Université Saint-Louis – Bruxelles Droit constitutionnel II Syllabus à l’usage

Université Saint-Louis – Bruxelles Droit constitutionnel II Syllabus à l’usage des étudiants de 2e bloc droit Hugues DUMONT Mathias EL BERHOUMI Sébastien VAN DROOGHENBROECK Année académique 2020-2021 Avant-Propos Objet du présent enseignement Le présent enseignement constitue la suite de celui qui a été dispensé en première année de bachelier. Le cours de droit constitutionnel I a porté sur les deux premières parties respectivement consacrées à la notion d’État et aux fondements de celui-ci (Partie I), aux divisions et structures de l’État en général, et de l’État belge en particulier (Partie II) à l’exercice du pouvoir dans l’État et à l’exigence démocratique (Partie III). La matière ainsi abordée est « supposée connue ». Le présent syllabus comporte la partie IV Les pouvoirs en Belgique ; et la partie V La répartition des compétences et le fédéralisme coopératif. Le présent enseignement présente par évidence de fortes interconnexions avec celui qui a été dispensé au sujet des Sources et Principes du droit. Ainsi, et par exemple, les questions relatives à la typologie des normes (fédérales et fédérées) et à leur mode de confection, à l’institution de la Cour constitutionnelle ou encore au Pouvoir judiciaire, se rattachent incontestablement au droit constitutionnel, mais ne seront plus abordées, si ce n’est sur un mode allusif, dans le cadre du présent cours : il s’agit, là aussi, d’une « matière supposée connue ». Le présent syllabus Le présent syllabus constitue une bonne base pour suivre le cours. Toutefois, il ne coïncide pas parfaitement avec l’exposé oral du cours. L’étudiant doit connaître pour l’examen tout ce qui aura été dit au cours magistral. Le texte des décisions les plus importantes qui sont analysées dans le cadre du cours, est reproduit, par extraits, dans le syllabus lui-même. Pour l’examen, les étudiants peuvent se munir du texte des décisions concernées, à la condition évidemment qu’aucun passage du syllabus n’y figure parallèlement. Le cas échéant, les décisions concernées peuvent être imprimées, en version intégrale, au départ du site internet de la juridiction a quo. La plupart de ces décisions sont reprises dans Le recueil de textes. 1 2 PARTIE 4 : LES POUVOIRS EN BELGIQUE TITRE I : LES PRINCIPES CHAPITRE 1. L'ÉTAT BELGE POSSÈDE UN RÉGIME REPRÉSENTATIF Rappel : sur les notions de démocratie directe, de régime représentatif de démocratie semi-directe et de démocratie participative. Cfr IIIe partie. En pratique aujourd'hui, les États n'ont le choix qu'entre le régime représentatif et ce qu'on appelle le régime de démocratie semi-directe. Un régime de pure démocratie directe est, quant à lui, impraticable. Qu’en est-il en Belgique ? Pour la clarté de l’exposé, il convient d’opérer une distinction entre le niveau fédéral, le niveau communautaire et régional, et le niveau local. Section 1. Le niveau fédéral En Belgique, il faut constater que l'État fédéral connaît un régime représentatif pur qui exclut en principe tous les procédés de démocratie directe. L’impossibilité, de constitutione lata, de recourir au referendum aux fins d’adoption des lois fédérales ou de révisions constitutionnelles, se déduit, implicitement, mais certainement, des articles 33, al. 2, 36 et 195 de la Constitution. L’article 33 de la Constitution dispose en effet que « Tous les pouvoirs émanent de la Nation ». Son alinéa 2 ajoute que lesdits pouvoirs « sont exercés de la manière établie par la Constitution ». La production normative au niveau fédéral est donc censée être régie de manière exhaustive par la Constitution elle-même. Or, la Constitution ne prévoit pas d’intervention directe du peuple dans ce processus de production normative. L’article 36 dispose en effet que « Le pouvoir législatif fédéral s’exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat » : nulle intervention directe du peuple. La production normative constitutionnelle est quant à elle régie, de manière exhaustive, par l’article 195 de la Constitution, et la procédure en trois phases prévue par celui-ci : ici encore, il n’y a pas de place pour une quelconque intervention directe et décisoire du peuple lui-même. Tout juste une participation indirecte – et, en pratique, très théorique – du corps électoral au processus de révision constitutionnelle est-elle organisée par la tenue d’élections consécutivement à l’adoption de la déclaration de révision. Il va sans dire que, à la lumière du tableau ainsi dressé, il existe une parfaite unanimité, doctrinale et jurisprudentielle, autour du fait que la Constitution belge prohibe de lege lata, au niveau fédéral, la tenue de referendums – quand bien même 3 ceux-ci seraient-ils organisés par la loi. Même le monde politique s’est rallié à cette proposition1. Une révision constitutionnelle préalable