas établie en vertu d’un jugement définitif. Ce principe a pour corollaires, d’une part, le bénéfice du doute, selon lequel le doute doit être interprété au profit de l’inculpé et d’autre part, le droit de garder le silence à toutes les étapes du processus judiciaire, de l’arrestation par la police jusqu’à la fin du procès, ce qui permet à l’accusé de ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable. L’accusé a également le droit de prendre connaissance de tous les moyens de preuve établis à son encontre, de les discuter, d’être assistée par un avocat et le cas échéant, par un interprète si la communication est difficile ou impossible, ainsi que de faire convoquer et interroger des témoins. De même, il est important de signaler que d’une part, le condamné a le droit d’exercer des recours (appel, cassation) contre les décisions judiciaires prononcées à son encontre, notamment lorsqu’il estime qu'elles lui font grief ou ne sont pas légalement justifiées et que d’autre part, le droit à l’indemnisation est garanti en cas d’erreur judiciaire. A noter enfin, que l’autorité judiciaire doit également veiller à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure pénale. II) Des garanties insuffisamment rassurantes En dépit des acquis louables, le régime procédural en vigueur reste à bien des égards en deçà des exigences internationales en matière de garanties de la défense et d’administration de la justice. Il est, en effet, caractérisé par de nombreux points de vulnérabilité (A) ainsi que par une effectivité relative (B). A) Des points de vulnérabilité Parmi les points de vulnérabilité les plus marquants, il est possible de citer ceux se rapportant notamment à la justice militaire, au dispositif procédural spécifique aux infractions terroristes et au rôle envahissant du parquet. Concernant la justice militaire, celle-ci est caractérisée par des défauts majeurs qui tiennent, entre autres, à l’appréhension au sujet de l’indépendance des juges, qu’il s’agisse des magistrats civils dont l’affectation à la juridiction militaire se fait non pas par dahir mais par décret sur proposition du ministre de la justice, ou des assesseurs militaires qui dépendent de leurs supérieurs pour leur affectation et leur promotion ; à l’emprise de l’autorité gouvernementale chargée de la défense nationale sur l’administration de la justice, ainsi que l’exclusion du droit pour la victime de se constituer partie civile devant la juridiction militaire et du droit pour l’inculpé d’interjeter appel contre le jugement rendu, pourtant garantie essentielle de la défense. Concernant le dispositif procédural spécifique aux infractions terroristes (loi 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme), il porte la marque d’un dispositif d’exception traduisant le primat de la sécurité aux dépens des exigences des droits de l’Homme et du procès équitable. uploads/S4/ les-garanties-d-x27-un-proces-equitable.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 09, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0724MB