« Les ONG et la promotion des droits de la Femme au Maroc » Dr Saïda LATMANI,1

« Les ONG et la promotion des droits de la Femme au Maroc » Dr Saïda LATMANI,1 1 Saïda LATMANI est Professeure d’Enseignement Supérieur au Maroc à la Faculté de Droit de Tanger, Université Abdelmalek ESSAADI. Elle enseigne plusieurs matières de Droit Public notamment les relations internationales, la coopération internationale, le Droit public musulman, le droit administratif. Elle est responsable de l’Equipe d’Etude en Droit, Société et Développement en Méditerranée. 1 Introduction Depuis quelques années, la femme est au centre des réflexions. On a vu se multiplier les théories, les études, et les institutions vouées à l’amélioration du statut de la femme par rapport à l’homme dans la société. En effet, cette dernière constitue le centre de toute question démocratique tentant d’assurer l’égalité entre les individus. Cette égalité doit néanmoins prendre plusieurs formes et ne peut s’arrêter à la seule égalité juridique devant l’État. Simone de Beauvoir affirmait déjà au début du siècle dernier qu’il est bien difficile d’acquérir une véritable démocratie dans la sphère publique, si celle-ci n’est pas présente dans la sphère privée (de Beauvoir, 1990)2. Au cours du dernier siècle, les ONG se sont établies comme des acteurs incontournables en matière de défense et de protection des droits de la femme aussi bien sur le plan interne qu’international. Elles se sont implantées dans la majeure partie des pays du globe, y compris dans les monarchies constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale3 comme le royaume du Maroc. L’intérêt qu’accorde les ONG marocaine sur la promotion des droits des femmes est la résultante d’une longue histoire qui tire ses origines depuis les années ‘’40’’. En effet, la femme d’entant s’est vu privée de certains droits devant lui permettre de s’affirmer dans la société. Avec plusieurs mouvements féministes, il est certes vrai que les droits des femmes ont depuis peu enregistré des avancées notables, mais de nombreux défis restent à relever en raison de nombreuses violences auxquelles elles sont encore confrontés. Dans ce sens, Malika Benradi pense qu’ « Il faut instaurer une culture de l’égalité entre les sexes, à l’école, dans l’université, la politique, les médias et l’univers professionnel, pour aboutir à la parité homme et femme dans tous les espaces où s’organise la vie en société »4. Cette volonté venant de la part des femmes via les ONG à eu comme résultat la réforme de certains textes juridiques à l’instar du code de la famille. Au vu de l’importance de ce sujet, on est en mesure de se demander pourquoi la condition des femmes et surtout de l’égalité des hommes et des femmes est une préoccupation 2 Abdou Mohammed INSSAF, La participation politique des femmes au Maroc, Rôle des partis politique ?, master coopération internationale et développement régional, p. 5. 3 Art.1 constitution Marocaine 2011. 4 extrait du message de Malika Benradi, Présidente de l’AFARD, du 1er au 12 mars 2004 lors la 48ème session des Nations Unies sur le statut des femmes à New York. 2 constante au Maroc ? Quel regard peut on porter sur l’apport des ONG dans la promotion des droits des femmes au Maroc ? Telles sont les questions importantes à l’heure actuelle ou les débats autour des femmes sont de plus en plus nombreux et auxquelles nous aimerons apporter des éléments de réponse. Ces questions nous invitent à appréhender tout d’abord la lente affirmation historique des ONG pour la promotion des droits de la femme (I), ensuite les principale ONG pionnières en matière des droits de la femme (II) et enfin le contexte d’action difficile des ONG pour la promotion des droits de la femme(III). I. La lente affirmation historiques des ONG pour la promotion des droits de la femme 3 Les droits de l’homme, formulés dès la fin du XVIIIe siècle, n’ont d’abord concerné que les hommes. C’est l’émergence progressive d’une communauté internationale qui a permis l’affirmation universelle des droits de la personne et qui, en outre, a fait de l’égalité des sexes un principe5. Au sein de ce que l’on nomme les droits de l’homme, les droits de la femme , n’ont, cependant, cessé d’être une problématique. La création de certaines instances notamment les Organisations non gouvernementales ont joués et continuent de jouer un rôle prépondérant en matière de promotion des droits de la femme même si elle ont connu une lente affirmation historique aussi bien à l’échelle internationale (1) qu’à l’échelle nationale(2). 