serait donc nécessaire pour autoriser la tenue de referendums. Nombreuses et délicates sont cependant les questions qui devraient, dans ce cadre, être tranchées. Faut-il permettre que le référendum procède d’une initiative populaire ? Faut-il l’organiser sur base d’une circonscription électorale unique et selon la règle de la majorité simple, ou faut-il, au nom de la protection des minorités, prévoir plusieurs circonscriptions électorales et un système de double, triple voire même quadruple majorité, …. ? Faut-il exclure par avance que certaines questions soient soumises au referendum, en raison de la contrariété qui pourrait survenir entre le résultat de la votation et les engagements internationaux de l’État (voy. p. ex. la situation délicate qui est celle de la Confédération Helvétique depuis le referendum, tenu en novembre 2009, sur l’interdiction des minarets. La requête introduite sur ce point devant la Cour européenne des droits de l’Homme a été déclarée irrecevable, à défaut pour les requérants de présenter la qualité de « victime » requise par l’article 34 de la Convention : voy. req. n° no 65840/09, décision Ouardiri c. Suisse du 28 juin 2011 et n° 66274/09, décision Ligue des Musulmans de Suisse et autres c. Suisse du 28 juin 2011). On verra, au demeurant, que pas mal de ces questions se posent d’ores et déjà à l’heure actuelle suite à l’introduction de la possibilité de consultations populaires régionales à l’article 39bis de la Constitution, lui-même issu de la 6e réforme de l’État (cfr. infra). L’initiative populaire n’est pas davantage admise. L’article 75 de la Constitution réserve le droit d’initiative aux branches du pouvoir législatif fédéral s’agissant de l’élaboration des lois, à l’instar de l’article 195 s’agissant de la révision de la Constitution. En revanche, la Constitution consacre le droit de pétition (art. 28 et 57) qui, s’il n’oblige pas les représentants à délibérer d’un sujet déterminé, confère néanmoins aux pétitionnaires qui remplissent les conditions légales (voy. l’article 4 de la loi du 2 mai 2019 relative aux pétitions adressées à la Chambre des représentants) le droit d’être entendu par la Chambre2. Plus controversée a été la question de savoir si, de lege lata, la Constitution belge s’oppose à la tenue de consultations populaires au niveau fédéral, qui, rappelons-le, se distinguent des referendums par le fait que l’autorité n’est pas tenue, en droit, par le résultat de la votation. La section de législation du Conseil d'État a estimé, dans un célèbre avis du 15 mai 1985 rendu en assemblée générale3, que, nonobstant la distance théorique censée les séparer – existence, vel non, d’un caractère contraignant –, les consultations populaires ont, sur le plan des faits, un poids analogue aux referendums de décision, de sorte qu'il faut les juger tout aussi incompatibles que ceux-ci aux règles constitutionnelles que l'on vient de citer (33, 36 et 195 de la Constitution). Pour justifier cette assimilation de fait entre le referendum et la consultation populaire, le 1 Voy. J. VELAERS et P. POPELIER, « Le référundum constitutionnel en Belgique », Rapports Belges au XVe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé (Utrecht, juillet 2006), sous la dir. de Y.-H. LELEU et E. DIRIX, Bruxelles, Bruylant, p. 618 et références citées note 6. 2 Voir aussi l’accord de Gouvernement De Croo du 30 septembre 2020 : « Via son règlement, la Chambre mettra en oeuvre la loi sur la nouvelle initiative citoyenne, par laquelle une pétition de citoyens peut donner lieu à des propositions d’initiative législative en commission compétente de la Chambre ». 3 Doc. Parl. Chambre, 1983-1984, 783/2. 4 Conseil d’État s’est inspiré de la pensée de P. Wigny, lequel affirmait en effet : « il y a des avis qui, lorsqu'ils tombent de certaines bouches, prennent une force singulièrement impérative. Comment les Chambres élues oseront-elles se dérober aux indications données par la grande voix de la Nation ? Le référendum ne sera que prétendument consultatif. En fait, il liera les organes représentatifs »4. Cette analyse fut par suite confirmée sur le fond par une série d’avis du Conseil d’État. Ainsi peut-on lire dans l’avis n° 37.804/AG, du 23 novembre 2004 sur une proposition de loi « portant organisation d’une consultation populaire sur le traité établissant une constitution pour l’Europe »5 : « Il ressort de (l’article 33, al. 2 de la Constitution) ainsi que des autres dispositions de la Constitution relatives à l’exercice des pouvoirs que la Constitution n’a pas instauré un système fondé sur la souveraineté populaire, mais bien un mécanisme basé sur la souveraineté nationale dans lequel la Nation est représentée par uploads/S4/ partie-iv-v-droitconii.pdf

  • 16
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Apv 02, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.6163MB