LuxLib « RÉPONSES » Collection créée par Joëlle de Gravelaine, dirigée par Doro

LuxLib « RÉPONSES » Collection créée par Joëlle de Gravelaine, dirigée par Dorothée Cunéo https://www.luxlib.tk/ « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » © Éditions Robert Laffont, S.A.S. Paris, 2018 En couverture : Photo : © Viktoria Asaulenko EAN 978-2-221-21534-0 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. https://web.facebook.com/Luxelib Suivez toute l’actualité des Éditions Robert Laffont sur www.laffont.fr Dépasser nos limites La révolution industrielle a fabriqué deux mensonges qui détruisent encore le monde aujourd’hui : 1. Nature ou emploi, il faut choisir. Là où il y a de la nature, il n’y a pas d’emploi : c’est la campagne. Là où il y a de l’emploi, il n’y a pas de nature : c’est la ville. J’appelle ce mensonge « Noé ». 2. Produire ou s’épanouir, il faut choisir. Soit vous êtes productif mais dépressif, soit vous êtes épanoui mais vous êtes un traître à l’économie nationale. J’appelle ce mensonge « Poé ». Cela fait deux cents ans que le monde pense ainsi, en fonction de ces deux tragiques alternatives qui font osciller l’humanité entre plaisir et souffrance, désir et frustration, dette et prospérité, ville et campagne, toit et belle étoile. Cette opposition irréconciliable entre productivité et épanouissement d’une part, entre nature et emploi d’autre part, structure notre diplomatie écologique, notre relation au travail, notre politique, notre économie, notre industrie, notre éducation. En somme, notre époque. Et ces antagonismes nous incitent à reproduire inlassablement les conditions d’une souffrance collective, d’une guerre silencieuse où la chair est sacrifiée aussi bien que l’esprit. Le débat écologique, en 2018, se résume encore à cette seule question : « Combien d’emploi je perds, combien de nature je gagne ? » Si, par exemple, un George H. W. Bush (père, donc) a clamé qu’en matière d’écologie « le niveau de vie des Américains n’est pas négociable 1 », c’est parce qu’il existait au-dessus de lui, toujours, cette simple opposition intellectuelle entre les « Verts 2 », tenants du camps de la nature, et les « Gris », défenseurs de l’économie, et que sa base électorale était intimement convaincue que la défense de l’environnement allait détruire l’emploi. De telles oppositions dogmatiques ne sont pas nouvelles. En 1914, le seul point sur lequel l’Alliance et l’Entente s’accordaient fanatiquement était la nécessité de se battre dans la guerre la plus inutile de l’histoire humaine. Celui qui se serait interposé entre les belligérants de la Grande Guerre pour la dénoncer aurait été, pour les deux camps, et à l’instar de Jean Jaurès, le premier homme à abattre ! De la même manière, il existe aujourd’hui un no man’s land infranchissable dans la grande guerre entre Verts et Gris. Quiconque s’y aventure essuie les tirs des deux camps, convaincus qu’ils sont investis l’un et l’autre du devoir sacré de s’entretuer. Il faut pourtant réconcilier nature et emploi, productivité et épanouissement. Rien n’est plus important aujourd’hui au corps et à l’esprit de l’économie mondiale et cette réconciliation ne saurait procéder que d’une seule méthode : la sagesse. L’« acupuncture urbaine », théorisée par l’architecte Jaime Lerner 3, affirme qu’une seule petite intervention sur un quartier, bien ciblée et exécutée avec précision, peut transformer toute une ville. Il existe de même une acupuncture intellectuelle : si vous plantez l’aiguille d’un raisonnement nouveau et exact dans les deux nerfs de la grande guerre Vert-de-Gris que sont les deux mensonges « nature ou emploi », « produire ou s’épanouir », si vous parvenez à désamorcer Noé et Poé dans l’inconscient individuel et collectif, vous ferez mieux que détourner notre planète de son cours. Archimède avait dit qu’avec un levier assez long il pourrait soulever la Terre 4 ; j’affirme qu’une aiguille intellectuelle assez nouvelle et affûtée peut changer le cours de l’histoire humaine. L’ÉCOLOGIE N’EST PAS UNE PUNITION Le seul but de ce livre est de fournir cette aiguille, et de procéder à une acupuncture intellectuelle au cœur des nerfs collectifs de la famille humaine. L’écologie n’est pas une punition, pas plus que l’humanisme. Il faut arrêter d’opposer nature et économie, même tacitement, même implicitement, car l’une et l’autre partagent la même origine et doivent travailler ensemble. Arrêter de polluer, protéger la nature, n’est en aucun cas une corvée : c’est parce