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1 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon CONCOURS ENM 2018 Droit pénal L’intention dans les atteintes à l’honneur Remarque liminaire : compte tenu du caractère très pointu du sujet, il importe de préciser que le corrigé ici proposé n’était pas réalisable dans les conditions de temps imparties. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 résume ainsi la difficulté des législateurs qui entendront restreindre la liberté d’expression. Les atteintes à l’honneur constituent sans doute la plus manifeste des limitations portées par le législateur contemporain à la liberté d’expression. On regroupe classiquement sous l’appellation d’ « atteinte à l’honneur » les infractions pénales ayant pour objet de protéger l’honneur, la considération ou encore la réputation de ceux qui en sont les victimes. Ces infractions sont peu nombreuses. Doivent notamment être exclues de cette catégorie, les infractions dont la finalité est de protéger la vie privée des individus. S’il est vrai qu’honneur et vie privée peuvent avoir des points de coïncidence, toute atteinte à la vie privée n’atteint pas nécessairement l’honneur, et réciproquement. De la même manière, les infractions consistant en des outrages, n’ont pas vocation à protéger l’honneur de ceux qui en sont victimes, mais l’autorité des institutions qu’ils représentent. Ainsi, les atteintes à l’honneur renvoient essentiellement aux délits et contraventions de diffamation et d’injure. Ces deux infractions comportent en effet dans leurs définitions respectives la référence explicite ou implicite à l’honneur terni de la victime. L’article 29 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 définit ainsi la diffamation comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé », et, dans son second alinéa, l’injure comme « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ». L’infraction de dénonciation calomnieuse incriminée par l’article 226-10 du Code pénal, en ce qu’elle a pour soubassement nécessaire l’exigence d’une calomnie, laquelle porte intrinsèquement atteinte à l’honneur, peut également être considérée comme relevant de cette catégorie. Diffamation, injure et dénonciation calomnieuse sont donc les trois infractions sur lesquelles il convient de mesurer l’influence de l’intention. Issue du latin « intendere », la notion d’intention renvoie à l’idée d’une volonté tendue vers un but. Si elle est, à titre principal, la composante traditionnelle de l’élément moral des infractions pénales, l’intention peut également s’avérer susceptible d’influencer les autres éléments et mécanismes répressifs. Rapportée aux atteintes à l’honneur, l’intention peut constituer un outil utile à accroître, ou, au contraire, à restreindre les atteintes portées à la liberté d’expression. Si la liberté d’expression constitue l’une des valeurs les plus essentielles de toute société démocratique, elle peut faire l’objet de restrictions lorsque son exercice met en péril d’autres intérêts qu’il est également nécessaire de préserver, parmi lesquels, la protection de l’honneur. L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de1789 prévoit ainsi la possibilité pour le législateur de venir réprimer les abus de la liberté d’expression. L’article 10§2 CESDH énonce quant à lui la possibilité pour les Etats de retreindre cette liberté, pourvu que l’atteinte soit prévue par la loi, et qu’elle apparaisse nécessaire et proportionnée à un but légitime. L’intention dans les atteintes à l’honneur est parfois mise au service de telles restrictions de la liberté d’expression. Dans cette perspective, de manière à ce que la difficulté de sonder les âmes ne fasse pas échec à la protection de l’honneur des individus, la jurisprudence admet de réduire à un simple dol général l’intention requise au titre de l’élément moral des atteintes à l’honneur, et même, le plus souvent, de présumer l’existence d’un tel élément moral dès lors qu’est démontré l’élément matériel de l’infraction. Toutefois, dans d’autres hypothèses, l’intention est, à l’inverse, placée au service d’une protection plus efficiente de la liberté d’expression, au détriment de la protection de l’honneur. C’est une tendance que l’on reconnaît notamment lorsque que le législateur érige l’intention, lorsqu’elle revêt certaines formes, en fait justificatif des 2 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon infractions de diffamation ou d’injure. La bonne foi constitue ainsi une cause objective d’irresponsabilité pénale de la diffamation, tandis que l’excuse de provocation peut justifier l’injure. C’est dans cette même logique de conciliation des intérêts en présence, que la Cour européenne des droits de l’homme, relayée en cela par la Cour de cassation (Ass. Plén. 16 mars 2016), n’hésite pas à faire prévaloir