2 0 1 8 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Marie-Cécile Lasserre Sophie Druffi n-Br

2 0 1 8 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Marie-Cécile Lasserre Sophie Druffi n-Bricca DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE LICENCE 1 avec des conseils de méthodologie 19 SUJETS Dont un dossier analysant 3 COPIES RÉELLES D’ÉTUDIANTS Dissertations Commentaires Cas pratiques 22 Commentaire d’arrêt Sujet 1 Vous commenterez l’arrêt suivant : Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-15563 Aucun document n’est autorisé Durée de l’épreuve : 3 heures Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 22 mars 2016), que D…, né le [...], a été inscrit à l’état civil comme étant de sexe masculin ; que, par requête du 12 janvier 2015, il a saisi le président du tribunal de grande instance d’une demande de rectifi cation de son acte de naissance, afi n que soit subs- tituée, à l’indication “sexe masculin”, celle de “sexe neutre” ou, à défaut, “intersexe” ; Attendu qu’il fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen : 1°/ que le respect de la vie privée suppose en particulier le respect de l’identité personnelle, dont l’identité sexuée est l’une des composantes ; que l’identité sexuée résulte de façon prépondérante du sexe psychologique, c’est-à-dire de la perception qu’a l’individu de son propre sexe ; qu’au cas présent, D… faisait valoir, au soutien de sa demande de rectifi cation de son acte de naissance, qu’il était biolo- giquement intersexué et ne se considérait, psychologique- ment, ni comme un homme ni comme une femme ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de rectifi cation d’état civil présentée par D…, que cette demande était « en contradic- tion avec son apparence physique et son comportement social », sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la men- tion « de sexe masculin » fi gurant sur l’acte de naissance de D… n’était pas en contradiction avec le sexe psychologique de D…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ; 2°/ qu’en subordonnant la modifi cation de la mention du sexe portée sur l’état civil à la condition que le sexe men- tionné ne soit pas en correspondance avec l’apparence physique et le comportement social de l’intéressé, quand la circonstance que la mention du sexe corresponde à l’ap- parence physique et au comportement social de l’intéressé ne suffi t pas à exclure que son maintien porte atteinte à son identité sexuée et donc à sa vie privée, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ; 3°/ que la cour d’appel a elle-même constaté « qu’en l’ab- sence de production d’hormone sexuelle, aucun caractère sexuel secondaire n’est apparu, ni de type masculin ni de type féminin, le bourgeon génital embryonnaire ne s’étant jamais développé, ni dans un sens ni dans l’autre, de sorte que si D… dispose d’un caryotype XY c’est-à-dire masculin, il présente indiscutablement et encore aujourd’hui une ambi- guïté sexuelle » ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de rectifi cation d’état civil présentée par D…, que « D… présente une apparence physique masculine », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ; 4°/ que, devant les juges du fond, D… faisait valoir que ses éléments d’apparence masculine (barbe, voix grave) étaient uniquement la conséquence d’un traitement mé- dical destiné à lutter contre l’ostéoporose et ne pouvaient donc « être pris en considération pour déterminer son res- senti » quant à son identité sexuée ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de rectifi cation d’état civil présentée par D…, que « D… présente une apparence physique mascu- line », sans répondre à ce moyen d’où il résultait que cette apparence était purement artifi cielle et ne relevait pas d’un choix de D…, de sorte qu’elle ne pouvait lui être opposée pour écarter sa demande de rectifi cation d’état civil, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 23 5°/ qu’il résulte des articles 143 et 6-1 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, que la différence de sexe n’est pas une condition du mariage et de l’adoption ; qu’en affi rmant, pour rejeter la demande de rectifi cation d’état civil présentée par D…, que celui-ci s’était marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant, motif im- propre à exclure que le maintien de la mention « de sexe masculin » porte atteinte au droit de D… au respect de sa vie privée, la cour d’appel s’est déterminée par un motif ino- pérant en violation des articles 8 de la Convention de sauve- garde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 99 du Code civil ; 6°/ que, devant les juges du fond, D… produisait de nom- breuses attestations certifi ant que son comportement social n’était ni celui d’un homme ni celui d’une femme ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir que D… aurait eu un « com- portement social » masculin, qu’il s’était marié et avait, avec son épouse, adopté un enfant, sans analyser, même som- mairement, les attestations ainsi produites, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 7°/ que l’article 57 du Code civil impose seulement que l’acte de naissance énonce « le sexe de l’enfant » ; que cette disposition ne prévoit aucune liste limitative des sexes pou- vant être mentionnés pour son application ; qu’en affi rmant « qu’en l’état des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, il n’est pas envisagé la possibilité de faire fi gurer, à titre défi nitif, sur les actes d’état civil une autre mention que sexe masculin ou sexe féminin, même en cas d’ambiguïté sexuelle », la cour d’appel a violé l’article 57 du Code civil, ensemble le point 55 de la circulaire du 28 octobre 2011 rela- tive aux règles particulières à divers actes d’état civil ; 8°/ qu’il appartient au juge de garantir le respect effectif des droits et libertés fondamentaux reconnus à chacun, en particulier par les conventions internationales auxquelles la France est partie, lesquelles ont, dans les conditions posées par l’article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à celle des lois ; que, saisi au cas d’espèce de la situation d’une personne intersexuée biologiquement et psychologi- quement, il lui appartenait d’assurer le respect du droit de cette personne au respect de sa vie privée, et notamment de son identité sexuée, lequel implique la mise en concor- dance de son état civil avec sa situation personnelle ; qu’il disposait pour ce faire, en application de l’article 99 du Code civil, du pouvoir d’ordonner toute modifi cation de l’acte de naissance nécessaire au respect du droit de la personne qui l’avait saisi à sa vie privée ; que le juge ne pouvait, pour re- fuser de faire droit à cette requête, affi rmer que la demande présentée par D… posait des questions délicates relevant de la seule appréciation du législateur ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 5 et, 99 du Code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Mais attendu que la loi française ne permet pas de faire fi gu- rer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ; Et attendu que, si l’identité sexuelle relève de la sphère pro- tégée par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l’état civil poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élé- ment fondateur ; que la reconnaissance par le juge d’un “sexe neutre” aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifi cations législa- tives de coordination ; Que la cour d’appel, qui a constaté que D… avait, aux yeux des tiers, l’apparence et le comportement social d’une per- sonne de sexe masculin, conformément à l’indication por- tée dans son acte de naissance, a pu en déduire, sans être tenue de le suivre dans le détail de son argumentation, que l’atteinte au droit au respect de sa vie privée n’était pas dis- proportionnée au regard du but légitime poursuivi ; D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; « Le sexe, constaté dans les actes de l’état civil, achève d’identifier la personne physique, en la classant d’emblée d’un côté ou de l’autre de la dichotomie opé- rée par la uploads/S4/ lextenso-etudiant-droit-des-personnes-et-de-la-famille-corrige-detaille.pdf

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  • Publié le Oct 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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