Neptunus, e.revue Université de Nantes, vol. 24, 2018/ 2 www.cdmo.univ-nantes.f
Neptunus, e.revue Université de Nantes, vol. 24, 2018/ 2 www.cdmo.univ-nantes.fr Le Droit Maritime Antoine MANIATIS Docteur en Droit Public, Chargé des Conférences à l’Université Castilla – La Mancha RÉSUMÉ Le droit maritime constitue une branche spécifique unique du droit, régissant en principe la navigation maritime. Il est divisé en droit maritime public et en droit maritime privé, dont la sous-branche commerciale a connu un développement privilégié. La doctrine semble partagée sur la question de l’autonomie de cette branche, qui a été récemment mise en cause par diverses évolutions législatives et jurisprudentielles en France. Une nouvelle tendance a émergé, à cultiver à part le droit de la navigation de la plaisance, comme cela est le cas italien du Code de l’activité nautique de plaisance, qui pourrait être comparé avec le Code du tourisme. En outre, le droit au transport est explicitement consacré en droit positif tandis que le droit de l’homme à l’eau, issu du droit international, gagne du terrain même dans les Constitutions. Le droit maritime pas seulement est doté d’autonomie, exemplifiée par le concept particulier du navire et du capitaine à la limite de leur métamorphose juridique, mais l’autonomie a été récemment enrichie par le droit de l’activité nautique de plaisance, qui constitue une véritable sous-branche du droit maritime. SOMMAIRE INTRODUCTION : L’EAU ET LE DROIT MARITIME I. – LE DROIT MARITIME, UNE BRANCHE AUTONOME ? II. – LE DROIT MARITIME, UNE BRANCHE AUTONOME ? III. – LA SPÉCIALITÉ PROGRESSIVE DU DROIT DE LA NAVIGATION DE PLAISANCE IV. – LE DROIT AU TRANSPORT V. – LE DROIT À L’EAU CONCLUSION : LE DROIT MARITIME, UNE AUTONOMIE ENRICHIE À LA LIMITE DE LA MÉTAMORPHOSE JURIDIQUE INTRODUCTION: L’EAU ET LE DROIT MARITIME L’eau est une essence abiotique qui est ubiquitaire sur Terre et dans l’atmosphère, sous ses trois états, à savoir solide (sous forme de glace), liquide, qui est la forme ordinaire, et gazeux (vapeur d’eau). Selon la belle formule d’Antoine de Saint-Exupéry, « L’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie »1. Néanmoins, le statut de l’eau au sein du droit public ne va pas de soi - même. En outre, la navigation maritime constitue une des formes les plus anciennes d’usage des cours d’eau, les internationaux inclus2. Elle est liée à son propre droit, le droit maritime. Nous supposons que le droit maritime constitue une branche autonome, liée au droit de l’homme à l’eau. 1 J.-L. Gazzaniga, X. Larrouy-Castéra, Ph. Marc, J.-P. Ourliac, Le droit de l’eau, LexisNexis Litec, 2011, p. 6. 2 L. Boisson de Chazournes, Fresh Water in International Law, Oxford University Press, 2013, pp. 13- 14. I. – LE DROIT MARITIME, UNE BRANCHE SPÉCIFIQUE ? Le droit maritime ne consiste pas uniquement en un ensemble de règles adoptées par voie législative. Le cas du navire n’est pas comme celui de l’automobile… D’une part, les automobiles constituent une des inventions les plus célèbres et utiles des derniers siècles mais elles n’ont pas pu gagner du terrain à tel point qu’elles mériteraient une autonomie normative. En effet, comme il est naturel, les voitures ont attiré l’intérêt législatif dans maintes branches du droit. À titre d’exemple, des corps normatifs hétéroclites, dont le fiscal et celui de l’énergie, disposent de règles régissant des aspects variés de l’automobile mais personne ne prétend qu’il existe une branche véritable de l’automobile, à la différence des branches spécifiques précitées du droit fiscal et du droit de l’énergie. Les voitures sont donc incorporées dans le système du droit, sans constituer l’objet d’une branche séparée. D’autre part, le droit maritime constitue une branche spécifique à part, qui pourrait être dénommée « droit nautique », selon la terminologie en usage dans l’ordre juridique grec. Le mot d’origine en grec, à savoir « ναυτικό » (nautique), signifie surtout quelque chose de relatif aux marins mais aussi à la navigation. Il existe une dichotomie de la normativité du droit maritime, correspondant à deux codes complémentaires en Grèce ; le droit maritime public et le droit maritime privé. La première sous-branche, de provenance interne, a un contenu riche ayant parenté avec diverses branches du droit public au sens ample, dont le droit administratif et le pénal. Si dans ce contexte elle pourrait être considérée comme une thématique faisant partie de la partie spéciale du droit administratif, elle est aussi en connexion avec le droit international public, qui inclut le droit de la mer, régissant les diverses zones juridiques de la mer. Un exemple classique de cette communication inhérente entre la composante internationale et celle interne du droit public au sens ample serait le cas particulier de la piraterie, d’ordinaire conçue