TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG N° 2106447 ___________ M. Philippe HERTZOG
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG N° 2106447 ___________ M. Philippe HERTZOG ___________ Mme Julienne Bonifacj Juge des référés ___________ Ordonnance du 27 septembre 2021 ___________ 61-01 C na RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS La juge des référés Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2021, M. Philippe Hertzog, représenté par Me Martin-Keusch - Luttenauer, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier Loewel de Munster l’a suspendu de ses fonctions sans traitement, jusqu’à la production d’un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Il soutient que : - alors qu’il ne perçoit plus de rémunération depuis le 15 septembre 2021 et ne peut plus faire face à ses charges courantes, il justifie d’une urgence à saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; - la décision qui conditionne la poursuite de son contrat de travail à la production de la preuve d’avoir été vacciné ou ne pouvoir l’être pour des raisons médicales, porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa vie privée, à son droit de disposer de son corps, à l’inviolabilité du corps humain et à l’intégrité physique, elle méconnaît ainsi la déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 16 du code civil ; - elle méconnaît également le consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux qui lui sont prodigués ; - il n’a jamais fait l’objet d’un entretien préalable permettant d’examiner les moyens de régulariser sa situation ; - il n’est pas démontré que l’objectif de santé publique ne pourrait pas être atteint sans recours à la vaccination. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le centre hospitalier Loewel de Munster, représenté par la SELARL CM. Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête. N° 2106447 2 Il soutient que : - le requérant qui s’est, en toute connaissance de cause, délibérément exposé au risque de voir sa rémunération suspendue à partir du 15 septembre 2021, ne peut se prévaloir de l’existence d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; - aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’est caractérisée en l’espèce ; - en tout état de cause, le centre hospitalier était tenu de prononcer la mesure en litige, au regard en particulier des dispositions de l’article 16-II de la loi du 5 août 2021 ; - le moyen tiré de ce que le requérant n’aurait pas bénéficié d’un entretien manque en fait. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la déclaration universelle des droits de l’homme ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - la charte européenne des droits fondamentaux ; - le pacte international des droits civils et politiques ; - le code civil ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ; - le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Bonifacj, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique du 23 septembre 2021 tenue en présence de Mme Chérif, greffière d’audience : - le rapport de Mme Bonifacj, juge des référés, - les observations de Me Martin-Keusch - Luttenauer, avocate de M. Hertzog, - les observations de Me Clamer, avocat du centre hospitalier Loewel. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». 2. M. Hertzog demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la N° 2106447 3 décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier Loewel de Munster l’a suspendu de ses fonctions d’aide-soignant, sans traitement, jusqu’à la production d’un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. 3. Eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d’urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d’une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l’application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements. 4. Aux termes des dispositions de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 : « I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / (…) 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / (…) a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (…) ». En vertu de l’article 13 de ce texte : « I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1° (…) ; / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité ». Le B du I de l’article 14 de cette loi dispose « A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. ». En vertu du II de ce même article : « Lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit ». 5. En premier lieu, M. Hertzog soutient que la décision de le suspendre de ses fonctions, au motif qu’il n’est pas vacciné, porte atteinte au respect de sa vie privée, à son droit de disposer de son corps, à l’inviolabilité du corps humain et à l’intégrité physique, et méconnaît ainsi la déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 16 du code civil. Toutefois, alors que le principe et le champ d’application de l’obligation pour les personnels des services de santé d’être vaccinés résultent de la loi du 5 août 2021, le requérant se borne à invoquer ces droits et libertés de manière générale, sans aucune précision uploads/S4/ ordonnance-du-27-09-2021-m-philippe-hertzog.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2022
- Catégorie Law / Droit
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