Modernisation du droit pénal professionnel maritime. Ordonnance n° 2012-1218 du

Modernisation du droit pénal professionnel maritime. Ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime1 Il s’agit d’une réforme de l’implantation, du fonctionnement et de la composition des juridictions spécialisées répressives qui prennent le nom de « tribunaux maritimes » (TM), par la suppression des juges choisis parmi les agents de l’administration des affaires maritimes et la présence d’assesseurs maritimes issus du monde maritime, y compris le domaine de la plaisance. Ces TM, conformément à leur champ de compétence en matière délictuelle, sont appelés à fonctionner auprès de certains tribunaux de grande instance (TGI), dont la liste sera déterminée par voie réglementaire. Ces dispositions conduisent à la mise en place d’un système pénal spécialisé adapté au domaine maritime, comparable aux dispositifs spécialisés judiciaires déjà institués dans d’autres domaines, comme les pollutions marines, et permettant une répression plus efficace des infractions maritimes, comprenant des assesseurs maritimes. Discipline professionnelle. La sécurité de la navigation nécessite une discipline professionnelle, donnant lieu à des sanctions professionnelles et pénales. Des juridictions répressives spécifiques ont été existées, les tribunaux d’amirauté, puis ont été supprimées par la Révolution française, puis rétablies sous le second Empire, à nouveau supprimées de 1926 à 1939 et rétablies. L’expertise maritime peut-elle être trouvée dans les juridictions répressives ordinaires ? Le Code disciplinaire de la marine marchande de 1852 a créé les tribunaux maritimes commerciaux (TMC), qui portaient bien mal leur nom, n’étant nullement commerciaux, mais répressifs. Si la loi du 17 décembre 1926 les supprime, ils seront rétablis en 1929. Leur compétence était limitée aux infractions concernant les accidents de mer, la police de la navigation, certains délits concernant la discipline du bord ; les autres infractions, intervenues à bord, relèvent des juridictions ordinaires. Depuis la loi no 93-1013 du 24 août 1993, le TMC était présidé par un magistrat du tribunal de grande instance, assisté par un agent des affaires maritimes, un capitaine au long cours et un marin ou agent des affaires maritimes, selon que le prévenu est lui-même marin professionnel ou non. Il existait 14 TMC en France, dont l’activité était très variable, mais aucun en outre-mer. Le TMC n’était pas compétent pour statuer sur l’action civile en indemnisation. L’instruction des affaires était assurée par l’administrateur des affaires maritimes ; sa décision de classement ou de renvoi pouvait être contestée par le procureur de la République, par appel à la chambre d’instruction. Un commissaire rapporteur, appartenant au corps des officiers de marine, était parfois chargé d’une instruction complémentaire et remplissait les fonctions de ministère public. Seul le pourvoi en cassation est ouvert contre le jugement du TMC (J. Ph. Bloch, « Le tribunal maritime commercial, un tribunal qu’il faut maintenir en le modernisant », DMF 2004, pp. 690-698). Question prioritaire de constitutionnalité. Dans sa décision du 2 juillet 2010, n° 2010-10 QPC, le Conseil Constitutionnel a jugé que la présence, au sein d'une juridiction répressive compétente pour prononcer des peines privatives de liberté, d'un militaire ou d'un fonctionnaire soumis à l'autorité hiérarchique du Gouvernement, est contraire au principe d'indépendance des juridictions qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En conséquence, le Conseil a déclaré l'article 90 du CDPMM contraire à la Constitution. Cette abrogation a pris effet immédiatement conformément à l'article 62 de la Constitution. Dès lors les affaires en cours devaient être jugées par les TMC dans la composition prévue, selon la nature de l'infraction, pour les juridictions pénales de droit commun, tribunal de police ou tribunal correctionnel (Cass. crim., 13 octobre 2010, n° 09-85444, DMF, 2010, n° 717, pp. 690- 697, obs. L. Briand, « Quel avenir pour les tribunaux maritimes commerciaux ? – R.Fr.Dr. Constitutionnel, 2010, n° 84, pp. 841—874, obs. J.B. Perrier et 2011, n° 86, pp. 265-280 obs. D. Fallon). 1 JO 3 novembre 2012 – p. 17202 Réforme pénale en matière maritime. Les modifications de la loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande et de la cinquième partie du code des transports, comportent une définition élargie et précisée de l’« infraction maritime », infraction à l’encontre des règles de sécurité applicables au navire et à la navigation ; cette définition est articulée avec les infractions du même domaine prévues par le code pénal, susceptibles d’être commises en mer. Il s’agit de préciser la compétence exclusive de la juridiction pénale maritime, placée auprès de TGI. Les crimes ne constituent jamais des infractions maritimes, l’élément criminel prévalant sur le caractère maritime de l’infraction. Certaines infractions relevant du code pénal, lorsqu’elles sont en lien avec la sécurité du navire et de la