comme une infraction économique, commise outre le territoire d’un État, donc notamment en haute mer3. La piraterie constitue une forme diachronique de criminalité qui transgresse la norme coutumière, du droit de la mer, qui consiste en la liberté en haute mer, notamment la liberté de navigation de tout navire4. Néanmoins, la piraterie n’est pas toujours marginale et rejetée par ceux qui ne la commettent pas5. Il est indicatif qu’Aristote la citait parmi les professions acceptées par la société. En outre, la protection des marins contre la piraterie constitue une question compliquée, incluant la garantie du salaire du marin qui est tenu en captivité à bord du navire ou ailleurs6. L’antipiraterie fait partie de la tradition maritime au plan technique et juridique à la fois. À titre d’exemple, les mesures de défense des navires grecs anciens incluaient le trirème léger grec, doté de la vitesse et de la force nécessaires pour capturer les pirates7. De plus, l’article 105 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (10 décembre 1982), surnommée « Constitution des océans »8, consacre une règle coutumière ancienne : le principe d’une compétence universelle à agir à l’encontre des pirates9. Même au fur et à mesure que la Mer 3 A. Maniatis, « Maritime migrant smuggling », ADMO Tome XXXIV - 2016, pp. 12-13. 4 M. Hennessy - Picard, « La piraterie atlantique au fondement de la construction des souverainetés coloniales européennes », Champ Pénal / Penal field [Online], Vol. XIII 2016. 5 A. Maniatis, La piraterie en Afrique, Neptunus, vol. 23, 2017/4. 6 P. Chaumette, Piraterie et Proposition d’Amendements 2017 de la Convention MLC 2006 de l’OIT, Neptunus vol. 23, 2017/2. 7 W. Block and P. Lothian Nelson, Water Capitalism The Case of Privatizing Oceans, Rivers, Lakes and Aquifers, Lexington Books 2015, p. 123. 8 H. de Pooter, Une constitution de l’ONU pour les océans, La Vie – Le Monde, hors-série, p. 145. 9 Ph. Chapleau, J. – P. Pancracio, La piraterie maritime Droit, Pratiques et Enjeux, Vuibert, 2014, pp. 27-28. Méditerranée était le « lac romain », elle était aussi la mer des pirates10. Les pirates sont censés être vaincus sur la terre mais être invincibles à la mer, à l’exception de la victoire de Rome en 57 avant J.Ch. Ils sont considérés, depuis l’époque de la souveraineté romaine, comme « ennemis de l’humanité » et pas seulement de l’État, auquel le navire touché est immatriculé. La navigation constituait donc un mode d’autonomie institutionnelle de certains individus, même si cette autonomie était axée d’ordinaire sur des actes illicites constituant la notion complexe de la piraterie. En d’autres termes, la piraterie pourrait avoir une dimension politique et institutionnelle, pas nécessairement criminelle et économique. Donc, elle offrait la possibilité d’échapper à l’oppression des régimes autarciques et à l’occupation des terres par des armées étrangères, chose qui rapproche celle-ci du marronnage des esclaves, exemplifié par la vie des habitants noirs d’Haïti. Il existe une sorte de codification des pratiques de la piraterie traditionnelle, sous forme de « charte du pirate », qui incluait huit règles11. La dynamique du droit d’affrontement de la piraterie maritime est telle que ce droit a été projeté sur un autre champ plus nouveau, le droit de la propriété intellectuelle, qui évolue avec le développement d’Internet12. Devant les avancées technologiques, la protection des valeurs immatérielles se trouve confrontée à d’importants défis, tant d’ordre technique (identification des auteurs ou des contrefacteurs) que d’ordre juridique (adaptation du droit à l’univers numérique)13. Au contre-pied de la sous-branche du droit maritime public se trouve celle du droit maritime privé. Il inclut des règles sur le contrat individuel de travail des marins, faisant partie du droit du travail, mais surtout sur l’activité commerciale du transport maritime. En d’autres termes, comme le droit privé n’est pas limité au droit commercial, les proportions gardées le droit maritime privé inclut des dispositions diverses, dont les commerciales sous forme d’une sous- branche très développée qui est le droit maritime au sens strict. Cette sous-branche est traditionnellement considérée comme sous-discipline de la partie spéciale du droit commercial. Afin de bien concevoir la particularité des normes sur le commerce maritime, il conviendrait de signaler qu’en grec il existe une terminologie à part, dans la pratique. On désigne ce droit par le terme « ναυτιλιακό », à savoir droit de la navigation, et non pas droit des marins, comme cela est le cas du terme précité « ναυτικό » (nautique). Mais uploads/S4/ maniatis-le-droit-maritime-pdf.pdf
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- Publié le Dec 28, 2021
- Catégorie Law / Droit
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