que la souffrance est devenue à nos yeux un gage d’efficacité que nous finissons malheureux, intoxiqués et inefficaces. L’écologie punitive et l’humanisme moralisateur ne sont que de vaines illusions, aux prémisses séduisantes, mais aux conséquences absolument vides. Pour guérir notre monde et nous-mêmes, nous devons pratiquer l’écologie positive qui certes affirme « Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas », non à propos des problèmes, mais à propos de leurs solutions. Celles-ci existent, elles sont parfois sous notre nez, mais ne suffiront pas, à elles seules, à nous empêcher de mourir de soif au pied de la fontaine, comme le chantait François Villon 5. L’être humain choisit lui-même son enfer, par sa culpabilité, son désir de s’autodétruire, son goût acharné, mais caché et pervers, pour la scarification et la souffrance inutile. Les portes de l’enfer sont pourtant grandes ouvertes, aussi bien à l’entrée qu’à la sortie, et la souffrance écologique vécue par ce couple en crise que forment l’Humanité et la Terre peut prendre fin quand nous le voulons, pour peu que nous nous décidions à voir sa thérapie comme une œuvre passionnante, et non comme une corvée. Dans le monde gréco-latin, « économie » et « écologie » partagent la même racine, le grec oikos (éco-), qui signifie « terre habitée » et à qui l’on doit aussi le terme « œcuménique ». L’économie, telle que l’ont définie les physiocrates français du XVIII e siècle, et telle que l’ont étudiée aussi bien Benjamin Franklin que Pierre Samuel Du Pont de Nemours 6 à la même époque, envisage la nature comme source de prospérité fondamentale. La Physique d’Aristote consistait en l’étude des causes remontant à la cause des causes, qui a été pour la théologie néoplatonicienne une préconception de Dieu. La physiocratie, qui repose sur la même base intellectuelle, s’intéresse, elle, à la cause des causes de la prospérité avec, pour axiome, l’idée que celle-ci est naturelle, et tient avant tout au Vivant, qui est chez les soufis un attribut de Dieu. De même l’Économique de Xénophon 7 est-il un traité d’agronomie, où l’historien et philosophe développe, dans la forme aujourd’hui méprisée du dialogue socratique, la « kalokagathie », c’est-à-dire l’art du « beau et du bon » dans le rapport de l’homme à sa terre. La physiocratie pose ainsi que la prospérité est coextensive à la vie. Plus il y a de vie, plus il y a de prospérité, et la vie, qui est elle-même un procédé, un mouvement, peut inspirer nos procédés d’origine humaine pour créer encore plus de prospérité, de sorte que fortune naturelle et fortune artificielle deviennent indiscernables. Car il est dans la destinée de l’une et l’autre de s’entrelacer subtilement pour former un tout, bien plus efficace que chacune de ses parties, un tout qui doit être kalos (« beau ») et agathos (« bon »). L’étude de cette prospérité, sa codification contemporaine, sa mise à la disposition du plus grand nombre, là est tout l’esprit de ce livre, dont la lettre n’est qu’une ombre qui, je l’espère, servira toute personne qui la lira. Cet ouvrage est issu de quatre tours du monde, et son origine est orale. Si Socrate affirmait que les mots ne sont qu’une projection trompeuse du réel, une vague ténèbre du monde à laquelle il ne faut jamais trop se fier et si, pour cette raison, il refusait de transmettre sa sagesse par écrit, c’est aussi que les textes les plus mémorables de l’Histoire se sont faits à l’interface entre l’oral et l’écrit. L’un est le ciel, l’autre la terre, et le bon texte, comme un arbre, relie les deux ; c’est au bord de ces deux mondes que naissent les panégyriques, c’est-à-dire les propos destinés à l’humanité tout entière. Or la sagesse qui soignera Noé et Poé s’adresse à tous les hommes. Cette sagesse est aussi le trait d’union entre le matériel et l’immatériel. Il faut suivre le grand auteur soufi Idries Shah quand il écrit que « les mots doivent mourir, si les humains doivent vivre » : l’humanité est plus grande que les mots, qu’elle a créés pour la servir elle, et non pour devoir les servir eux. Les conférences et tables rondes qui ont fondé ce livre – plus de 420 – ont été données en anglais, en français ou en italien, entre Mountain View, Bali, Nouméa, Johannesburg, Istanbul, Singapour, Shanghai, à l’Organisation uploads/S4/ luxlib.pdf

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  • Publié le Mai 01, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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