1. A l’échelle internationale Amrita Basu définit les mouvements des femmes comme « un éventail de lutte menées par les femmes contre la disparité entre les sexes »6. Les femmes ont commencé à s’organiser de façon transnationale dès la fin du XIXème siècle. En effet, dans l’entre-deux guerres, des féministes ont misé sur la Société des Nations (SDN) pour que soit affirmée, dans un traité, l’égalité des femmes et des hommes. Elles ont échoué, mais leurs efforts n’ont pas été vains7. Sous la pression des mouvements des femmes8 la charte de San Francisco inclut, en 1945, la référence au sexe des personnes. Dans son préambule, il est dit que les nations qui s’unissent se déclarent résolues « à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes ». 9 Dès son article premier, la charte dispose que le but des Nations unies est de « réaliser la coopération 5 Françoise GASPARD, Les « droits de la femme » : construction d’un enjeu en relations internationales, Revue internationale et stratégiques, 2002/3, n°47, P.46-52. 6 Peggy ANTROBUS, Le mouvement mondial des femmes, France : enjeux et planète, 2007, P.33. 7 Françoise GASPARD, Les « droits de la femme » : construction d’un enjeu en relations internationales, Revue internationale et stratégiques, 2002/3, n°47, P.46-52. 8 Il peut être utile de voire dans le féminisme une politique spécifique fondée sur la prise de conscience de toutes les sources de la subordination des femmes ainsi que l’engagement à remettre en cause et changer les relations et les structures qui perpétuent l’assujettissement des femmes. La prise de conscience du sexisme et de l’oppression qu’il engendre constituent l’essence de la politique féministe qui anime les mouvement des femmes, que ceux-ci portent ou non l’étiquette « féministe ». On peut donc considérer la politique féministe comme un élément spécifique s’inscrivant dans un univers plus vaste constitué des organisations féminines, des mouvements des femmes et d’autres mouvements sociaux. In Peggy ANTROBUS, Op.cit. p.42. 9 En effet, dans la décennie des Nations Unis : 197 5-1985, des femmes de partout se sont rencontrées pour la première fois afin d’échanger leurs points de vue sur leur condition. La décennie des Nations Unies a donné la parole aux femmes des quatre coins du Globe et de divers groupes ethniques, communautés cultures, classe sociales, occupations et pays. Elle leur a donné l’occasion de se rencontrer de manière régulière tant à l’échelle locale que mondiale, dans les tribunes officielles des conférences gouvernementale comme dans les réunions informelles de cercle d’amies…Ces échanges leur ont d’enrichir des connaissances et d’apprendre de leurs expériences respectives. Ils ont donné naissance à des réseaux locaux, régionaux et mondiaux qui ont effectué des recherches et des analyses permettant de renforcer leur plaidoyer. Peggy ANTROBUS, Op.cit. p.69 4 internationale en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». L’introduction des mots femmes et sexe permettait de sortir de l’ambiguïté qui avait jusque- là régné. Les mots homme ou humain englobaient les femmes dans un texte de portée générale. La mention du sexe fut répétée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Toutefois, l’égalité mentionné dans les textes de la charte des Nations unies de San Francisco n’était pas visible dans les faits. Parmi les femmes qui s’étaient démenées pour cette rédaction de la charte, beaucoup doutaient d’une prise en considération spontanée des intérêts du deuxième sexe dans le droit des nations et, surtout, dans la pratique. Selon elles, un mécanisme devait être mis en place pour en traiter spécifiquement. Elles se sont alors appuyées sur l’article 55 de la charte de San Francisco, aux termes duquel le Conseil économique et social est chargé de favoriser le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans distinction de sexe. En 1946, lors de la première réunion du conseil économique et social, il fut crée des organes subsidiaires chargés de la mise en œuvre des droits énoncés dans la charte. L’un d’entre eux est la Commission des droits de l’homme. Sous la pression des mouvements féministes, elle fut dotée d’une sous-commission de la condition de la femme. Cette sous commission fut à son tour dotée en 1947 d’un statut autonome. Un tel organe représentait une victoire pour des féministes persuadées de sa nécessité. La commission des droits de l’homme a joué, dans de nombreux domaines un rôle décisif pour l’élaboration des normes en matière d’égalité juridique entre les femmes et les hommes, qui, uploads/S4/ les-principales-ong-pionnieres-en-matiere-des-droits-de-la-femme.pdf

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  • Publié le Fev 27, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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