navigation, peuvent désormais relever de la compétence des tribunaux maritimes. Il en va ainsi des infractions touchant à l’intégrité de la personne ou à la mise en danger d’autrui. La répression des contraventions constituant des infractions maritimes est désormais confiée aux juridictions de droit commun. Pour les contraventions maritimes des quatre premières classes, et si le procureur de la République n’exerce pas lui-même les poursuites, les fonctions du ministère public sont dévolues au directeur interrégional de la mer ou à un fonctionnaire qu’il désigne, à l’instar du rôle confié aux commissaires de police par le code de procédure pénale. Les tribunaux maritimes ne devraient exister que dans certains TGI. Ainsi en matière de pollution marine sont compétents les TGI du Havre, de Brest, de Marseille, de Fort de France, de Saint Pierre et Miquelon, de Paris (art. D. 47-13-1, 706-107 et 706-108 CPP). Le parquet, la juridiction d’instruction et le greffe sont ceux du tribunal de grande instance auprès duquel le tribunal maritime est placé. L’ordonnance clarifie les conditions dans lesquelles les infractions sont constatées. L’article 8 précise un certain nombre de règles en matière de procédure pénale pour les capitaines, les autorités consulaires ainsi que les commandants ou commandants en second des bâtiments de l’Etat et modernise la rédaction des dispositions relatives au transfèrement de personnes mises en cause pour crime ou délit. Les sanctions sont précisées concernant les navires soumis à l’obligation de détenir un rôle d’équipage. Les infractions en matière de circulation des navires sont clarifiées et les sanctions aggravées. L’article 11 de l’Ordonnance prévoit des sanctions pénales correspondant aux manquements à des dispositions du droit du travail dont les obligations sont définies dans le code des transports. Ces obligations étant spécifiques au secteur maritime, elles ne sont pas codifiées dans le code du travail, de même que les dispositions pénales : dès lors que, pour des obligations similaires, les peines sont prévues par le code du travail, il y est fait renvoi ; à défaut, ces peines ont été prévues avec le même niveau de sanction que dans le code du travail. Constitue des infractions pénales maritimes, notamment le refus d’obéissance, l’absence irrégulière du bord, le refus d’obéissance en matière de sûreté du navire, l’absence de contrat de travail maritime écrit ou l’absence des mentions obligatoires dans ce contrat (art. L. 5542-3 C. Transports), le non respect de la durée maximale des CDD ou de l’intervalle du tiers temps entre deux CCD, lorsque ce tiers temps s’impose (art. L. 5542-11). Le code disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande sera abrogé au bénéfice de la loi relative à la répression en matière maritime, non codifiée, entre en vigueur en fonction de la publication des décrets nécessaires, mais au plus tard le 1er janvier 2015. Les assesseurs maritimes. La composition des tribunaux maritimes repose sur le principe de l’échevinage : sous la présidence d’un magistrat, le tribunal comprend, outre trois magistrats, deux assesseurs maritimes nommés en raison de leur expérience et de leur connaissance des réalités de la navigation maritime. Cette expérience pourra avoir été acquise tant dans les domaines de la marine marchande, de la pêche ou de la plaisance professionnelle que dans le domaine de la plaisance non professionnelle. La liste des assesseurs maritimes et dressée par une commission présidée par le président du TGI (art. 7). Ils prêtent serment de bien remplir leurs fonctions et de garder le secret des délibérations. L’article 10 fixe les règles de récusation des assesseurs maritimes. Leurs modalités de désignation, leur statut spécifique, notamment la protection dont bénéficieront les assesseurs maritimes salariés qui seraient désignés, contre le licenciement ou le transfert d’une entreprise vers une autre par l’intervention de l’autorisation administrative préalable de l’inspection du travail, sont de nature d’assurer leur indépendance, de même que les cas d’incapacité ou d’incompatibilité. L’employeur accorde au salarié de son entreprise, assesseur maritime des autorisations d’absence (art. 13), dans les conditions fixées par l’article L. 3142-12 du code du travail. Les temps de trajet et de fonctions sont assimilés à du temps de travail effectif, pour l’ancienneté, les congés payés. A l’instar des conseillers prud’hommes, les assesseurs maritimes apparaissent dans le champ d’application de la protection des représentants du personnel (art. L 2411-1 C. trav.), en matière de rupture anticipée ou de non-renouvellement du CDD (art. L. 2412-14), d’interruption ou de non renouvellement d’une mission de travail temporaire (art. L. 2413-1) exprimant ainsi explicitement l’extension uploads/S4/ modernisation-du-droit-penal-professionnel-maritime-fraccais.pdf

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  • Publié le Oct 08, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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