la volonté de l’auteur de nourrir un débat d’intérêt général sur la protection de l’honneur de la victime, en écartant en de telles circonstances l’application des infractions consistant en des atteintes à l’honneur. Ainsi, tantôt placée au service de la promotion, tantôt placée au service de la limitation de la liberté d’expression, l’intention fait figure d’outil de régulation de l’appréhension pénale des atteintes à l’honneur. La question se pose par conséquent de savoir quels intérêts sert, en droit positif, la prise en compte de l’intention dans les atteintes à l’honneur. Aussi convient-il de mettre en rapport l’influence exercée par l’intention sur la constitution (I), et sur la répression (II) des infractions consistant en des atteintes à l’honneur. I - L’intention déterminante de la constitution des infractions d’atteinte à l’honneur Si l’intention est traditionnellement prise en compte au titre du seul élément moral de l’infraction (B), elle n’est pas étrangère, s’agissant des atteintes à l’honneur, à l’élément matériel (A) A) L’influence de l’intention sur l’élément matériel des atteintes à l’honneur Classiquement, l’intention participe de l’élément moral de l’infraction, lui-même nettement distinct de son élément matériel. L’élément matériel repose en effet sur la réunion d’un comportement, d’un résultat et d’un lien de causalité entre les deux, objectivement observables et appréciés indépendamment de la posture intellectuelle ayant animé leur auteur, et donc de son intention. Il en va différemment s’agissant des infractions consistant en des atteintes à l’honneur. En effet l’élément matériel de ces infractions porte en lui-même immanquablement le germe de l’intention de leur auteur. Cette imprégnation de l’élément matériel par l’intention se vérifie aussi bien s’agissant des atteintes à l’honneur prévues par la loi du la liberté de la presse (1) que de la dénonciation calomnieuse (2) 1) S’agissant des infractions contenues dans la loi sur la liberté de la presse L’élément matériel des infractions de diffamation et d’injure nécessite immanquablement une démarche intentionnelle de leur auteur. D’abord, selon l'article 29 al. 1er de la loi du 29 juillet 1881, constitue une diffamation « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Matériellement, l’infraction nécessite donc pour être consommée que se trouvent atteint l’honneur ou la considération d’une personne ou d’un corps. La question se pose dès lors de savoir comment apprécier l’existence d’une telle atteinte. A cet égard, la jurisprudence décide que les allégations ou imputations sont considérées comme portant atteinte à l’honneur lorsque le fait énoncé suscite « une réprobation générale, que le fait soit prohibé par la loi ou considéré comme d'évidence contraire à la représentation communément admise de la morale » (Civ. 1re, 3 nov. 2016). L’appréciation de l’existence d’une atteinte portée à l’honneur ou à la considération doit ainsi s’effectuer, non pas au regard du ressenti du diffamé, du diffamateur ou encore de tiers, mais in abstracto, c'est-à-dire au regard d’une conception communément partagée de l'honneur et de la considération et de ce qui est susceptible de les ternir. Or puisque la caractérisation de l'atteinte à l'honneur ou à la considération s’opère in abstracto, il devient acquis que la personne ayant formulé l'allégation ou l'imputation ne pouvait ignorer la portée de ses propos. Il est par conséquent peu vraisemblable qu'un fait matériel de diffamation ne soit pas réalisé intentionnellement et avec la conscience de préjudicier à autrui. On retrouve dans l’infraction d’injure la même imprégnation de l’élément matériel par l’intention de l’auteur. En effet, l'article 29, alinéa 2, de la loi de 1881, définit l’injure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective ». La caractérisation matérielle de tels éléments est délicate tant elle varie suivant les époques et les individus. Ainsi sont reconnus comme injurieux les propos qui présentent un caractère objectivement offensant. Peu importe ici encore la perception qu’auront eu du propos l’auteur ou la victime de 3 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon l’injure (Crim. 24 nov. 2009), les magistrats devant rechercher abstraitement si le propos était bien injurieux. Dès lors que les propos doivent apparaître injurieux au regard de l’opinion commune pour caractériser l’élément matériel, il n’est ici non plus pas concevable que leur auteur les ait proférés sans intention. C’est pourquoi la doctrine relève au sujet des infractions d’injure que « les propos injurieux supposent uploads/S4/ penal-dissertation-2018.pdf

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  • Publié le Dec 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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